Avec près de 40 militants retenus en otage et pas moins de trois résidences de ses cadres incendiées, le SDF continue de subir de plein fouet les représailles menées par les milices armées opérant dans les régions anglophones. Ces dernières continuent de cibler ceux qui participent au processus électoral engagé fin 2019 par Paul Biya. À l’approche des élections législatives et municipales du 9 février prochain, la stratégie électorale du SDF provoque des divisions au sein du parti.
Dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, fief de la formation, les membres du parti leader de l’opposition (en nombre d’élus au Parlement) sont dans le viseur des milices, qui appellent ouvertement à leur « neutralisation » depuis la publication des listes de candidature, désormais closes. Signe de l’ampleur du danger, Ni John Fru Ndi, président du SDF, a été contraint d’abandonner sa résidence de Bamenda pour se réfugier à Yaoundé, « en raison des nombreuses menaces de morts qui pèsent » contre lui.
Si le challenger historique de Paul Biya a souvent clamé qu’il serait « prêt à mourir à Bamenda s’il le fallait », les séquelles de son dernier enlèvement fin juin, qui l’obligent désormais à se rendre régulièrement aux États-Unis pour des soins, semblent l’avoir fait changer d’avis.
Crainte d’une nouvelle défaite
Au sein du SDF, la question de la participation aux élections locales du 9 février divise. Une frange du parti, majoritairement composée de la base restée dans les régions anglophones, n’hésite plus à s’opposer ouvertement à l’implication dans ce processus. Pour ces derniers, les plaies de la déculottée enregistrée à la dernière présidentielle – à laquelle le SDF avait concédé une défaite historique en terminant quatrième, une première depuis sa création en 1990 – restent béantes, et les craintes d’une nouvelle déconvenue sont omniprésentes.
Une opinion peu partagée par les responsables du parti. Avant de quitter le Cameroun le 11 janvier dernier, Ni John Fru Ndi avait réaffirmé que son parti prendrait bien part au scrutin. « Le SDF n’a jamais connu d’élections faciles au Cameroun. Nous avons même souvent eu à gagner des élections, et après nous avons été tabassés et vu notre victoire volée. Mais nous concourons parce que nous voulons faire savoir au monde que nous sommes prêts pour ces élections », a-t-il déclaré à la presse.
Selon des sources internes, la participation du SDF aux élections serait acquise, même si Fru Ndi n’exclut toutefois pas un possible retrait de la course. « Si ces élections ne se déroulent pas dans des conditions sûres, nous annulerons notre participation », a-t-il notamment indiqué. « Nous avons jusqu’en février pour voir quelle est la situation sur le terrain et tirer des conclusions », renchérit Joshua Osih, qui a pris les rênes du parti en l’absence du chairman.
Plusieurs retraits
Reste que sur le terrain, des partisans du boycott ont déjà jeté l’éponge. À Bamenda, Batibo, Bafut, ou encore Bali, les annonces de retrait des candidats du SDF se succèdent et provoquent de nombreux commentaires.
L’un de ces démissionnaires, Awabeng Daniel Babila, ancien candidat aux municipales à Bali, a lui choisi de quitter la vie publique. « J’ai perdu des proches dans cette crise. Il m’a été conseillé de ne pas me présenter, ce que j’ai fait », explique-t-il. « Je ne suis plus membre du SDF, ni d’aucun parti politique », martèle-t-il.
Ces retraits en cascade pourraient sérieusement menacer les chances -déjà compromises – du SDF le 9 février prochain. Car contrairement aux élections locales de 2013, auxquelles le parti avait présenté 103 candidatures, seuls 61 candidats ont été enregistrés pour le scrutin du 9 février.