Le président Félix Tshisekedi, qui avait bâti sa campagne électorale autour du thème de l’État de droit, était particulièrement attendu sur la question. Après concertation avec ses partenaires du Front commun pour le Congo (FCC), le chef de l’État a finalement procédé à la nomination de six chefs d’offices et des juridictions au sommet du pouvoir judiciaire. À ce titre, ils deviennent membres du bureau du Conseil supérieur de la magistrature.
Deux changements notables parmi cette nouvelle composition : les départs de Flory Kabange Numbi, qui avait notamment mené des enquêtes ayant écarté Moïse Katumbi de la course à la présidentielle de 2018, et de Jérôme Kitoko Kimpele, qui avait confirmé en 2011 l’élection controversée de Joseph Kabila à la présidence de la République.
De nombreux défis attendent ces nouveaux hauts fonctionnaires. Le plus gros chantier concerne l’impunité des crimes économiques, notamment les soupçons de détournement et de blanchiment de capitaux. Les affaires des 15 millions de dollars présumés disparus des comptes du Trésor et celle de la dette qui oppose la Gécamines à l’homme d’affaires israélien Dan Gertler sont particulièrement dénoncées par la société civile.
« L’un des chantiers est celui de la lutte contre la corruption et les crimes économiques. Les anciens membres de ces juridictions n’avaient pas considéré ce thème comme l’une de leurs priorités », insiste Georges Kapiamba, président de l’Association congolaise pour l’accès à la justice.
Les problèmes internes à la magistratures devront également être mis sur la table. « Certains magistrats sont impliqués dans des actes de corruption, trafics d’influence ou même des détournements, assure l’activiste. Ils doivent rétablir la discipline au sein du pouvoir judiciaire », ajoute-t-il.
Qui sont ces nouveaux magistrats ? Leur expérience leur permettra-t-elle de redresser en profondeur le pouvoir judiciaire congolais ?
• Victor Mumba Mukomo
Le procureur général près la Cour de cassation Flory Kabange Numbi a laissé la place à l’avocat général Victor Mumba Mukomo. Fort d’une expérience de plusieurs années, il aura comme principal défi le traitement des nouveaux dossiers liés aux soupçons de corruption qui touchent des membres de l’entourage du nouveau chef de l’État.
• Jean-Paul Mukolo
Jean-Paul Mukolo est nommé Procureur général près la Cour Constitutionnelle. Ce magistrat a travaillé pendant longtemps en tant qu’avocat général au niveau du parquet général de la République. Il devrait sa contribution sur le rétablissement de la rigueur vis-à-vis des magistrats impliqués dans les actes de corruption.
• Dominique Thambwe
De son côté, Dominique Thambwe est nommé premier président de la Cour de Cassation et remplace à ce poste Jérôme Kitoko Kimpele qui, en 2011, avait confirmé l’élection présidentielle controversée de Joseph Kabila.
• Octave Tela Ziele
Octave Tela Ziele est le nouveau procureur général près le Conseil d’État, en remplacement de Joseph Mushagalusa. Proche de l’ancien régime, l’action de ce dernier a été jugée globalement négative. Il se serait distingué par une obstruction à l’exécution de certaines décisions rendues par le Conseil d’État.
• Joseph Mutombo Katalay
Le général Joseph Mutombo Katalay est le premier président de la Haute Cour militaire. Il est réputé bon magistrat, ayant contribué à l’éclosion d’une exemplaire jurisprudence au niveau de la justice militaire, notamment en ce qui concerne la répression des crimes graves imputés à certains policiers et militaires. Il est considéré comme un homme de discipline et de rigueur.
• Mukuntu Kiyana
Le lieutenant général Mukuntu Kiyana est maintenu à son poste d’auditeur général près la Haute Cour militaire. Il a été pointé du doigt dans ce qui peut être considéré comme l’enlisement du procès concernant les experts de l’ONU dans la région du Kasaï. Il lui est reproché notamment de n’avoir pas pu faire comparaître des hauts responsables soupçonnés d’être impliqués dans cette affaire.
Au vu de ces nouvelles nominations, la RDC peut-elle s’attendre au redressement du pouvoir judiciaire dans le pays ? Plusieurs observateurs congolais restent dubitatifs. « L’amélioration de la justice en RDC ne tient pas seulement aux hommes mais aux conditions de travail des magistrats. Si rien ne change à ce niveau, nous nous retrouverons toujours devant la même situation », regrette Willy Wenga, avocat et expert sur les questions des droits.