À 6h30 déjà, les forces de l’ordre étaient plus nombreuses que les civils dans les rues de la capitale, Conakry, pour sécuriser les bureaux de vote. Dimanche matin, des hommes en uniformes avaient été déployés, arborant des casquettes blanches floquées du nom de l’Unité spéciale de sécurisation des élections législatives. Des véhicules de patrouilles et de supervision parcouraient les quartiers de Bellevue et de Dixinn, dans la proche banlieue de Conakry.
Parmi les rares passants à cette heure matinale, des responsables et assesseurs de bureaux de vote pressant le pas pour rejoindre à pied leur lieu d’affectation. La circulation des engins roulants avait de fait été réservée aux seuls détenteurs de laissez-passer. « Nous allons voter par la grâce de Dieu. Il n’y a pas de problème pour le moment, il y a la sécurité partout », assure Condé Ibrahim, délégué du RPG arc-en-ciel.
Craintes liées au coronavirus
« Dans l’ensemble ça va, même si nous déplorons beaucoup d’incidents par endroits », a déclaré Amadou Salif Kébé, président de la commission électorale, la Ceni. « Nous n’avons pas de chiffres sur le taux de participation. Nous ne l’aurons pas avant la fermeture des bureaux de vote », a-t-il ajouté.
« Il y a de la confusion. Certains veulent voter, d’autres non. Moi j’irai aux urnes, mais beaucoup ont peur de sortir à cause des risques de violence et du coronavirus », témoigne Kondiano, rencontré au quartier Bellevue.
Gaye Condé fait partie du contingent d’électeurs préoccupés. « Le président devrait reporter le vote pour s’occuper de la maladie d’abord. Les autorités ont dit qu’elles ne voulaient pas voir de regroupements, alors qu’il y aura de la foule dans les bureaux de vote », s’inquiète-t-il.
« J’espère que tout se passera dans la paix »
Dans le centre administratif de Kaloum, qui abrite le palais présidentiel et la plupart des départements ministériels, l’affluence était relative. Au centre de vote de l’École des sourds-muets de Boulbinet, non loin du palais présidentiel Sékhoutouréya, un dispositif destiné au lavage de mains avait été installé, et certains électeurs portaient des cache-nez. Devant les bureaux de vote, des militaires, dont des membres de la garde présidentielle, attendaient eux aussi leur tour.
À 10h30, le président Alpha Condé, tout de blanc vêtu, a finalement fait son apparition en compagnie de son directeur de protocole, Sinkoun Kaba, et son ministre chef de cabinet, Ibrahima Kalil Kaba. Depuis Sékhoutouréya, le président a rejoint à pied son bureau de vote, aménagé au collège 2 Boulbinet. Après avoir mis son bulletin dans l’urne, il s’est rapidement adressé aux journalistes.
« Il y a un dispositif de lavage de mains, les gens observent une certaine distance, même si on n’a pas notifié beaucoup de cas (de coronavirus) pour le moment. J’espère que tout se passera dans la paix et la tranquillité et que le peuple de Guinée comme en 1958 (lors du référendum pour l’indépendance, NDLR) montrera sa maturité », a déclaré le chef de l’État.
Élections législatives et référendum constitutionnel: le Président Alpha Condé s'acquitte de son devoir civique.
— Présidence Guinée (@Presidence_gn) March 22, 2020
Le Président de la République, @President_GN, s’est acquitté de son devoir civique au collège 2 de Boulbinet, dans la commune de Kaloum, ce dimanche 22 mars 2020. pic.twitter.com/P6wb8lbU0k
Tensions en banlieue
Mais à l’autre bout de la capitale, dans la haute banlieue de Conakry, le climat de tension contrastait avec le calme du centre-ville. Le long de l’autoroute traversant Conakry d’est en ouest, des pneus ont ainsi été incendiés, dégageant une épaisse fumée noire.
Alors que des témoins rapportaient des coups de feu dans le quartier de Koloma, un des points chauds de la contestation, les bureaux de vote regroupés à l’École Kwame Nkrumah « ont été saccagés », a rapporté Ibrahima Aminata Diallo, acteur de la société civile. « C’est très chaud. Il y a des coups de feu, des barricades. Nous avons dénombré un mort qui a reçu une balle dans la nuit de samedi et un blessé par balle actuellement hospitalisé », a-t-il ajouté.
« Je n’ai pas de confirmation par rapport à cela », a réagi le ministre de la Sécurité, Damantang Albert Camara. Je sais que dans la zone de Kakimbo et de Jean Paul II, des électeurs ont été attaqués à coup de fusil calibre douze. Certains ont été blessés, mais on ne m’a pas rapporté de décès », précise-t-il.
Au quartier Cosa, des bulletins de vote étaient éparpillés sur la route et des urnes cassées jonchaient le sol. « C’était chaud ici le matin. Le vote avait commencé, mais des jeunes se sont attaqués aux bureaux de vote et ont dispersé tout le monde », a confié un policier.