Les présidents égyptien Abdel Fattah al-Sissi et français François Hollande ont appelé conjointement l’ONU à réunir son Conseil de sécurité pour décider de « nouvelles mesures » contre l’EI. Le Caire a en outre insisté sur la nécessité impérative d’une « intervention ferme » de la communauté internationale pour enrayer la progression du groupe en Libye.
L’intervention contre la branche de l’EI en Libye marque l’ouverture d’un nouveau front pour l’armée égyptienne, qui peine déjà à contrer sur son territoire des jihadistes affiliés à l’EI menant des attentats spectaculaires contre les forces de l’ordre.
« Nos forces armées ont mené lundi des frappes aériennes ciblées contre des camps et des lieux de rassemblement ou des dépôts d’armes de Daech (acronyme en arabe de l’EI) en Libye », a annoncé l’armée égyptienne.
Les militaires ont rendu publiques des images montrant des avions de combats –manifestement des F-16 de fabrication américaine– décollant en pleine nuit. Des témoins ont assuré à l’AFP en Libye que des avions avaient frappé à Derna, fief des jihadistes à 1. 300 km à l’est de Tripoli.
Ces frappes, conduites avec l’armée libyenne, ont tué 50 jihadistes, a indiqué le chef de l’armée de l’air libyenne Saqr al-Jaroushi à une chaîne de télévision égyptienne CBC Extra. Mais il était impossible de confirmer ce bilan de source indépendante.
Avec ces exécutions revendiquées dimanche soir par sa branche libyenne, l’organisation jihadiste démontre qu’elle a exporté ses méthodes d’extrême brutalité en dehors des régions qu’elle contrôle en Syrie et en Irak où elle multiplie les atrocités.
– Deuil national –
Sur la vidéo de l’EI diffusée sur internet, des hommes portant des combinaisons oranges, semblables à celles d’autres otages exécutés ces derniers mois en Syrie, sont alignés sur une plage les mains menottées dans le dos, avant que leurs bourreaux ne les décapitent au couteau.
Les autorités ont annoncé un deuil national de sept jours.
Dans le village d’Al-Our, dans le sud, d’où étaient originaires 14 des victimes, les familles ont laissé éclater leur chagrin dans la petite église.
« Mon fils est parti en Libye il y a 40 jours pour gagner de l’argent et préparer son mariage », s’est lamenté Boshra Fawzi, le père de Kirollos Boshra, 22 ans, avant de fondre en larme. Dans cette province de Minya, la minorité copte –moins de 10% de la population égyptienne– est très présente et parfois victime d’attaques ou de vexations.
Exprimant sa « profonde tristesse », le pape François a souligné que les 21 hommes avaient été exécutés « pour le seul fait d’être chrétiens ».
Tandis que Washington a condamné un « meurtre abject », estimant que « la barbarie de l’EI n’a pas de limites », M. Hollande, dont le gouvernement a signé lundi la vente d’avions de combat Rafale avec l’Egypte, a « exprimé sa préoccupation face à l’extension des opérations » du groupe jihadiste en Libye.
« Aujourd’hui preuve est faite qu’il y a des centres d’entraînement et des actions spécifiques de Daech en Libye », a commenté le ministre français de la Défense, Jean-Yves le Drian, avant de s’envoler pour Le Caire. « La Libye, c’est de l’autre côté de la Méditerranée, c’est très proche de nous, d’où la nécessité d’être très vigilant et d’être allié avec les pays de la coalition, comme l’est l?Égypte », a-t-il ajouté.
Avec les frappes menées en Libye, le président Sissi montre aux pays occidentaux qui ont critiqué son bilan en matière des droits de l’Homme que son régime est un rempart contre l’ennemi jihadiste commun, estiment des experts.
« Ces frappes élèvent l’Egypte à un nouveau niveau dans sa lutte contre les organisations extrémistes, » a jugé Mathieu Guidère, professeur d’islamologie et de géopolitique à l’Université de Toulouse en France.
La dernière vidéo d’exécution diffusée par l’EI remontait au 3 février, lorsque le groupe avait montré un pilote jordanien brûlé vif dans une cage. Il avait été capturé en Syrie en décembre, lors d’une mission dans le cadre de la coalition internationale antijihadistes menée par Washington.
Accusée de nettoyage ethnique et crimes contre l’Humanité, l’EI a reçu l’allégeance de plusieurs groupes jihadistes, comme les insurgés égyptiens d’Ansar Beït al-Maqdess qui a récemment rendu publiques des vidéos d’attentats spectaculaires ou de décapitations dans le Sinaï (est).
La Libye est plongée dans le chaos depuis la chute en 2011 de Mouammar Kadhafi, les autorités ne parvenant pas à contrôler les dizaines de milices formées d’ex-insurgés qui font la loi face à une armée et une police régulières affaiblies.
« Laisser la situation en l’état en Libye sans une intervention ferme pour y stopper la progression des organisations terroristes représenterait une menace claire pour le sécurité internationale et la paix », a averti à l’adresse de la communauté internationale le ministre égyptien des Affaires étrangères Sameh Choukri.