Politique

Le tour d’Afrique d’António Guterres : Libye, Sahel, Cameroun, Guinée, RDC, climat…

À la veille du sommet de l’Union africaine, le secrétaire général de l’ONU António Guterres fait le tour du continent africain dans un entretien accordé à Jeune Afrique.

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Mis à jour le 12 février 2020 à 14:51

Le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres à Washington le 23 juin 2018. © Cliff Owen/AP/SIPA

Le jeu des puissances mondiales et régionales attise la montée des périls en Libye. Avec son rôle actif pour résoudre la crise libyenne, l’Organisation des Nations unies se heurte frontalement au maréchal Haftar, soutenu par la Russie, l’Égypte, les Émirats arabes unis, et même, plus discrètement, par la France et les États-Unis.

Avec près de 100 000 casques bleus déployés sur le globe, l’ONU reste un acteur de poids sur cette scène internationale troublée. António Guterres veut croire que les Nations unies peuvent jouer un rôle pour stabiliser l’est de la RD Congo, pour promouvoir des solutions globales à la crise du Sahel, au-delà du seul enjeu sécuritaire.

Alors que l’Afrique se donne rendez-vous à Addis-Abeba pour le 33e sommet de l’Union africaine, António Guterres partage avec Jeune Afrique sa vision des défis du continent.

Jeune Afrique : La conférence de Berlin, consacrée à la Libye, a débouché sur des déclarations d’intention, qui ont pour le moment peu d’effets sur le terrain. L’ONU et la communauté internationale sont-elles à court de solutions pour permettre une cessation des hostilités en Libye ?

Antonio Guterres : Nous assistons depuis plusieurs mois à une escalade progressive et dangereuse du conflit. Les conséquences pour le peuple libyen sont désastreuses et dépassent les frontières du pays. Le droit international humanitaire, le droit international des droits de l’homme et les résolutions du Conseil de sécurité ont été violés ou ignorés à plusieurs reprises.

L’appui militaire extérieur fourni aux parties augmente le risque d’un conflit régional. Et à mon avis, c’est ce risque qui, dans une certaine mesure, a rendu la conférence de Berlin possible. Les participants, comme vous le savez, se sont engagés à s’abstenir de toute ingérence dans le conflit ou dans les affaires intérieures de la Libye. Ils ont aussi réitéré leur engagement à œuvrer pour une solution politique au conflit.

La trêve a été violée depuis. Les autres engagements pris à Berlin aussi, y compris l’embargo sur les armes. C’est inacceptable.

Un militaire libyen à Sirte, en février 2015. Photo prise par  Mohamed Ben Khalifa, qui a été tué le 19 janvier 2019. © Mohamed Ben Khalifa/AP/SIPA

Un militaire libyen à Sirte, en février 2015. Photo prise par Mohamed Ben Khalifa, qui a été tué le 19 janvier 2019. © Mohamed Ben Khalifa/AP/SIPA

La médiation de Ghassan Salamé est-elle encore possible dans ces conditions ?

Mon Représentant spécial, Ghassan Salamé, poursuit son travail dans un contexte frustrant et extrêmement difficile. Il a réussi à convoquer le comité militaire mixte – le comité 5 + 5 – à Genève cette semaine et nous espérons que cette réunion donnera des résultats. L’objectif étant, bien entendu, de passer d’une trêve à un cessez-le-feu, ce qui ouvrirait la voie à un dialogue.

Pourquoi l’Union africaine et l’Union européenne ont-elles autant de difficultés à travailler ensemble sur la Libye ?

L’UA s’est agacée à plusieurs reprises d’être marginalisée sur ce dossier, notamment par l’ONU. Pourquoi les deux institutions ont-elles autant de difficultés à travailler ensemble sur la Libye ?
Au sommet de Brazzaville, la semaine dernière, M. Salamé a renouvelé le plaidoyer des Nations unies en faveur d’une meilleure coordination et coopération avec l’Union Africaine sur le dossier libyen.

Pour ma part, je participerai à la rencontre de haut niveau prévue en marge du 33e sommet de l’Union africaine, à Addis Abeba. Je vais en profiter pour renouveler mon plaidoyer, basé sur le message suivant : il n’y a pas de solution militaire au conflit en Libye et nous devons nous unir pour éviter que le pays ne bascule vers un conflit généralisé.

