Zambie : comment éviter un conflit armé au Barotseland ?

Publié le 6 juin 2014 Lecture : 4 minutes.

William Kirtley est associé dans le domaine de l’arbitrage international du cabinet Dugué & Kirtley AARPI à Paris (http://duguekirtley.com/fr/). Avant de débuter sa carrière d’avocat, il a travaillé à M’Bahiakro en Côte d’Ivoire pour le American Peace Corps (1998-2000) avant d’être consultant pour le Tribunal Pénal International de Rwanda à Arusha en Tanzanie (2003).

Un important contingent de l’armée régulière zambienne s’est déployé ces derniers mois dans la province du Barotseland située au sud-ouest de la Zambie. Cette démonstration de force est le résultat d’une escalade de la tension entre le gouvernement zambien et les partisans de la sécession de la province du Barotseland réunis sous la bannière du parti indépendantiste le "Barotse National Freedom Alliance" (BNFA). Depuis l’interruption à balles réelles d’une réunion des indépendantistes Barotse par la police zambienne en janvier 2012 jusqu’au procès, pour haute trahison, de 70 membres du BNFA en automne 2013, le clivage entre le gouvernement central et la province Barotse s’accentue et commence à mettre en question la stabilité du pays.
La province du Barotseland correspond depuis plus de cinq siècles au territoire du royaume Lozi. La monarchie séculaire des Lozi, connue pour son haut niveau de développement économique et éducatif se fonde sur une organisation politique participative et un système judicaire complexe documentés par les comptes rendus d’exploration pionnière de David Livingstone au XIXe siècle, puis, au siècle suivant, par les enquêtes d’anthropologiques menées dans la région. Protectorat britannique suite à un traité conclu avec les monarques Lozi sous l’impulsion de Cecil Rhodes, le Barotseland est  reconnu comme un royaume indépendant par une sentence arbitrale du 30 mai 1905 émise suite à un conflit opposant l’Angleterre au Portugal. 

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Lors de l’indépendance de la Zambie, la province Barotse intègre la nouvelle nation  en étant assurée selon le "Barotseland Agreement of 1964" de conserver son autonomie en matière de gouvernance et de finance, de bénéficier de la continuité de ses juridictions locales ainsi que du contrôle de son territoire et de ses ressources naturelles. Pourtant, rapidement, la rhétorique nationaliste du premier président de la jeune république zambienne, Kenneth Kaunda, prive le royaume Barotse de tous les droits politiques et judicaires pourtant  légalement garantis par l’accord de 1964. Le "Local Government Act of 1965" répudie les institutions politiques Barotse pour leur substituer le système juridictionnel du gouvernement central zambien. Dès 1969, le parlement zambien amende la constitution afin d’abroger le "Barotseland Agreement 1964" et rebaptise la province sous le nom générique de "Western Region". Le gouvernement zambien impose ensuite la transformation des structures économiques et agricoles de la région. Le système de centralisation foncière mis en place après l’indépendance impose en 1975 la transformation des terres du royaume en "State lands". Anéantissant toute l’économie foncière de la province, le nouveau régime agraire signe la dégradation économique et sociale d’une  région pourtant assise sur une plaine fertile dont les richesses faisaient la réputation de la province et la fortune de ses habitants. 

En 1991 la victoire du Movement for Multi-party Democracy et l’élection du président Frederick Chiluba signent la fin de la dictature de Kenneth Kauda  et promet la démocratisation du pays. Rapidement les partis d’oppositions progressent, les différents groupes indépendantistes s’organisent puis s’unissent sous la bannière du Barotse National Freedom Alliance afin de réclamer l’application du "Barotseland Agreement 1964" ainsi que l’indépendance du royaume du  Barotseland.

À l’inverse des mesures arbitraires prises par le gouvernement de l’actuel président de la Zambie, Michael Chilufya Sata,  contre la province Barotse – l’imposition d’une censure drastique afin de contrer les revendications de la province, l’augmentation des intimidations et procès arbitraires contre les leaders du BNFA, et surtout l’envoi de soldats zambiens pour contrôler la région – le Barotse National Freedom Alliance cherche des recours pacifiques afin de contrer le déploiement de force armée  et résoudre le conflit. La province du Barotseland a fait le choix d’une démarche légaliste,  visant une reconnaissance de son existence par la communauté internationale  qui  inclut le recours à une cour internationale d’arbitrage pour décider du statut de nation souveraine du Barotseland.

Malheureusement, depuis le 28 mars 2014, le gouvernement zambien refuse de signer la clause d’arbitrage qui ouvre la voie vers une résolution légale et pacifique  du conflit, et ce, en dépit que des milliers de membres de la société civile  Barotse aient signé la clause d’arbitrage.  Le refus du gouvernement zambien de signer la clause d’arbitrage qui lui été soumise suggère que la Zambie sait déjà que l’occupation de Barotseland est illégale, mais préfère laisser la situation s’envenimer au point de laisser germer de nouveaux conflits frontaliers dans cette  zone déjà instable du continent.   

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Afin de prévenir l’émergence de nouveaux conflits en Afrique et la création d’États fragiles à l’instar du Sud Soudan, la communauté internationale devrait encourager la Zambie à soumettre la question du statut du Barotseland à un tribunal indépendant et impartial comme le Barotseland réclame.
   

 

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