Politique

Togo : Agbéyomè Kodjo, le « président élu » convoqué par la police

Agbéyomè Kodjo est convoqué ce mercredi par le service central des recherches et d’investigations criminelles de la gendarmerie togolaise. L’opposant est accusé par le procureur d’atteinte à la sûreté de l’État.

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Mis à jour le 1 avril 2020 à 12:51

Agbéyomé Kodjo, le 24 février à Lomé. © Sunday Alamba/AP/SIPA

Atteinte à la sûreté intérieure de l’État, usage des insignes de l’État, nominations illégales, création d’un site web et d’un compte Twitter le présentant comme « président élu », troubles aggravés à l’ordre public, diffusion de fausses nouvelles, dénonciations calomnieuses, actes subversifs… Nombreux sont les chefs d’accusation qui pèsent à l’encontre de Agbéyomè Kodjo, qui continue de se proclamer « président démocratiquement élu » du Togo.

Le 16 mars dernier, le procureur général a demandé – et obtenu  – la levée de la double immunité parlementaire afin de pouvoir entendre l’opposant. Le procureur Essolissam Poyodi, dans un courrier adressé à la présidente de l’Assemblée nationale, Yawa Djigbodi Tségan, insistait alors sur « de graves présomptions d’avoir commis des infractions à la loi pénale ».

Messe « d’investiture »

Selon les résultats définitifs de la présidentielle du 22 février, proclamés par la Cour constitutionnelle, Agbéyomè Kodjo, président du Mouvement patriotique pour la démocratie et le développement (MPDD) a été crédité de 19,46% des suffrages contre 70,78% pour Faure Gnassingbé, et 5% à l’opposant historique, Jean-Pierre Fabre.

Le candidat du MPDD conteste ces chiffres et estime que sa victoire lui a été « volée ». Il s’est donc auto-proclamé « président », lors d’une messe « d’investiture », organisée le 1er février sous l’égide de Mgr Philippe Fanoko Kossi Kpodzro, l’archevêque émérite de Lomé. Il a également nommé un Premier ministre et s’est même adressé à l’armée en endossant le rôle de son « chef suprême ».

Le procureur reproche par ailleurs à Agbéyomè Kodjo des « dénonciations calomnieuses », pour avoir accusé le président Faure Gnassingbé et des membres du gouvernement d’avoir orchestré les incendies des grands marchés de Lomé et de Kara.

« Nous avons levé l’immunité parlementaire […] pour ne pas faire obstruction au fonctionnement de la justice », a justifié Atcholi Aklesso, président du groupe parlementaire de l’Union pour la République (UNIR, parti présidentiel).

Confiné à domicile

Confiné à son domicile du quartier Tokoin-Forever, à Lomé, Kodjo bénéficie du soutien d’une partie de l’opposition. Il est également soutenu par Mgr Philippe Kpodzro, qui a été l’initiateur de sa candidature à la présidentielle. « S’ils viennent le chercher, ils doivent me prendre en premier lieu. Il ne bougera pas sans moi », a martelé l’archevêque émérite à l’annonce de la levée de l’immunité parlementaire de son poulain, invitant même la population togolaise à « entrer dans une résistance légale pour empêcher l’arrestation programmée de notre président démocratiquement élu ».

Le Comité d’action pour le renouveau (CAR, opposition) voit dans les ennuis judiciaires d’Agbéyomè Kodjo « l’intention manifeste de le faire incarcérer après une parodie de procès ».

La Dynamique Kpodzro, mouvement ayant soutenu la candidature d’Agbéyomè Kodjo à l’appel de l’archevêque émérite de Lomé, juge pour sa part que ces poursuites n’ont pour seul but que de « l’empêcher définitivement de réclamer la victoire du peuple». Ce mouvement, qui a d’abord lancé plusieurs appels à manifestation contre Faure Gnassingbé, s’est finalement ravisé pour « éviter d’en rajouter à la crise liée au Covid-19 ».

« Nous avons voté, c’est notre devoir de défendre notre vote », insiste Brigitte Adjamagbo, porte-parole du candidat Agbéyomé, invitant ses compatriotes à « faire du bruit de leurs domiciles respectifs en tapant sur les casseroles, en soufflant dans les sifflets et dans les vuvuzela».

Agbéyomè Kodjo, ancien Premier ministre et ancien président de l’Assemblée nationale, a reçu, en mains propres, sa convocation à la gendarmerie. Il a confié qu’il n’a pas « peur » de retourner en prison, pour la troisième fois depuis le début de sa carrière politique.