Lors de la cinquième édition des Med Dialogues, organisée par l’institut ISPI et le gouvernement italien, le ministre algérien des Affaires étrangères s’est prêté au jeu des questions-réponses. Loin des seules affaires extérieures, l’essentiel de son intervention a été consacrée à la crise algérienne et au processus électoral. Un choix assez logique dans la perspective de la présidentielle du 12 décembre, dont le vote pour les Algériens résidents à l’étranger a justement commencé samedi.
Sabri Boukadoum a ainsi insisté sur le fait que le processus électoral, rejeté par la rue algérienne, s’était organisé dans le strict respect de la Constitution : « Généralement, quand les gens manifestent, c’est pour demander que l’on respecte la Constitution. Mais dans notre cas, c’est exactement ce que nous avons fait ! »
« Nous voulons que le prochain président qui émergera soit doté de la plus grande légitimité possible, a-t-il plaidé. Nous avons engagé le dialogue depuis l’été dernier avec la société civile et tous les partis politiques, et cette élection en est le résultat. Il n’est peut-être pas accepté à 100 % par tout le monde, mais je crois toujours personnellement que c’est la meilleure porte de sortie. »
« Nous devons régler ce problème de légitimité »
D’où vient alors le malentendu persistant avec les nombreux Algériens qui rejettent le processus électoral ? « Il faut leur poser la question, a-t-il répondu à Jeune Afrique. Moi, je suis pour les élections, bien sûr. Mais nous devons régler ce problème de légitimité qui a été posé. C’est le sort des citoyens qui se joue ! Les Algériens pourront choisir en toute liberté, et l’essentiel est que le processus électoral soit transparent et ouvert. »
Certains estiment que ce n’est pas le bon moment pour une élection, mais personne ne peut contester le fait que le processus a été absolument transparent
Bien que les conditions de la création de l’instance chargée de l’organisation des élections, l’Autorité nationale indépendante des élections (Anie), ont été critiquées, Sabri Boukadoum a fait valoir que c’est la première fois en Algérie qu’un tel scrutin est placé sous le contrôle et la surveillance d’un organe indépendant.
« Nous voulons donner les meilleures garanties aux Algériens que tout cela est transparent et juste, que vous l’acceptiez ou non. Nous ne nous serions jamais engagés dans une situation où existent des doutes. C’est une question de crédibilité. Certains estiment que ce n’est peut-être pas le bon moment pour une élection, mais personne ne peut contester le fait que le processus a été absolument transparent. »
« Ne nous prenez pas de haut ! »
C’est au Parlement européen que le ministre algérien a réservé ses flèches les plus acérées. Le 29 novembre, l’institution a en effet adopté une résolution « condamnant vivement l’arrestation arbitraire et illégale, la détention, les intimidations et les attaques de journalistes, de syndicalistes, d’avocats, d’étudiants, de défenseurs des droits de l’homme et de la société civile ainsi que de tous les manifestants pacifiques qui participent aux manifestations du Hirak. »
« Nous rejetons toute ingérence dans nos affaires, a-t-il réagi. Nous n’avons pas apprécié cette résolution, pour le dire en termes diplomatiques. Que ce soit le Parlement européen ou qui que ce soit : ne vous mêlez pas de nos affaires intérieures ! Le Parlement européen est allé trop loin. C’est un manque de considération et de respect qui n’est pas acceptable, » a-t-il tonné.
Visiblement en verve sur ce sujet, il a conclu : « Ne nous donnez pas de leçons, ne nous prenez pas de haut, ne nous dites pas ce que nous avons à faire. »