Depuis l’adoption de la Constitution, jamais une séquence politique n’a été plus agitée que celle qui a accompagné la mise en place de l’équipe gouvernementale d’Elyes Fakhfakh. Entre les spéculations, les critiques partisanes et les luttes de pouvoir sans fin, chaque avancée a connu des rebondissements. Une situation intenable pour un pays en quête de stabilité.
Il a fallu, le 17 février, un rappel à l’ordre du président tunisien Kaïs Saïed, qui a menacé de dissoudre l’Assemblée en cas de rejet du gouvernement par les députés, pour que les partis et Elyes Fakhfakh revoient leurs exigences à la baisse.
Le parti d’inspiration islamiste Ennahdha avait initialement désavoué la composition du gouvernement présenté le 15 février par le chef de l’exécutif. Mais la date butoir du 20 février et l’intransigeance de Kaïs Saïed ont relancé les négociations. Chacun a bien voulu y mettre du sien et Elyes Fakhfakh a tenté de trouver un équilibre, compatible avec les exigences des uns et des autres, tout en maintenant sa ligne gouvernementale.
Majorité confortable avant le vote de confiance
Au final, il tire son épingle du jeu et propose une équipe de 32 portefeuilles, moins resserrée que celle envisagée en début de consultations, il y a un mois. Mais le nouveau patron de la Kasbah, face aux exigences des partis, n’a pu tenir sa promesse d’un exécutif de jeunes et de femmes. Elles ne sont que quatre ministres et deux secrétaires d’État. Fakhfakh signe toutefois une première dans le monde arabe en confiant le ministère de la Justice à une compétence féminine, Thouraya Jeribi.
Cet exécutif, orienté vers la relance, devra « assurer les besoins de la transition économique », selon le médiateur administratif, Abdessatar Ben Moussa. Elyes Fakhfakh aligne dans son équipe deux polytechniciens – Mongi Marzouk à l’Énergie et Mohamed Fadhel Kraiem aux Technologies de la communication et de l’économie numérique -, un centralien – Nizar Yaïche aux Finances -, et une femme issue de l’Institut national des sciences appliquées – Lobna Jeribi, en charge des Grands projets.
Ennahdha a obtenu sept portefeuilles, bien plus que dans les gouvernements précédents
Cette configuration, qui devrait obtenir l’aval de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) dans les prochains jours, pourrait permettre de mettre fin à l’instabilité politique. Mais cette longue séquence politique a aussi permis à Elyes Fakhfakh de prendre la mesure de l’influence des partis, notamment d’Ennahdha, qui a obtenu sept portefeuilles, bien plus que dans les gouvernements précédents.
Avec trois maroquins pour Tahya Tounes, deux pour le Courant démocrate et deux pour le mouvement Echaab, le chef de l’exécutif assure son assise politique et une bonne entente avec les députés. Avec, à la clé, une majorité confortable pour le vote de confiance. Une crédibilité consolidée par l’octroi de 18 ministères à des indépendants, le point fort de l’exécutif.
Cette composition a surtout reçu l’approbation du chef de l’État. Ce dernier a, selon ses prérogatives, désigné Imed Hazgui à la Défense et Noureddine Erray aux Affaires étrangères, dont les parcours ont été scruté dans le moindre détail par les équipes de Kaïs Saïed.
En cela, le gouvernement porte l’empreinte du président, ce qui donne à Elyes Fakhfakh, qui sera le numéro 1 de l’exécutif sans avoir été élu, une certaine légitimité. « Nous voilà avec un président de la République largement élu. Nous voilà avec un gouvernement proposé soutenu par un grand nombre de députés. Nous voilà avec une opposition cohérente faite de destouriens et de centristes. Nous voilà bien », commente, sur les réseaux sociaux, le statisticien et patron du cabinet Sigma Conseil, Hassen Zargouni.
• Composition du gouvernement d’Elyès Fakhfakh
–Ministre de la Défense nationale : Imed Hazgui
–Ministre des Affaires étrangères : Noureddine Erray
–Ministre de la Justice : Thouraya Jeribi
–Ministre de l’Intérieur : Hichem Mechichi
–Ministre des Finances : Mohamed Nizar Yaiche
–Ministre de l’Industrie : Salah Ben Youssef
–Ministre du Transport et de la Logistique : Anouar Maârouf
–Ministre des Affaires sociales : Habib Kechaou
–Ministre des Technologies de la communication et de l’Economie numérique : Mohamed Fadhel Kraiem
–Ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale : Mohamed Selim Azzabi
–Ministre de l’Education : Mohamed Hamdi
–Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique : Slim Choura
–Ministre de la Santé : Abdellatif Mekki
–Ministre du Commerce : Mohamed Msilini
–Ministre de l’Energie et des Mines : Mongi Marzouk
–Ministre du Tourisme et de l’Artisanat : Mohamed Ali Toumi
–Ministre des Affaires culturelles : Chiraz Laâtiri
–Ministre des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières : Ghazi Chaouachi
–Ministre de la Jeunesse et des Sports : Ahmed Gaâloul
–Ministre de la Femme, de la Famille, de l’Enfance et des Seniors : Asma Shiri
–Ministre de l’Equipement : Moncef Selliti
–Ministre de la Formation professionnelle et de l’Emploi : Fathi Belhaj
–Ministre de l’Agriculture, de la Pêche et des Ressources hydrauliques : Oussama Kheriji
–Ministre des Affaires religieuses : Ahmed Adhoum
–Ministre de l’Environnement : Chokri Ben Hassan
–Ministre des Affaires locales : Lotfi Zitoun
–Ministre de la Fonction publique, de la Réforme administrative et de la Lutte contre la corruption : Mohamed Abbou
–Ministre auprès du chef du gouvernement chargée des Grands Projets : Lobna Jeribi
–Ministre des Droits de l’Homme et des relations avec la Société civile et les institutions constitutionnelles : Ayachi Hammami
–Ministre auprès du chef du gouvernement en charge des relations avec le Parlement : Ali Hafsi
–Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères : Salma Ennaifer
– Secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Agriculture, chargée des ressources hydrauliques : Akissa Bahri