• Trouver une solution aux crises en Libye…
Cyril Ramaphosa le sait : la Libye reste le principal défi de l’UA. Comme l’Égyptien Abdel Fattah al-Sissi l’an dernier, le président sud-africain a fait de la résolution de la crise libyenne l’un des dossiers majeurs de sa présidence. Son objectif : s’appuyer sur les pays limitrophes maghrébins pour donner du poids à une initiative africaine, capable de peser face aux grandes puissances.
Mais Cyril Ramaphosa se méfie « des arrière-pensées » de certaines de ces dernières, a-t-il précisé récemment. Alors que les Russes et les Turcs se sont dernièrement imposés comme acteurs principaux, tandis que les Nations unies et la France étaient en perte de vitesse, l’UA, qui espère obtenir de l’ONU que les deux organisations désignent un médiateur conjoint, prône un dialogue inter-libyen et un cessez-le-feu qu’elle pourrait contribuer à maintenir.
Le 8 février, en clôture de la réunion des ministres des Affaires étrangères du sommet de l’UA, le Conseil de paix et sécurité se réunira pour discuter des crises libyenne et sahélienne, en présence de l’Algérien Smaïl Chergui. Le patron du département paix et sécurité de la commission de l’UA, très critiqué en interne, y jouera sans doute une partie de son mandat.
• … et au Sahel
Moussa Faki Mahamat, le président de la Commission de l’UA, a récemment estimé que « les Libyens [devaient] prendre la responsabilité devant l’histoire de faire taire les armes ». Le Tchadien a le sens de la formule : « Faire taire les armes : créer des conditions propices au développement de l’Afrique » est le thème du sommet, où la crise au Sahel sera également un sujet central.
Le G5 Sahel, créé en 2014, s’est imposé au fil des années et l’UA, après avoir vu d’un mauvais œil une initiative sous-régionale, a apporté son soutien à l’organisation sahélienne tout en cherchant à rendre le G5 compatible avec son architecture de paix et de sécurité. Elle n’est toutefois pas parvenu à obtenir pour celui-ci un mandat onusien, signe d’un manque de légitimité du G5 comme de l’UA au niveau international.
• Faire progresser l’autonomie financière…
Autre problématique récurrente, qui devrait encore être discutée à Addis-Abeba : la question du financement. L’UA cherche toujours à rendre effectif un financement africain des opérations de paix africaines, avec la taxe de 0,2 % sur les importations, affectée au Fonds pour la paix de l’union. De nombreux pays refusent encore de s’acquitter de la taxe, deux ans après l’annonce de sa création par le président de l’UA de l’époque, le Rwandais Paul Kagame. Le mécanisme sera l’objet d’une discussion entre chefs d’État dans la matinée du 9 février.
De solides progrès sont réalisés dans la mise en œuvre de l’autonomie financière
La Commission de l’UA a tout de même annoncé en janvier que la contribution financière des pays membres de l’organisation au Fonds pour la paix avait dépassé les 141 millions de dollars « en moins de trois ans ». « De solides progrès sont réalisés dans la mise en œuvre de l’autonomie financière », a salué Moussa Faki Mahamat, qui a souligné que la pleine opérationnalisation de ce fonds en 2020 est « l’une des principales priorités » de l’UA.
Le 33e sommet sera également l’occasion de discuter une nouvelle fois de la contribution des membres au fonctionnement de l’organisation. Afin d’éviter de se retrouver dans une situation de trop grande dépendance vis-à-vis de ses économies les plus florissantes, l’institution panafricaine s’est dotée d’un nouveau barème, répartissant les sommes entre les plus grosses économies et les plus petites et instituant une contribution plancher de 200 000 dollars par an. Mais le système, qui devait être discuté entre ministres de la zone le 4 février, n’est pas encore totalement effectif.
• … et la zone de libre échange continentale africaine
Toujours sur le plan de l’économie, le 33e sommet devrait être celui de la promotion de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zleca). Le 9 février, le président nigérien Mahamadou Issoufou, qui porte le projet et a accueilli son lancement à Niamey en juillet dernier, présentera devant ses pairs un rapport d’avancement.
D’après le calendrier établi, le marché, qui réunit plus de 1,2 milliard de personnes, devrait être actif à partir du 1er juillet 2020. L’UA estime que la Zlecaf pourrait augmenter de près de 60 % le commerce intra-africain d’ici à 2022. Le produit intérieur brut combiné serait, quant à lui, de 2,5 milliards de dollars. Mais l’UA a fort à faire : certains pays, notamment les « moins avancés » se sont donnés dix à quinze ans pour supprimer les droits de douane.
Certains diplomates préconisent une avancée par étapes : favoriser l’intégration régionale (autre sujet majeur du 33e sommet, également lié à la réforme du franc CFA), puis le regroupement de certaines communautés économiques régionales, avant de parvenir à une véritable zone de libre-échange continentale. De ce point de vue, beaucoup estiment que l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) et la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) pourraient servir d’exemple.
• Entériner la passation de pouvoir entre Sissi et Ramaphosa
Comme chaque année, en janvier, la présidence de l’UA changera de propriétaire à l’issue du sommet d’Addis-Abeba. Abdel Fattah al-Sissi, très critiqué, laissera la main à Cyril Ramaphosa. Ayant fait, début 2019, de la Libye sa priorité, l’Égyptien pourra difficilement se défaire de l’image d’une défaite globale sur le terrain de la sécurité.
Les crises libyenne et sahélienne se sont empirées sous sa présidence et l’Union africaine n’a pas semblé en mesure d’imposer sa voix aux grandes puissances. Sur le plan des réformes internes, elles sont encore en cours, tant au niveau du Fonds pour la paix que du financement global de l’organisation, et Cyril Ramaphosa devra donc prendre à bras-le-corps ces dossiers, tout comme celui de la Zlecaf.
« En tant que présidente, l’Afrique du Sud est déterminée à aller plus loin dans le projet d’unité continentale, d’intégration et de développement », a récemment déclaré le Sud-Africain, qui a également fait de la promotion des femmes dans les milieux économiques une priorité. « Il n’y aura pas de développement durable sans une participation pleine et égalitaire des femmes dans l’économie« , a-t-il déclaré.
Cyril Ramaphosa pourra s’appuyer sur le Tchadien Moussa Faki Mahamat, qui restera à la tête de la Commission de l’Union africaine pour au moins un an encore, à moins que son mandat ne soit renouvelé pour quatre années supplémentaires en 2021, comme l’UA l’autorise.
Sauf surprise, Ramaphosa devrait avoir pour premier vice-président le Congolais Félix Tshisekedi, lequel devrait donc lui succéder en janvier 2021.