Tunisie : l’ancien Premier ministre Hamed Karoui tire sa révérence

L’ancien Premier ministre Hamed Karoui (1989-1999), l’un des derniers témoins des étapes clés de la Tunisie depuis l’indépendance, est décédé à Tunis ce 27 mars. Il avait 92 ans.

L’ancien Premier ministre tunisien Hamed Karoui. © Hichem

L’ancien Premier ministre tunisien Hamed Karoui. © Hichem

Publié le 27 mars 2020 Lecture : 3 minutes.

Il fut le patron de la Kasbah de 1989 à 1999. Une décennie durant laquelle l’homme a œuvré à l’inauguration d’une ère nouvelle, celle de la présidence Zine el Abidine Ben Ali.

Mais se référer à cette seule tranche de vie reviendrait à réduire le parcours de Hamed Karoui. L’homme est de cette génération de militants qui, par leurs études et leur implication politique, ont contribué à la construction de la Tunisie indépendante.

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Au cœur de la lutte nationale

Né en 1927 à Sousse, le jeune Hamed Karoui est un garçon timide. L’année de ses quinze ans est celle de l’initiation politique : il adhère au Néo-Destour, s’engage auprès des scouts tunisiens et milite au sein de l’Union générale des étudiants de Tunisie (UGET). Autant de tremplins qui le mènent naturellement au cœur de la lutte nationale, à laquelle il contribue en participant à la publication du journal clandestin « Al Kifah » (« Le combat », en arabe). Plutôt que le camp de Salah Ben Youssef, il choisit celui de Habib Bourguiba, auquel il rend visite sur ses différents lieux d’exil, notamment à l’île de Groix.

Puis direction la faculté de médecine, à Paris, où il décroche son diplôme de pneumo-phtisiologie, la branche consacrée à la tuberculose. En parallèle de ses études, Hamed Karoui poursuit son engagement politique et son action dans le mouvement estudiantin. Devenu secrétaire général de l’UGET, il préside aussi la fédération destourienne de France. « L’exil étudiant » dure près de dix ans. En 1957, le médecin retrouve son Sahel natal et se met au service de la santé publique à Sousse.

Le trentenaire, passionné de football, s’implique dans les activités  sportives du Stade Soussien et de l’Étoile sportive du Sahel, qu’il préside de 1963 à 1981. Ses charges ne lui feront pas perdre de vue la politique : il dirige la cellule destourienne de Sousse-Ville jusqu’en 1988, se fait élire maire, député, membre du comité central puis du bureau politique du Parti socialiste destourien (PSD), qu’il dirige à partir de 1987.

Témoin de la Tunisie moderne

Jeune, éduqué, pondéré… Son profil plait à Habib Bourguiba. Le président en fait son ministre de la Jeunesse et des Sports en 1987… juste avant d’être destitué. Hamed Karoui ne tremble pas, son choix est fait : il a, selon ses propres mots, été témoin de « la grande ascension de Bourguiba, dans les années 50, puis à sa déchéance, au milieu des années 80, n’était-ce le geste salutaire en sa faveur, par l’un de ses fils fidèles, le président Ben Ali. »

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L’enfant du Sahel organise le passage de relai entre le PSD et le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), dont il deviendra le vice-président. En 1989, après quatorze mois passés au ministère de la Justice, le voilà promu Premier ministre. Il succède à Hédi Baccouche. Dix ans durant, il est la cheville ouvrière du « Changement » avant d’être écarté au profit de Mohamed Ghanouchi. Loyal, toujours, malgré les embardées du régime.

Après une lourde intervention cardiaque en 2007, Hamed Karoui met un frein à ses activités partisanes de premier plan. En retrait, il tente néanmoins un retour au lendemain de la révolution, en misant sur la survivance de l’esprit bourguibiste autour du mouvement destourien, parti dont il passe le flambeau à Abir Moussi.

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Depuis 2011, Hamed Karoui était régulièrement consulté par les hommes politiques émergents, et prête même son oreille à des islamistes, dont son fils, Nejib, était proche. Chasseur invétéré, ce témoin à nul autre pareil de la Tunisie moderne a consacré ses derniers mois à la rédaction de mémoires, à paraître début avril. Dans ce livre, l’homme discret, à l’humour élégant, sort de la réserve qu’il s’est imposé tout au long de sa vie, et dévoile les dessous de 70 ans de politique. Ce devoir de mémoire sera son message d’outre tombe.

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