Dans ce dossier
Série : sur la piste des milliards envolés de l’Angola
Les histoires de transferts illicites de sociétés d’État, de contrats d’approvisionnement gonflés et d’accaparement de terres dans la capitale – telles que documentées par les procureurs du gouvernement et le piratage des données des Luanda Leaks – ne sont que la partie visible d’un iceberg gargantuesque, selon des avocats commerciaux familiers avec certaines des plus grosses transactions de la dernière décennie.
À Luanda, de nombreuses autres affaires pourraient être révélées dans les mois à venir, la police judiciaire angolaise prévoyant des descentes dans des entreprises locales soupçonnées de malversations.
Identifier et négocier la restitution des avoirs pillés
Mais au-delà des frontières aussi, les procureurs angolais font la tournée des capitales occidentales, mettent en place des échanges d’informations financières, exhortent les régulateurs à geler les actifs et les comptes. Des sociétés spécialisées dans la recherche d’avoirs s’entretiennent avec des fonctionnaires à Luanda pour entamer le processus minutieux de recherche, puis négocier la restitution des avoirs pillés.
Une question clé sera par exemple de savoir dans quelle mesure les compagnies pétrolières internationales en Angola peuvent être impliquées. Pour cela, il conviendra de comprendre combien l’Angola gagne de ses exportations de pétrole, de quels impôts ces compagnies pétrolières s’acquittent, mais aussi qui négocie ces paiements et avec quelle transparence.
Seront également passés au crible les procédures et les relations éthiques que ces sociétés entretiennent avec leurs avocats, leurs auditeurs et leurs comptables.
De nombreux partenaires commerciaux de l’Angola seront interrogés. « Le Portugal n’est pas le pays qui a le plus contribué à la corruption de l’Angola – ce prix revient à la Chine, nous confie une source juridique. Et prenez le Royaume-Uni – il a énormément profité des millions de dollars détournés de l’Angola. Il suffit de regarder les propriétés de plusieurs millions de livres sterling qu’Isabel y possède ».
Le mari de dos Santos, Sindika Dokolo, a obtenu une participation dans la société genevoise De Grisogono, qui fabriquait des bijoux en diamant pour les stars, dans ce qui devait être un partenariat à parts égales avec la société diamantaire nationale angolaise Sodiam.
Mais il est apparu que la Sodiam s’est taillé la part du lion, la contribution de Dokolo étant négligeable. De Grisogono, qui possédait six magasins aux États-Unis, a déposé son bilan fin janvier de cette année, ce qui pourrait déclencher des enquêtes supplémentaires sur ses finances.
De Rio à Moscou, entre participations directes et indirectes
Autre dossier sur le bureau des enquêteurs, celui sur la participation indirecte de 6 % du clan dos Santos dans la compagnie pétrolière portugaise Galp – la deuxième plus grande entreprise de la bourse de Lisbonne avec des opérations en Angola, au Brésil et au Mozambique. Ils ont payé 75 millions de dollars pour cette participation, estimée à bien plus de 700 millions de dollars en février, avec un prêt de Sonangol.
Les militants anti-corruption examinent également les opérations commerciales de Tatiana, la mère d’Isabel, née en Union soviétique, et d’Isabel avec des sociétés russes – même si leurs enquêtes ont peu de chance de trouver des réponses. Si certains médias ont affirmé qu’Isabel dos Santos voyage désormais avec un passeport russe ou envisage de s’installer à Moscou, ces informations sont formellement démenties par les proches de l’ancienne DG de la Sonangol.