Je suis conscient de la frustration de l’Union africaine face à l’évolution de la situation en Libye depuis 2011. La demande faite par le président de l’Union africaine au Conseil de sécurité des Nations unies n’a pas mené à des discussions concluantes. J’ai communiqué plus d’une fois au Conseil de sécurité ma disponibilité pour les aider à trouver le meilleur moyen de renforcer la coopération entre l’Union africaine et l’ONU sur la Libye.

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L’engagement de l’Union africaine est essentiel à la résolution de la crise libyenne. Celle-ci dépasse largement les frontières du pays et a un impact dévastateur sur une partie du continent africain, notamment dans la zone sahélienne. La question vitale est de savoir comment inverser la spirale de la violence tout en renforçant la stabilité au Sahel.

La sécurité d’un grand nombre d’Africains, et de la région, dépend maintenant de notre capacité à travailler ensemble pour convaincre les parties au conflit à s’engager dans un dialogue inclusif, à convaincre aussi tous ceux qui les soutiennent à respecter l’embargo sur les armes ainsi que leurs autres engagements pris en faveur de la paix et de la stabilité en Libye.

Au Mali, la Minusma fait l’objet de critiques, parfois vives, au sein de l’opinion malienne quant à son inefficacité supposée. Son mandat ne serait pas assez proactif et pas assez musclé. Comment mettre un terme à cette incompréhension ?

Avec la nature des conflits qui évolue, les opérations de maintien de la paix des Nations unies se retrouvent, dans certains cas, confrontées à des environnements caractérisés par des guerres asymétriques et à l’extrémisme violent.

Au Mali, la Minusma, qui est une mission multidimensionnelle avec trois composantes (civile, policière et militaire) est souvent réduite à sa composante militaire, alors que l’objet principal de son mandat est l’accompagnement de la mise en œuvre de l’accord de paix et la protection des civils.

La lutte contre l’impunité, le rétablissement de l’autorité de l’État, l’appui aux processus électoraux et aux forces de défense et de sécurité maliennes sont au centre des activités de la mission.

Minusma © Sur 14 opérations de maintien de la paix, 7 sont déployées en Afrique. Photo: MINUSMA/Gema Cortes

Minusma © Sur 14 opérations de maintien de la paix, 7 sont déployées en Afrique. Photo: MINUSMA/Gema Cortes

Il est vrai que l’accroissement des défis en matière de sécurité, le déplacement des zones d’insécurité du nord vers le centre du pays, ajoutés aux conflits intercommunautaires compliquent le travail de la Minusma, qui continue de s’adapter pour améliorer encore son efficacité.

Malgré quelques frustrations compréhensibles, l’appréciation des populations des régions où la mission onusienne est déployée reste positive, comme en témoignent les populations des régions du nord et du centre avec lesquelles la mission interagit quotidiennement.

Enfin, il est important de rappeler que la Minusma n’est qu’un élément d’une réponse collective plus large pour s’attaquer aux causes profondes de l’instabilité et de la violence au Mali et dans la région du Sahel. Le maître mot est la complémentarité des actions respectives des acteurs nationaux, régionaux et internationaux engagés dans la lutte pour la stabilité et le développement au Mali et au Sahel.

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La situation sécuritaire semble se dégrader chaque semaine un peu plus au Sahel, au point de devenir incontrôlable. Est-ce une guerre perdue d’avance ?

La dégradation de la situation dans le Sahel est l’une de mes plus grandes préoccupations sur le continent. Le trafic d’armes et de combattants engendré par la crise libyenne a frappé le Sahel de plein fouet, il s’est alimenté des vulnérabilités et des injustices – ressenties ou réelles – entre les communautés, et c’est maintenant la population qui en subit les conséquences dévastatrices.

Au Burkina Faso, au Mali et au Niger, plus de 4 000 personnes ont été tuées dans des attaques terroristes l’an dernier. Il y a maintenant dix fois plus de personnes déplacées à cause de la violence qu’à pareille date l’an dernier. Ces attaques répétées sur les civils et les militaires ont ébranlé la confiance des populations envers leurs institutions et leurs dirigeants.

