Dans le quartier général de l’Amisom, installé à l’aéroport international de la capitale somalienne, les véhicules blindés – Mamba, Kasspier et Buffalo de fabrication sud-africaine – s’alignent dans un épais nuage de poussière blanche pour laisser monter les soldats sanglés dans leur gilet pare-balles.
Objectif: amener des vivres à un cantonnement du contingent ougandais de la force, installé à quatre kilomètres de là.
« Pour les quatre km entre l’aéroport et le carrefour de K4, nous avons mis en place des postes, parce que c’est là que nous avons eu le plus d’attaques à la bombe. Maintenant, depuis trois mois environ, nous n’avons plus d’explosion dans ce coin là », commente le colonel Bakasumba, commandant opérationnel du contingent ougandais de l’Amisom.
Pour déjouer toute attaque des insurgés islamistes, chaque véhicule est en liaison radio permanente avec les autres.
Au moindre arrêt suspect, les soldats dans les tourelles saisissent leurs mitrailleuses lourdes, sous l’oeil amusé et curieux des dizaines d’enfants installés sur les trottoirs.
Tout le long de ce petit tronçon de route défoncée, des soldats ougandais sont installés dans des immeubles ou des villas. Il contrôlent de visu que personne n’y place de bombe. Pour la surveillance nocturne, ils ont monté des projecteurs sur le trajet.
L’Amisom s’est en outre attachée les services d’un expert en déminage, Rocky Van Blerk, Namibien, qui travaille pour une compagnie américaine, Bancroft Global.
« Certaines des méthodes de fabrication d’explosifs viennent directement d’Irak et d’Afghanistan. Les ingrédients ne sont pas toujours les mêmes, parce qu’on ne trouve pas tout ici, mais ils sont devenus très bons et utilisent parfois des bombes avec jusqu’à 60 kg d’explosifs », assure l’expert.
« Il n’y a pas beaucoup de solutions face à ces bombes artisanales: soit les repérer et vous les faites sauter, soit vous arrivez à les désamorcer, ou alors s’assurer que l’explosion est détournée », explique-t-il.
En clair, les soldats de l’Amisom sont équipés de gilets pare-balles et pare-éclats et circulent dans des véhicules conçus pour préserver la vie des occupants en cas de mines ou de « roadside bomb », avec notamment une carrosserie en forme de V.
Arrivé au cantonnement, poulets vivants, tomates, melons et farine de maïs sont déchargés des camions. Installés sur les toits, des mitrailleurs scrutent les rues à la jumelle.
« Ne restez pas là, il y a des snipers », lance un officier: « hier l’un d’eux a tiré sur nous, juste à cet endroit ».
Le convoi repart en direction de Villa Somalia, siège de la présidence somalienne. Les hommes déchargent à nouveau des provisions dans l’enceinte du palais.
« Ici nous sommes dans un des lieux les plus stratégiques de Mogadiscio, c’est pourquoi c’est l’un des plus visés par les insurgés », explique le major Joab Ndahura, commandant du contingent qui garde la présidence. Mardi sept civils ont été tuées par une attaque au mortier dans le quartier.
Sur une maquette en sable et carton de Mogadiscio, il montre les positions de l’Amisom, une petite bande de terre, dos à la mer, encerclée par les insurgés. « Tous ces quartiers sont tenus par les islamistes », note-t-il en désignant le reste de la capitale.