En Tunisie, des robots pour faire respecter le confinement

Depuis une dizaine de jours, la police de Tunis compte un renfort de poids : des robots. Pilotés à distance, ceux-ci s’assurent que les habitants respectent le confinement. Une approche inédite en Afrique, et qui repose sur une technologie 100 % tunisienne.

Le robot PGuard veille au respect du confinement dans les rues de Tunis. © Ministère tunisien de l’Intérieur

Le robot PGuard veille au respect du confinement dans les rues de Tunis. © Ministère tunisien de l’Intérieur

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Publié le 6 avril 2020 Lecture : 3 minutes.

Malgré les sommations, la passante ne s’arrête pas. Seule, marchant dans une rue du centre-ville de Tunis, elle réalise au bout de quelques secondes que c’est bien elle qui est interpellée par un étrange robot. Toujours hésitante, elle extrait finalement, avec ses mains gantées, sa carte d’identité et son autorisation de sortie qu’elle brandit devant les yeux – deux caméras panoramiques à 180° – de Pguard.

Cette scène est issue de la vidéo publiée le 25 mars sur les réseaux sociaux par le ministère de l’Intérieur tunisien pour vanter ses capacités technologiques dernier cri, en l’occurrence des robots, pour faire respecter le confinement.

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Phase de test

Le clip du ministère de l’Intérieur fait la fierté des Tunisiens sur les réseaux sociaux, remarquant que seuls les pays asiatiques utilisent une pareille innovation, jusqu’à présent ni l’Europe, ni l’Amérique n’ont eu recours à des robots pour lutter contre la propagation du Covid-19. Innovation sortie, qui plus est, du cerveau d’un compatriote, Anis Sahbani, ingénieur de formation et fondateur d’Enova Robotics, dont le siège est dans la technopole SoftTech de Sousse, à 140 km au sud de Tunis.

D’une hauteur de 1,60 m pour 240 kg, capable de se déplacer à une vitesse de pointe de 11km/h et doté de 4 roues motrices, le PGuard (pour Pearl Guard, la perle des gardiens) circule depuis dix jours dans le Grand Tunis pour « une phase de test », selon le ministère de l’Intérieur, réticent à communiquer. Selon nos informations, les discussions seraient en cours entre la société et le ministère pour l’acquisition de plusieurs de ces robots.

La tâche du PGuard est de s’assurer que les Tunisois déambulant dans la ville ont une bonne raison de le faire, sans risquer de contaminer les forces de l’ordre. D’après la vidéo, le robot est piloté par un policier depuis un centre de commandement, dans lequel le « pilote » a accès aux différentes caméras de surveillance de la ville. Il peut également interagir avec la personne par un système de micro-haut-parleurs très performant.

Haut-parleurs qui lui permettent également de diffuser les consignes de sécurité et les obligations légales aux habitants du quartier. Mais PGuard ne travaille pas seul : « Il est passé devant chez moi, mercredi. Il était accompagné d’une voiture et de deux policiers », révèle une habitante du quartier résidentiel d’el-Menzah qui s’interroge sur l’efficacité et l’utilité de ce policier en ferraille.

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Limiter les contacts avec les agents

« Le robot n’est qu’un outil, il ne va pas remplacer le policier. Si une personne décide d’ignorer ses demandes, il ne va pas se mettre à le poursuivre, ce n’est pas le but », explique Mathieu Goncalves, directeur opérationnel (COO) de la filiale française d’Enova Robotics.

Originellement, le robot a été conçu pour surveiller et donner l’alerte en cas de présence suspecte dans des sites stratégiques (usines, zone militaire, aéroports, etc.) ou pour remplacer l’homme dans des zones dangereuses (sites nucléaires,…). C’est ce dernier aspect que semble donc privilégier le ministère de l’Intérieur.

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PGuard est lancé « au front » en s’approchant au maximum des piétons. À charge aux policiers, à l’arrière, d’agir si la personne se comporte de manière suspecte ou n’a pas les documents demandés. Autre avantage, relevé avec une pointe d’ironie amère par les internautes tunisiens, PGuard est, lui, incorruptible.

Des « contacts avancés » avec plusieurs gouvernements

Si la machine possède une caméra thermique, elle n’est pas en capacité de repérer les personnes qui auraient de la fièvre, comme c’est le cas de certains drones utilisés en Chine. « Nous pourrions installer cette fonction sur le PGuard, c’est techniquement possible, mais personne ne nous l’a demandé encore », assure Mathieu Goncalves qui précise que d’autres pays, « un peu partout dans le monde », sont en contact avancé avec Enova Robotics.

Commercialisé depuis le début de l’année 2019, la dernière version de PGuard coûte entre 120 000 et 150 000 euros l’unité. La société se refuse à communiquer le nombre de ses ventes effectives, mais précise qu’elles ont eu lieu en Europe, au Moyen-Orient et en Afrique. Enova Robotics, fondée en 2014, compte une trentaine de salariés et vit principalement de la levée de fonds de 1,5 million d’euros de 2018 – l’une des plus grosses levées de fonds en Tunisie à l’époque.

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