Les attaques se poursuivent malgré les efforts des gouvernements concernés, de la force conjointe du G5-Sahel et des forces internationales. Cela démontre que le système de sécurité en place n’est pas suffisant pour contrer la menace des organisations terroristes qui sévissent dans la région, et qui commencent à menacer les pays de la côte ouest-africaine.

Quartier général de la force conjointe G5 Sahel basée à Sévaré, en octobre 2017. © Flickr / MINUSMA/Harandane Dicko

Quartier général de la force conjointe G5 Sahel basée à Sévaré, en octobre 2017. © Flickr / MINUSMA/Harandane Dicko

Je continue de plaider pour la nécessité d’une force africaine ayant les moyens de lutter contre le terrorisme, mandatée par le Conseil de sécurité des Nations unies, sous le chapitre VII, et avec un financement prévisible.

une réponse strictement militaire n’est pas suffisante

Améliorer notre capacité à faire face à la menace qui plane sur le Sahel est essentiel, mais une réponse strictement militaire n’est pas suffisante. Nous devons également nous attaquer aux problèmes de développement ainsi qu’à la crise humanitaire.

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Renforcer la résilience au changement climatique dans la région doit aussi être une priorité.

En RD Congo, le désengagement progressif et, à moyen terme, le retrait total de la Monusco est-il à l’ordre du jour ? Selon quel calendrier ?

Le nouveau mandat de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en RD Congo, voté fin décembre, s’inscrit clairement dans la perspective d’un transfert progressif des principales tâches de la mission aux autorités nationales, et d’un retrait responsable et durable de la Monusco, en gardant toujours à l’esprit que ce sont les conditions sur le terrain qui détermineront le rythme de ce retrait. Les Nations unies demeurent engagées à accompagner le gouvernement dans ses efforts pour renforcer l’autorité de l’État sur tout le territoire congolais.
En résumé, la mission de maintien de la paix prépare le terrain pour partir de manière responsable et durable.

Le Conseil de sécurité a demandé aux Nations unies d’engager un dialogue avec le gouvernement congolais pour l’élaboration d’une stratégie commune et la définition d’une série d’indicateurs mesurables. Celle-ci doit être proposée au Conseil au plus tard le 20 octobre 2020, en vue de permettre ce transfert progressif et de rendre possible une nouvelle réduction du niveau de déploiement et de la zone d’opérations de la Monusco.

Lors d'une opération menée conjointement par les FARD et la Monusco face aux rebelles ougandais des ADF, en 2014 dans la région de Beni. (photo d'illustration) © MONUSCO/Sylvain Liechti

Lors d'une opération menée conjointement par les FARD et la Monusco face aux rebelles ougandais des ADF, en 2014 dans la région de Beni. (photo d'illustration) © MONUSCO/Sylvain Liechti

Notre priorité demeure la protection des civils, notamment par le biais d’un soutien aux Forces armées nationales (FARDC) pour neutraliser les groupes armés. Cela inclut aussi un recentrage des opérations militaires dans les provinces les plus affectées par les conflits et un renforcement du soutien des Nations unies aux compétences régaliennes de l’État – la police et la justice en particulier – dans les provinces relativement plus stables, comme les Kasaï et le Tanganyika.

Votre représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest le Sahel, Mohamed Ibn Chambas, vient d’achever une mission en Guinée, où les tensions sont vives. Quelles mesures préconisez-vous pour apaiser la situation ? Que pensez-vous du projet de changement de la Constitution ?

En effet, Mohamed Ibn Chambas est très actif et travaille avec les acteurs nationaux et partenaires régionaux et internationaux pour aider la Guinée à sortir de cette crise à travers un vrai dialogue. La violence qui sévit aujourd’hui n’est pas la solution.

Un dialogue sincère permettra, entre autres, de trouver un accord autour de la question de la révision de la Constitution et celle concernant le fichier électoral qui sera utilisé pour les élections législatives et présidentielle.

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Je condamne toutes les formes de violence, ainsi que les discours de haine. J’appelle les autorités à prendre les mesures nécessaires pour garantir les libertés fondamentales et assurer la sécurité des citoyens. Ceci est vital pour engager un dialogue entre les parties pour mettre fin à cette crise.

