Législatives au Mali : la tentation de l’abstention face au risque du coronavirus

Ibrahim Boubacar Keïta a décidé de maintenir les législatives du 29 mars, alors que le Mali est désormais confronté à l’expansion rapide du coronavirus. Aller voter ou rester chez soi ? Face au coronavirus, le taux d’abstention risque d’être élevé, malgré les mesures prises par les autorités.

Contrôles sanitaires visant à endiguer le coronavirus côté malien de la frontière avec le Burkina Faso, à Koury le 22 mars 2020. © DR / Ministère malien de la Santé

Contrôles sanitaires visant à endiguer le coronavirus côté malien de la frontière avec le Burkina Faso, à Koury le 22 mars 2020. © DR / Ministère malien de la Santé

Aïssatou Diallo.

Publié le 28 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Les législatives se tiendront-elles le 29 mars ? À cette interrogation de ses compatriotes, Ibrahim Boubacar Keïta a répondu par l’affirmative dans la nuit du 25 mars, lors d’une déclaration très attendue. Le scrutin se tiendra bel et bien, « dans le respect scrupuleux des mesures-barrières », a insisté le chef de l’État.

Après avoir longtemps été épargné par la pandémie du Covid-19, le Mali compte 18 cas de personnes infectées au 28 mars. Les autorités ont décrété l’état d’urgence sanitaire, en plus de l’état d’urgence qui prévaut en raison du contexte sécuritaire. D’autres mesures, comme un couvre-feu de 21h à 5h du matin, et la fermeture des frontières terrestres, sauf au fret et transport des marchandises ont été mises en place.

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Si les législatives, elles, sont maintenues, c’est que le gouvernement y voit une ultime opportunité pour restaurer la légitimité de l’Assemblée nationale. Initialement prévues pour octobre 2018, elles ont fait l’objet de plusieurs reports, entraînant la prorogation du mandat des députés jusqu’au 2 mai 2020. « La crise politique que traverse le pays nous oblige à continuer le processus », confie un membre du gouvernement.

« Le processus est très avancé, et le renouvellement du parlement a été l’une des recommandation du dialogue national inclusif qui a eu lieu en décembre 2019. Le gouvernement a bien fait de maintenir le scrutin. Maintenant, il faut prendre des dispositions pour empêcher la propagation du virus », estime Amadou Ba, président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni).

Le matériel électoral a été acheminé et les délégués de la Ceni ont été formés. Pour ce qui est des disposition sanitaires, Amadou Ba explique que les différentes structures chargées d’organiser le scrutin « travaillent de concert avec le ministère de la Santé ».

« Du gel hydroalcoolique ainsi que des kits de lavage de main sont mis à disposition dans les 22 147 bureaux de vote. Les électeurs devront se laver les mains à l’entrée et à la sortie des bureaux. Une distance d’au moins un mètre devra être respectée dans les files d’attente. Des agents seront postés à l’entrée de chaque centre de vote afin d’éviter les regroupements de plus de 50 personnes à l’intérieur ou l’extérieur. Nous avons également prévu des messages sur les télé et radio afin d’expliquer toutes ces mesures », détaille Haminy Belco Maiga, président de la commission communication du comité de pilotage des élections.

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Tirer des leçons

Malgré les messages rassurants des autorités, les législatives constituent l’une des crainte du personnel hospitalier, pour qui le nombre de cas pourrait être multiplié au lendemain du scrutin, alors que le pays dispose de peu de moyens de prise en charge des malades. « Ne pas aller voter c’est l’un des messages les plus véhiculés en ce moment », constate Baba Dakono, chercheur à l’Institut d’études de sécurité (ISS). Pour lui, « le gouvernement présente ces législatives comme une recommandation du dialogue, mais il faut replacer ce dernier dans son contexte : il y avait une accalmie de la crise sécuritaire et le pays ne faisait pas face à une menace sanitaire ».

Sur les réseaux sociaux, comme au sein de la classe politique, des voies se font entendre contre le maintien du scrutin. « C’est une très mauvaise décision. On interdit tout rassemblement au delà de 50 personnes, on instaure un couvre feu, mais on maintient quand même un scrutin qui peut conduire au rassemblement de plusieurs centaines de milliers de personnes à travers le pays », regrette Nouhoum Sarr, candidat aux législatives dans la Commune IV du district de Bamako.

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« La France s’était entêtée à organiser le premier tour des municipales et cela a été un facteur de multiplication des contaminations du coronavirus. Le deuxième tour a par la suite été annulé. Pourquoi ne tirons-nous pas des leçons de cette expérience ? », ajoute-t-il.

Quid de la participation ?

Dans un pays où le taux de participation aux législatives est habituellement faible, les craintes suscitées par le coronavirus, en plus de la crise sécuritaire, pourraient accentuer ce phénomène. De 1992 à 2018, le taux de participation aux législatives n’a jamais dépassé les 40 %.

À la date du 23 mars, 65% des électeurs avaient retiré leurs cartes selon les autorités. Mais combien, sur les 7,5 millions d’électeurs attendus, feront effectivement le déplacement dimanche, pour le premier tour (et le 19 avril pour un éventuel second tour) ? Pour une assemblée en quête de légitimité, la participation sera un facteur important.

« Si entre le premier et le second tour, l’épidémie explose, le gouvernement sera obligé de suspendre le processus », estime Amadou Ba. « La tenue d’un premier tour pourrait déjà atténuer les craintes d’une crise politique, en attendant qu’une solution mondiale à la crise soit trouvée », analyse Baba Dakono.

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