Dans la matinée du 10 mai, près du village d’Eshobi, à 8 kilomètres de Mamfe, la voiture dans laquelle se trouvait Ashu Prisley Ojong, 35 ans, a été la cible de tirs et l’édile mortellement touché.
Selon ses proches, Ashu Prisley Ojong prévoyait de rencontrer un groupe de séparatistes anglophones désireux de déposer les armes, et n’était accompagné que d’une escorte légère, composée de deux militaires et de son chauffeur. Blessés dans l’attaque, les deux soldats ont été évacués vers Buea.
D’après des sources militaires, cette attaque est l’œuvre des milices séparatistes qui opèrent dans le département de la Manyu depuis le début du conflit anglophone.
Opérateur économique
Ashu Prisley Ojong avait été élu il y a tout juste trois mois à la tête de la mairie de Mamfe. À l’issue du scrutin de février dernier, cet opérateur économique, propriétaire de magasins et de champs de cacao, avait succédé à John Ayuk Takunchung, dont la candidature avait été écartée par le Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, au pouvoir) en raison d’une présumée complaisance vis-à-vis des séparatistes, ces derniers ayant fait de certaines localités du département de la Manyu leurs bastions.
Il était notamment reproché à John Ayuk Takunchung d’avoir respecté le mot d’ordre de faire de Mamfe une « ghost town » (« ville fantôme ») en février 2017, comme le demandait le Consortium de la société civile anglophone, organisation depuis lors dissoute par les autorités administratives.
En août 2018, John Ayuk Takunchung avait également demandé aux sécessionnistes de « manifester sans paralyser les villes, ni empêcher les enfants de se rendre à l’école ». Le RDPC avait alors choisi d’investir Ashu Prisley Ojong lors de l’élection suivante, alors qu’il était jusque-là deuxième adjoint du maire.
Retour à la paix
Il avait fait du retour à la paix son cheval de bataille. « Notre département disparaît sous nos yeux, avait-il lancé lors d’un meeting de campagne, au début du mois de février. Nous ne pouvons laisser faire. C’est à nous de faire revenir la paix. » Cet engagement n’était cependant pas du goût des sécessionnistes, qui reprochent aux membres de l’administration d’origine anglophone de « collaborer avec ceux qui tuent [leurs] enfants ».
Malgré les appels à cesser le feu formulés pour lutter contre la pandémie du Covid-19, les combats continuent de faire rage entre soldats camerounais et sécessionnistes.
Enlèvements et embuscades
Début mars, c’est le maire de Mbengwi qui a été enlevé et retenu captif pendant plusieurs semaines avant d’être libéré par les forces de défense camerounaises. En mars toujours, six membres du conseil municipal d’Oku, dans le Bui, ont par ailleurs échappé de justesse à une embuscade. Moins chanceux, un membre du conseil municipal de Nwa a lui été tué le même mois dans une attaque similaire.
Côté sécessionnistes, les derniers mois ont également été marqués par de lourdes pertes, notamment dans la région du Nord-Ouest. Le camp “ambazonien” de Bafut a ainsi été détruit, et le « général Alhadji », accusé d’être à l’origine de l’enlèvement de 79 élèves à Bamenda en 2018, a été tué. Pour les forces de défense et de sécurité, la situation revient progressivement à la normale, même si des poches de résistance gardent leur capacité de nuisance sur le terrain.