
Le gouvernement centrafricain s'appuie sur les services Orange Money pour digitaliser le paiement des salaires et la perception des impôts. © Orange
Verser les salaires des fonctionnaires ou percevoir les impôts par téléphone : telle est depuis le début du mois de janvier la nouvelle stratégie de la Centrafrique pour lutter contre la corruption et le brigandage. Mais cette numérisation des flux financiers n’en est encore qu’à ses prémices.
Depuis le début du mois de janvier, le gouvernement centrafricain a engagé la numérisation de certains flux financiers, avec près de 250 salaires versés par paiement mobile.
La perception des prélèvements obligatoires sera quant à elle possible d’ici la fin du mois : « Nous voulons que les fonctionnaires basés dans des zones reculées ou touchées par l’insécurité puissent accéder facilement à leur salaire mais aussi permettre aux entreprises de faire leurs déclarations d’impôts et autres paiements en ligne », a expliqué à Jeune Afrique Henri Marie Dondra, ministre centrafricain des Finances.
Le numérique pour contrer le racket des groupes armés
Le projet, conçu par le gouvernement et accompagné par le FMI, la Banque mondiale et l’Union européenne, vise à « couper court aux fraudes, à la corruption, aux détournements dans les régions qui subissent la loi des groupes armés », a précisé le ministre.
Le gouvernement utilise le service de paiement mobile d’Orange Money, fonctionnant en partenariat avec Ecobank, qui fonctionne « même sans connexion internet », tient à préciser Henri Marie Dondra. Un atout en Centrafrique, où l’accès à internet reste un luxe et où le numérique s’installe difficilement.
Le 6 janvier, une réunion s’est tenue entre le ministère des Finances, les directions nationales des différentes banques présentes dans le pays et les sociétés de téléphonie mobile sur les questions soulevées par le projet. Ecobank, Commercial Bank of Central african (CBCA) et la Banque sahélo-sahélienne pour l’investissement et le commerce (BSIC) y ont notamment pris part.
Plus de sécurité mais des frais pour l’usager
« Ce projet est une bonne idée, mais sa mise en application reste très délicate. Le gouvernement n’a pas pris le temps de sensibiliser les usagers, de bien tester ce système, etc. Cela risque d’être très compliqué », a critiqué un responsable bancaire.
Si certains fonctionnaires sont enthousiastes, à l’image de Jean de Dieu Ndacka, enseignant à Ndélé, qui devrait régulièrement affronter le le trajet jusqu’à Bangui, « avec toutes les barrières des groupes armés à payer », d’autres se montrent plus réservés, et pointent notamment les frais engendrés par le nouveau service : environ 1 000 francs CFA (environ 1,56 €) par transfert, alors que les salaires moyens des fonctionnaires s’élèvent en moyenne à 50 000 francs CFA. Un ratio que Sylvestre Polonda, agent de santé dans la ville d’Alindao, juge « inconcevable ».
Mais le gouvernement centrafricain reste confiant. « Les coûts de déplacement vers Bangui sont bien supérieurs aux frais de service du paiement mobile », commente Tatiana Yangoupandé, responsable du projet de la numérisation.
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