Il est important que des initiatives d’apaisement de la tension soient prises rapidement par le gouvernement et aussi par l’opposition et les autres acteurs guinéens pour favoriser un retour au calme.

l’ONU va contribuer à l’organisation d’un forum intercommunautaire pour consolider la cohésion sociale

À cet égard, en coordination avec nos partenaires, l’ONU va contribuer à l’organisation d’un forum intercommunautaire pour consolider la cohésion sociale, et le vivre-ensemble. Il serait aussi important de donner aux femmes la place qui leur revient dans le débat national, en tant qu’agents de la paix.

Des manifestants à Conakry, le 24 octobre 2019. © Youssouf Bah/AP/SIPA

Des manifestants à Conakry, le 24 octobre 2019. © Youssouf Bah/AP/SIPA

Le « grand dialogue national » d’octobre 2019 au Cameroun n’est manifestement pas parvenu à rétablir la paix dans les régions anglophones du pays. Faut-il négocier avec les leaders indépendantistes anglophones ? L’armée doit-elle se retirer des provinces anglophones ?

Le Cameroun est un pilier important en Afrique centrale. Le pays est un hôte généreux pour des milliers de réfugiés et j’estime que la communauté internationale devrait s’impliquer davantage pour soutenir la réponse dans ce domaine. Le Cameroun joue aussi un rôle important dans la lutte pour éradiquer le terrorisme et l’extrémisme violent dans le bassin du Lac Tchad. L’ONU est également préoccupée par la crise dans les régions du nord-ouest et du sud-ouest du Cameroun.

Le dialogue national tenu à l’automne a conduit à l’adoption de mesures importantes, notamment en ce qui concerne le statut spécial attribué à ces deux régions. C’est un pas important mais il est aussi essentiel d’initier un dialogue avec les parties prenantes qui n’y ont pas pris part. L’ONU encourage les parties à s’engager et continuera son plaidoyer pour une résolution de la crise à travers un dialogue inclusif. Nous rappelons sans équivoque, à ce stade, que l’ONU insiste sur l’intégrité territoriale et la souveraineté du Cameroun.

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Mon représentant spécial pour l’Afrique centrale, François Louncény Fall, s’est rendu à Yaoundé en janvier, avec le secrétaire général de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale (CEEAC). Je me joins à leur appel afin que le processus électoral menant aux élections législatives et municipales prévues le 9 février se déroule dans le calme et la sérénité.

que justice soit rendue

Les efforts de l’ONU se poursuivent également pour chercher des solutions sur les questions des droits humains ainsi qu’à la dégradation de la situation humanitaire, suite aux violences et attaques enregistrées dans le sud-ouest, le nord-ouest et le nord du pays.

Des efforts accrus sont nécessaires pour protéger les civils, en particulier les femmes et les enfants, ainsi que pour répondre aux besoins urgents des réfugiés et des personnes déplacées. Tout acte de violence doit être fermement condamné et des investigations transparentes doivent avoir lieu afin que justice soit rendue.

Depuis la démission de Horst Köhler de son poste d’envoyé personnel du secrétaire général au Sahara occidental, son successeur n’a toujours pas été nommé. Pourquoi ? Le dossier vous paraît-il être sans solution ?

Un processus de sélection est en cours. J’espère être en mesure de nommer quelqu’un aussitôt que possible. Les Nations unies demeurent pleinement engagées à soutenir les parties pour trouver une solution politique qui sera juste, acceptable pour tous, et surtout qui mettra fin à ce conflit qui dure depuis trop longtemps.

Le dossier du Sahara occidental est complexe, mais je reste convaincu qu’une solution est possible avec une volonté politique forte de la part des parties et de la communauté internationale.

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Quels risques sécuritaires les réformes entreprises en Éthiopie font-elles courir au pays et à la région ?

L’Éthiopie s’est lancée dans un processus de réformes remarquables. Toutes les parties prenantes doivent travailler de concert pour garantir que ces réformes s’accomplissent dans une atmosphère pacifiée, d’autant que des élections générales auront lieu cette année.

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Depuis ces deux dernières années, les évolutions politiques laissent augurer une coopération harmonieuse et mutuellement bénéfique entre les pays de la région. L’ONU s’efforce d’associer tous les les partenaires concernés, y compris l’Union africaine et l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), pour accompagner tous les pays de la corne de l’Afrique à révéler leur potentiel et à faire face avec succès aux enjeux sécuritaires qui se posent à eux.

