Tunisie : Leïla Menchari, grande créatrice des vitrines Hermès, emportée par le coronavirus

Le faubourg Saint-Honoré est en deuil. La créatrice tunisienne Leïla Menchari, qui a réinventé les vitrines de la maison Hermès pendant plus de cinquante ans, est décédée du Covid-19 à l’âge de 93 ans.

Leïla Menchari © Frédérique Jouval pour JA

Leïla Menchari © Frédérique Jouval pour JA

Publié le 6 avril 2020 Lecture : 2 minutes.

La magicienne des couleurs, qui a donné pendant près de cinquante ans la tendance des célèbres carrés de soie de la maison Hermès, a rejoint au paradis des créateurs ses amis Azzedine Alaïa et Guy Laroche, qui ont accompagné ses premiers pas dans le Paris de la mode de l’après-guerre. Celle que beaucoup de femmes prenaient pour modèle d’élégance s’en est allée discrètement à Paris, le 4 avril, à l’âge de 93 ans.

La Tunisienne Leïla Menchari restera dans les mémoires comme une artiste à l’imagination raffinée et exubérante. Sa vie durant, elle a dessiné et exposé ses rêves au 24, rue du faubourg Saint-Honoré, comme le lui avait intimé à ses débuts, en 1961, Annie Beaumel, décoratrice en chef de la maison Hermès, dont elle a ensuite pris la relève.

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Éprise des matières précieuses, Leïla Menchari compose au gré de sa fantaisie et de son imaginaire des vitrines devenues de mythiques œuvres d’art. Tout l’inspire. Elle traduit en dessins puis met en scène les réminiscences de ses voyages mais aussi de sa passion pour un Paris immortel et pour une Tunisie qu’elle a chevillée au cœur.

Féministe

Son histoire de famille est à elle seule une saga : son père est un avocat issu d’une famille de propriétaires terriens, et sa mère, Habiba, petite-fille du dernier sultan de Touggourt, est greffière au tribunal. Dans les années 1920, elle a défrayé la chronique : elle était alors la première Tunisienne à prendre le volant d’une voiture et, surtout, l’une des premières féministes à prendre la parole en public à visage découvert pour défendre la cause des femmes et s’élever contre le port du voile et contre la polygamie.

Dans le milieu où Leïla évolue, il n’est question que d’émancipation. Et ses parents l’encouragent dans ses choix. Elle entame des études à l’école des Beaux-arts de Tunis, puis les poursuit à Paris. Son orientation n’est pas un hasard : elle lui a été inspirée par Jean et Violet Henson, un couple d’esthètes anglo-américain qui lui a ouvert les portes de sa maison de Hammamet, dont elle héritera.

La jeune Leïla y croise l’écrivain et cinéaste Jean Cocteau, le chorégraphe Serge Lifar, le peintre Man Ray, et est surtout émerveillée par le jardin enchanté créé par ses hôtes. Couleurs, parfums et esthétisme la conduisent vers la création, après une brève carrière de mannequin chez Guy Laroche.

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Son premier essai est un succès. Elle compose la vitrine pour le lancement de Calèche, célèbre parfum d’Hermès, qui lui confie aussi les rênes du Comité Couleurs de la soie. Une tradition s’instaure : quatre fois par an, le lever de rideau sur les vitrines réalisées par Leïla Menchari est un événement couru par le Tout-Paris. Elle en composera 124, comme autant de tableaux précieux et éphémères.

Mais la créatrice n’est jamais aussi heureuse qu’à Hammamet. Dans les années 1970, aux côtés du comédien Jean-Claude Pascal, elle y attire toute la jet-set, qui y découvre la simplicité des maisons de pêcheurs, l’élégance des jellabas de lin et le plaisir de déambuler pieds nus. Un temps insouciant et révolu, dont l’un des symboles vient de s’éclipser.

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