Économie

Maroc : Abdellatif Jouahri ne cède toujours pas face aux appels à abaisser le taux directeur

Malgré l’insistance de plusieurs observateurs et acteurs économiques, le gouverneur de la Banque centrale refuse de baisser le loyer de l’argent.

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Par - à Casablanca
Mis à jour le 19 décembre 2019 à 12:20

Façade de Bank Al Maghrib

Abdellatif Jouahri, le gouverneur de la Banque Centrale (Bank Al Maghrib), a mis fin mardi 17 décembre, lors de son habituel point de presse, aux spéculations concernant le taux directeur principal. Le conseil de Bank Al Maghrib (BAM) a en effet décidé de le maintenir inchangé à 2,25 % (avec une rémunération de la réserve maintenue à 0 %), et ce depuis mars 2016.

Plusieurs voix se sont élevées quelques jours avant la tenue du Conseil pour plaider en faveur de la baisse du taux directeur. Ce dernier a refusé de se laisse mettre sous pression, défendant que rien ne justifiait un changement.

BAM estime ainsi que les équilibres entre le taux d’inflation, le taux de croissance et l’ensemble des conditions monétaires ne seront pas rompus avec le taux directeur actuel. Globalement, Abdellatif Jouahri et ses équipes s’attendent à une croissance du PIB pour 2019 de 2,6 % et une inflation qui ne dépassera pas 0,3 % pour un déficit budgétaire de 4,1 % au 31 décembre.

Bank Al Maghrib agit selon une perspective de moyen terme

« Nous agissons en fonction de l’analyse que nous faisons de tous les indicateurs du modèle et l’appréciation des experts qui composent le conseil… Le marché apporte une appréciation de court terme. Alors que BAM agit selon une perspective de moyen terme », a expliqué Abdellatif Jouahri avec sa pédagogie habituelle.

Un robinet du crédit en panne

Il s’agissait de répondre à tous ceux qui plaident et militent pour la baisse du taux directeur, en premier lieu la filiale CDG Capital au sein du groupe CDG (Caisse de dépôt et de gestion) qui espérait une baisse et qui l’a défendu dans un rapport publié une semaine avant le point presse d’Abdelatif Jouahri. Les rédacteurs de la note pronostiquaient que le taux directeur finirait à 2 % courant 2019.

Pour eux, suite à l’appel royal adressé aux banques en octobre pour ouvrir le robinet des crédits notamment à l’égard des jeunes porteurs de projets, la réaction et la contribution de la BAM serait de baisser le taux directeur. D’autant que l’encours de la distribution des crédits entamés depuis 2016 n’arrive toujours pas se redresser : en 2016 et en 2017, juste après la dernière baisse du taux directeur, le rythme des distributions des crédits n’a jamais dépassé 4 % alors qu’en 2011 ce taux frôlait les 11 %.

À Lire Maroc : le ralentissement des crédits inquiète le gouverneur de la banque centrale

Le wali (gouverneur) de la Banque centrale a expliqué que les discussions engagées suite au discours royal entre son institution et le groupement des banques marocaines ont finalement abouti à une série de mesures. Celles-ci devraient être annoncées très prochainement, mais avant il faut que le gouvernement les valide et c’est lui qui les rendra publiques.

Quand nous avons baissé le taux à 2,25 %, le crédit n’a pas augmenté, malgré toute la politique accommodante de la BAM

Par ailleurs, Abdellatif Jouahri rappelle que malgré les baisses antérieures de taux d’intérêt, les chiffres de l’attribution de crédit n’ont jamais décollé. D’un point de vue opérationnel, les banques ne suivent pas automatiquement et ne baissent pas forcément leurs taux débiteurs en octroyant des crédits aux entreprises. La transmission des décisions de politique monétaire fait défaut et cela préoccupe les décideurs à Bank Al Maghrib. « Quand nous avons baissé le taux à 2,25 %, le crédit n’a pas augmenté, malgré toute la politique accommodante de la BAM », avait lâché Jouahri il y a trois mois, lors du précédent point presse de BAM.

Marges de manœuvre monétaires conservées

Le gouverneur de Bank Al Maghrib préfère garder des munitions en matière de politique monétaire pour des jours plus difficiles.

Et de rappeler quil y a trois mois, il avait fait un « cadeau » au secteur bancaire qui a renfloué les caisses des établissements financiers. En effet, le conseil de Bank Al Maghrib a réduit le taux de la réserve monétaire de 4 % à 2 %. Une décision qui a permis, selon lui, une injection de plus de 11 milliards de dirhams dans le circuit bancaire.

L’immuable Jouahri maintient donc son image de fermeté en mettant les autres acteurs de la vie économique du pays devant leurs responsabilités. S’il a coutume de dire que les soucis de l’économie nationale ne seront jamais réglés uniquement grâce à la politique monétaire, plusieurs observateurs sont convaincus que Jouahri finira par céder d’ici le mois de mars prochain. Les paris sont ouverts.