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix 2019. © HÃ¥kon Mosvold Larsen/AP/SIPA

Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed, lauréat du prix Nobel de la paix 2019. © HÃ¥kon Mosvold Larsen/AP/SIPA

Les pays africains déplorent régulièrement d’être désavantagés dans les dédommagements liés au changement climatique. L’Inde se taille la part du lion comparativement à l’Afrique. Qui en est responsable et quelles perspectives d’évolution sont possibles ?

Les habitants des pays en développement sont trop souvent les premiers à voir leur vie perturbée par le changement climatique. Ils sont confrontés à davantage de périodes de sécheresse, à des tempêtes plus fortes ou à des inondations. Pourtant ce sont eux qui contribuent le moins à ces changements.

Le continent africain ne fait pas exception et j’ai pu constater directement l’impact du changement climatique dans des pays comme le Mozambique, où les cyclones Idai et Kenneth ont déraciné des milliers de personnes et détruit leurs moyens de subsistance.

Au Mozambique, les ravages du cyclone Kenneth © AP Photo/Sipa

Au Mozambique, les ravages du cyclone Kenneth © AP Photo/Sipa

Renforcer la résilience et aider les gens à s’adapter au changement climatique n’est pas seulement une priorité, c’est une nécessité. Sur le continent africain, des dizaines de millions de personnes sont aujourd’hui confrontées à des sécheresses qui engendrent des niveaux d’insécurité alimentaire sans précédent. Au Sahel, l’impact du changement climatique alimente l’instabilité et l’insécurité.

Lors du sommet sur le climat à New York, en septembre dernier, des solutions ont été proposées, non seulement pour répondre aux impacts climatiques immédiats, mais aussi pour améliorer la sécurité de la population. Ces initiatives incluent une assurance pour les plus vulnérables, une assistance aux petits exploitants agricoles pour les aider à s’adapter au changement climatique, ainsi qu’un soutien pour prévenir les catastrophes.

Sur le continent africain, davantage d’investissements dans l’adaptation et la résilience sont essentiels. Mais il est tout aussi important d’assurer un soutien et des investissements adéquats dans les infrastructures pour atteindre les objectifs de l’accord de Paris.

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C’est pourquoi nous devons veiller à ce qu’au moins 100 milliards de dollars par an soient mis à la disposition des pays en développement pour les soutenir dans leurs efforts d’atténuation et d’adaptation au changement climatique.

Obtenir ces ressources nécessite l’engagement des plus grands émetteurs (pollueurs ?), que j’ai appelé, à plusieurs reprises, à intensifier et à tenir leur promesse de mobiliser 100 milliards de dollars par an de fonds publics et privés pour les pays en développement.

Lors de la prochaine conférence sur le climat – la COP26, à Glasgow -, les gouvernements devront s’engager dans la voie du changement ; le changement dont notre monde a besoin et que la population exige. Ils devront faire preuve d’une plus grande ambition pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, ainsi que pour le financement nécessaire pour y arriver.

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Sur les dix pays « mauvais payeurs » de l’ONU qui ont perdu leur droit de vote le 10 janvier, cinq sont africains. Peut-on régler le grave problème de trésorerie de l’Organisation en privant de vote une poignée d’États pauvres alors que beaucoup d’États riches ne paient pas toutes leurs cotisations ?

La Charte des Nations unies stipule que les États peuvent en effet perdre leur droit de vote à l’Assemblée générale s’ils ont l’équivalent de deux ans ou plus de contributions non payées. La règle est la même pour tous les États.

Il est aussi important de noter que l’Assemblée générale peut décider de ne pas suspendre le droit de vote d’États membres qui n’ont pas payé s’ils peuvent prouver qu’ils n’en ont pas les moyens, en raison de conditions indépendantes de leur volonté.

À ce jour, cinq États sont soumis à cette règle (la République centrafricaine, les Comores, Sao Tomé et Principe, la Somalie et le Venezuela). Deux d’entre eux, la République centrafricaine et le Venezuela, se sont vu retirer leur droit de vote.

Le problème de trésorerie des Nations unies est d’abord et avant tout un problème de liquidités. De plus en plus d’États paient leur contribution annuelle de plus en plus tard dans l’année et je continue à encourager tous ceux qui le peuvent à payer le plus tôt possible.