Mali : expulsion du Français Christophe Sivillon, chef du bureau de la Minusma à Kidal

Les propos du représentant français de la force onusienne, qui avait souhaité la bienvenue aux délégations « venues du Mali et de l’étranger » lors du congrès du MNLA, à la fin de novembre, ont suscité la colère de Bamako. Sommé de quitter le territoire sous 24 heures, le chef de la Mission des nations unies à Kidal devait regagner la France dans la nuit.

Un soldat de la Minusma à Kidal, pendant le vote de la présidentielle, le 28 juillet 2013. © Rebecca Blackwell /AP/SIPA

Un soldat de la Minusma à Kidal, pendant le vote de la présidentielle, le 28 juillet 2013. © Rebecca Blackwell /AP/SIPA

Aïssatou Diallo.

Publié le 10 décembre 2019 Lecture : 4 minutes.

La sanction de Bamako est tombée ce mardi, dix jours après la déclaration de Christophe Sivillon, le chef du bureau de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma) à Kidal. Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, a annoncé au cours d’une conférence de presse que le diplomate français était désormais persona non grata. « Il dispose de 24 heures pour quitter le territoire de la République du Mali », a-t-il précisé.

En souhaitant la bienvenue à Kidal aux délégations « venues du Mali et de l’étranger », lors du congrès du Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA), le 30 novembre, Christophe Sivillon a suscité une levée de boucliers dans le pays. Mouvements de la société civile, partis politiques, institutions… tous ont condamné ses propos, l’accusant de remettre en cause l’intégrité du territoire. Les députés maliens ont dénoncé, le 5 décembre, dans une déclaration commune lue en séance, « des propos qui portent une atteinte grave à la souveraineté et à l’intégrité territoriale ». « Nous demandons au gouvernement de mettre en garde la Minusma, pour le comportement irresponsable de son agent », ont-ils déclaré.

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Contexte explosif

Si cette déclaration a pris autant d’ampleur, c’est surtout à cause du contexte explosif qui prévaut actuellement au Mali. Depuis plusieurs mois, en effet, des manifestations ont lieu à travers le pays pour réclamer le départ des forces internationales, la Minusma et Barkhane. Face à la multiplication des attaques, les populations expriment leur lassitude.

Le ministre malien des Affaires étrangères, Tiébilé Dramé, qui a insisté depuis son arrivée au gouvernement, en mai, sur la nécessité que l’État exerce son autorité sur Kidal, s’est entretenu au téléphone, le 2 décembre, avec Mahamat Saleh Annadif, le représentant spécial du secrétaire général des Nations unies et chef de la Minusma. Il l’a ensuite rencontré, ainsi que Baranga Gassarabwe, représentante spéciale adjointe du secrétaire général de l’ONU, afin d’échanger sur la position de Bamako à propos de ces déclarations et d’ »examiner les mesures que dictent ces propos ».

Contactée par Jeune Afrique, la Minusma a assuré avoir « pris acte » de la déclaration des autorités maliennes et assuré que « le Représentant spécial du secrétaire général avait déjà pris en compte les préoccupations du gouvernement et pris les dispositions nécessaires afin que le chef du bureau de la Minusma puisse quitter le territoire malien dans les meilleurs délais, dans l’intérêt mutuel des parties ».

Selon une source interne à la Minusma et un ministre malien, son départ était prévu ce mardi soir.

Sa déclaration veut dire que Kidal ne fait pas partie du pays

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Pour Nouhoum Sarr, le président du Front africain pour le développement ( FAD), proche de l’opposant Soumaïla Cissé, « la réaction du gouvernement a été proportionnelle à la gravité des propos ». « Sa déclaration veut dire que Kidal ne fait pas partie du pays. Cela est révélateur de la vraie mission de la Minusma, qui est la partition du Mali », insiste l’opposant.

Au-delà de cet incident, c’est l’application de l’accord pour la paix et la réconciliation, signé à Alger en 2015, que de nombreux opposants dénoncent. Il conduirait selon eux à la partition du pays, en renforçant les pouvoirs des chefs des assemblées régionales.

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Modifier l’accord ?

Lors de son message à la nation, le 22 septembre, le président Ibrahim Boubacar Keïta avait ouvert la voie à des discussions visant à modifier de certaines de ses dispositions, ce qui a suscité la colère des groupes armés signataires. Mais depuis le report, mi-septembre, d’une rencontre du Comité de suivi de l’accord, à Kidal, aucune rencontre n’a eu lieu.

De plus, la ville de Kidal, encore sous le giron de groupes armés, est régulièrement pointée du doigt. En août dernier, le président nigérien Mahamadou Issoufou l’avait désignée comme étant « un sanctuaire pour les terroristes ». Mais fin novembre, le chef d’État avait reçu une délégation de chefs touaregs qui souhaitaient clarifier leur position vis-à-vis des groupes jihadistes.

Si Kidal ne faisait pas partie du Mali, Bamako n’aurait pas pu le révoquer

« Si Kidal ne faisait pas partie du Mali, Bamako n’aurait pas pu révoquer un diplomate qui y est établi », ironise Almou Ag Mohamed, porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA). Pour lui, cette polémique est « un faux débat ». « Tous ceux qui sont de bonne foi savent que c’est un lapsus. Christophe Sivillon a été sacrifié au profit des intérêts de la rue à Bamako. Le départ d’un diplomate n’arrangera en rien la situation du pays », regrette-t-il.

« On se focalise sur Kidal comme si c’était le problème central du Mali alors que la gangrène est en train de s’étendre à tout le pays. Un message un peu malsain est véhiculé par des cadres à Bamako et il contribue à la stigmatisation d’une région entière. Nous devons nous concentrer sur les questions essentielles, qui sont la mise en œuvre de l’accord de paix, la réconciliation et la reconstitution de l’armée. »

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