Politique

Sénégal : malgré les tensions, l’exécutif maintient la hausse des tarifs de l’électricité

Alors que la société civile s’apprête, en dépit d’une interdiction préfectorale, à manifester pour le deuxième vendredi consécutif contre la hausse des tarifs l’électricité, la mesure reste en vigueur. La présidence avait pourtant annoncé mercredi avoir pour objectif de faire baisser ce tarif.

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Mis à jour le 20 décembre 2019 à 16:14

SENELEC (Société Nationale d’Electricité du Sénégal), Dakar le 11 février 2015 © Youri Lenquette pour JA

Macky Sall va-t-il revenir sur sa décision de baisser les subventions allouées à la Société nationale d’électricité du Sénégal ? Un message publié mercredi sur le compte officiel de la présidence sénégalaise laissait en tout cas penser qu’une baisse du tarif de l’électricité pouvait avoir lieu au prochain semestre 2020. « Le président Macky Sall a reçu en audience le directeur général de Fieldstone [une banque d’investissement indépendante]. Les échanges ont porté sur le financement d’actifs de la Senelec pour faire baisser le tarif de l’électricité. L’objectif est de concrétiser cette offre au 1er semestre de l’année 2020″, y déclarait la présidence.

« Approche de communication maladroite »

De quoi calmer les ardeurs des Sénégalais qui s’apprêtent à tenir un sit-in, vendredi 20 décembre, sur la place de l’Indépendance de Dakar ? Pour l’instant, ce n’est pas le cas, d’autant que l’heure n’est pas encore venue de concrétiser cette baisse annoncée. « À l’heure où nous parlons, la hausse [des prix] sera maintenue : il n’y a pas de possibilité de baisse », assure à Jeune Afrique une source proche de la présidence, qui évoque une « approche de communication maladroite », peut-être due « à la pression » que subit le gouvernement.

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En dépit de cette annonce présidentielle, le gouvernement ne semble donc pas prêt à revenir sur la coupe des subventions allouées à la Senelec, pouvant aller jusqu’à 10 % en fonction des revenus des ménages.

Une baisse de dotation que le gouvernement justifie notamment par le besoin de combler son déficit, qui devra se limiter à 450,5 milliards de FCFA en 2020 pour respecter le plafond de 3 % du PIB fixé par l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

Noo lànk toujours vent-debout

Des arguments inaudibles pour le collectif Noo lànk (« Nous refusons »), qui se prépare à tenir un sit-in ce vendredi 20 décembre à Dakar, malgré l’interdiction du préfet de Dakar Alioune Badara Samb. Fermement décidé à « exiger l’annulation de la hausse », le co-coordinateur du collectif Bentaleb Sow a également prévu de manifester pour la libération d’une dizaine de militants.

L’activiste Guy Marius Sagna, le professeur d’université Babacar Diop et plusieurs militants ont en effet été arrêtés le 29 novembre dernier à Dakar, lors d’une manifestation contre la hausse des prix. Auditionnés cette semaine par le doyen des juges, ils sont toujours en détention.

Le gouvernement joue avec les poches des Sénégalais

Créé début décembre en réaction à la hausse des tarifs, le collectif Noo lank regroupe plusieurs organisations de la société civile (Frapp, Y’en a Marre…) et certains syndicats nationaux. « Le gouvernement joue avec les poches des Sénégalais », vitupère Bentaleb Sow, qui attribue la hausse annoncée par la Senelec à « une mauvaise gestion » de la société nationale.

Arrivé à la tête de la compagnie en 2015, l’actuel ministre du Pétrole et de l’énergie attire bon nombre de critiques. Mouhamadou Makhtar Cissé se félicitait en effet au début de l’année 2019 des bons résultats de la société, qui affichait alors un bénéfice de 30 milliards de FCFA. Les capacités nationales de production sont en outre passées de 573 MW en 2012 à 1 130 MW en 2017, mettant un terme aux épisodes de délestages à répétition.

Sa nomination au gouvernement en avril 2019, peu de temps après la réélection du président Macky Sall, apparaissait alors comme une récompense pour avoir réussi à redresser la barre de la société nationale.

De bons résultats toutefois soumis à la hausse des cours des matières premières et à certaines difficultés, alors que les syndicats alertaient il y a quelques mois sur une dette de 247 milliards que devait l’État à la société. L’ajustement des tarifs et la coupe des subventions allouées au secteur avaient ainsi été évoqués dès juillet 2019.

Pour rassurer, le gouvernement met également en avant le renouvellement de ses centrales à diesel fioul et la diversification de ses sources d’énergie, ainsi que la future production de gaz, attendue à l’échéance 2022. Faisant fi de l’interdiction préfectorale motivée par des « troubles à l’ordre public », le collectif Noo Lànk réaffirme quant à lui sa volonté de manifester ce vendredi.