Le 7 avril 2000, une vague d’émotion déferle le long du boulevard du 9 avril. Par dizaines de milliers, les Tunisiens viennent rendre un dernier hommage à Habib Bourguiba, décédé la veille. Les femmes, nombreuses, se pressent dans les escaliers étroits de l’ancien siège du Parti socialiste destourien (PSD) pour une ultime prière sur la dépouille du fondateur du mouvement. L’essentiel de la vie de l’ancien chef d’État est là : les femmes et la politique.
Ses biographes justifient la place particulière des femmes dans la vie de Bourguiba par l’amour qu’il vouait à une mère partie trop tôt et qu’il n’a cessé de regretter. Charmeur, le raïs au regard bleu perçant aimait les femmes, sans être un coureur de jupons. Car si le premier président tunisien avait épousé la politique bien tôt, il avait surtout succombé à une passion exclusive pour Wassila, sa compagne, son inaliénable soutien, son alter ego, celle qu’il adulait, qui le soutenait contre vents et marées, qui savait lui tenir tête et qui se mêlait parfois des affaires publiques au point de l’insupporter.
El Mejda (la glorieuse), comme on l’appelait, est elle décédée en 1999, moins d’un an avant « Si El Habib ». En 1986, ce dernier, vieillissant, presque sénile, et surtout sous influence de sa nièce Saïda Sassi, avait mis fin à une histoire d’amour de 43 ans, en imposant à Wassila un divorce aux allures de répudiation. Une humiliation que n’a jamais pardonnée celle qui, avant de devenir première dame en 1962, a d’abord été une femme d’influence, forte, indépendante, qui avait assumé urbi et orbi d’être la maîtresse de Bourguiba.