Le 12 décembre dernier, les parlementaires de la première chambre ont adopté le projet de loi de finances 2020 en seconde lecture, annonçant ainsi l’application à partir du 1er janvier prochain des nouvelles mesures fiscales et qui ne feront pas que des heureux.
En particulier parmi les dirigeants de l’autorité Casablanca Finance City et à leur tête Saïd Ibrahimi, directeur général. Et pour cause, ils ne pourront plus compter sur l’un de leurs atouts majeurs pour convaincre les entreprises internationales de s’installer à Casablanca, et plus particulièrement dans la place financière qu’ils sont en train de constituer depuis presque une décennie.
Mohamed Benchâaboun, le ministre des Finances et de l’Économie a mis fin, avec cette nouvelle loi de finances, au régime fiscal hautement préférentiel dont profitent les entreprises déjà implantées. Or, les équipes du CFC le mettaient en avant dans leur stratégie de vente. L’un des arguments grâce auxquels plus de 180 entreprises ont été franchi le pas jusqu’au mois de juin dernier, dont 42 % sont européennes, 37 % africaines (mais avec une grande majorité de marocaines) et le reste vient soit du Moyen-Orient soit de l’Asie.
Une imposition qui se réaligne à la hausse
En effet, avant janvier prochain les entreprises qui ont réussi à avoir le statut Casablanca Finances City (CFC) bénéficiaient d’une exonération totale de l’impôt sur les sociétés (IS) les cinq premières années de leur activité. Au-delà de cette période, elles sont soumises à un taux d’IS réduit de 8,75 %, contre au minimum 17,5 % pour les plus petites entreprises qui ne bénéficient d’aucune mesure incitative.
À partir de janvier prochain, ce régime fiscal laissera place à un autre, relativement plus équitable. Les sociétés de services ayant le statut CFC créées à partir du 1er janvier prochain vont devoir s’acquitter après la période d’exonération quinquennale d’un IS d’un taux uniforme de 15%. L’État a aussi réglé la question des entreprises existantes et ayant le statut CFC avant cette date qui craignaient pour la rétroactivité : elles peuvent changer de régime s’ils elles le souhaitent, mais de façon irréversible.
Pour le CFC, l’objectif tracé pour 2020 est d’atteindre la barre symbolique de 250 entreprises ayant le statut. Un chiffre qui semble de plus en plus difficile à atteindre, sachant que le Maroc est en grande concurrence avec d’autres régions comme Maurice ou certains pays européens.
Le Maroc souhaite échapper à la liste grise européenne des paradis fiscaux
En juin dernier, anticipant ces changements, Saïd Ibrahimi avait tenté de relativiser le poids de l’argument fiscal dans le processus décisionnel des groupes internationaux. « Ce n’est pas difficile de faire convaincre les entreprises… L’intérêt n’est pas uniquement fiscal », estimait-il alors lors d’une conférence de presse. Les équipes de la place financière mettent donc en avant depuis quelques mois déjà d’autres atouts, comme le climat des affaires hautement favorable à CFC, grâce notamment aux facilitations prévues lors de la création d’entreprise. Le CFC commence aussi à capitaliser sur la grande communauté à vocation africaine qui s’est implantée sur place et sur le grand potentiel que cela procure.
Le PLF 2020 vise à mettre le Maroc en conformité avec les accords BEPS
Les accords signés par le Maroc en matière de lutte anti-blanchiment d’argent sont une explication toute trouvée à cette réforme pour Badreddine Ed Dihi, Expert–comptable et commissaire aux comptes marocain : « À travers la loi de finances 2020, le Maroc vient de réformer les régimes fiscaux incitatifs à travers des initiatives, notamment les régimes des exportateurs, le régime Casablanca Finance City et le régime des zones franches. Il a aussi mis en place une loi anti-blanchiment pour se mettre en conformité avec ces accords BEPS (Base erosion and profit shifting) signés avec l’OCDE. Clairement, on voit que le PLF 2020 vise à mettre le Maroc en conformité avec les accords BEPS ».
Tout avait commencé quand Pierre Moscovici, ancien ministre français des Finances, avait fortement critiqué le régime fiscal marocain dédié aux zones franches d’exportation et aux entreprises exportatrices en plus de celui consacré à Casablanca Finance City. Présent lors des assises nationales de la fiscalité qui se sont déroulées du 3 au 4 mai, à Skhirat, ce commissaire européen aux Affaires économiques a rappelé au Maroc qu’il devait se montrer plus transparent et qu’il devait participer activement à la coopération administrative au sujet des accords BEPS.
Autrement dit, Pierre Moscovici a justifié ce pour quoi l’UE avait mis le royaume chérifien sur la liste grise des paradis fiscaux. D’ailleurs, les observateurs s’attendent à ce que l’UE mette à jour ses listes à la suite des réformes apportées par Mohammed Benchâaboun depuis son arrivée au département des Finances.