Procès sur la corruption en Algérie : la justice demande à entendre Saïd Bouteflika

La justice algérienne a demandé samedi à entendre Saïd Bouteflika, le frère du président déchu, au troisième jour d’un procès pour corruption d’anciens hauts responsables politiques et hommes d’affaires algériens. Celui-ci a finalement préféré garder le silence.

Saïd Bouteflika, le frère et conseiller de l’ex-président algérien Abdelaziz Bouteflika, en mai 2017 dans un bureau de vote (image d’illustration). © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Saïd Bouteflika, le frère et conseiller de l’ex-président algérien Abdelaziz Bouteflika, en mai 2017 dans un bureau de vote (image d’illustration). © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Publié le 7 décembre 2019 Lecture : 3 minutes.

Le procureur avait formulé cette demande à l’issue de la comparution d’Ali Haddad, ancien dirigeant de la principale organisation patronale algérienne, dans le dossier du financement électoral de l’ex-président Abdelaziz Bouteflika.

Appelé à la barre en tant que témoin, Saïd Bouteflika a décliné son identité mais n’a ensuite pas voulu répondre aux questions du juge puis du procureur sur les accusations de financement illégal de la dernière campagne électorale de son frère Abdelaziz, qui a démissionné le 2 avril sous la pression populaire.

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Après son refus, le juge a demandé à ce qu’il soit ramené à la prison militaire de Blida, où il purge une peine de quinze ans pour « complot contre l’autorité de l’Etat ». Il avait déjà refusé de comparaître lors de son procès fin septembre.

Dans le box des accusés de ce procès inédit en Algérie, qui s’est ouvert mercredi, figurent deux anciens Premiers ministres, Ahmed Ouyahia et Abdelmalek Sellal, plusieurs ex-ministres, des cadres du ministère de l’Industrie ainsi que des grands patrons du secteur automobile.

Ali Haddad, ancien président du Forum des chefs d’entreprises (FCE), a été directement mis en cause jeudi par l’un des coaccusés dans le financement de la dernière campagne d’Abdelaziz Bouteflika pour la présidentielle prévue le 18 avril 2019. Cette élection a finalement été annulée face au mouvement (« Hirak ») populaire de contestation du régime, déclenché le 22 février par sa candidature.

L’appel à « l’aide » de Saïd Bouteflika

Ali Haddad a précisé devant le juge qu’il était intervenu dans cette campagne électorale à la demande de Saïd Bouteflika, le frère et conseiller du président déchu qui lui avait téléphoné pour lui « demander de l’aide ».

Le 6 février, Saïd Bouteflika m’a demandé de récupérer entre 700 et 800 millions de dinars qui étaient au siège de campagne à Hydra

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« Le 6 février (2019), Saïd Bouteflika m’a demandé de récupérer entre 700 et 800 millions de dinars (environ 5,7 millions d’euros) qui étaient au siège de campagne à Hydra », à Alger, a répondu l’ex-patron des patrons à une question du juge qui l’interrogeait sur la provenance de cet argent. Haddad a expliqué que Saïd Bouteflika craignait que le siège électoral ne soit attaqué car la nouvelle de la présence d’une importante somme d’argent avait, selon lui, circulé partout.

« Parodie de justice » et « règlements de comptes »

Ali Haddad, fondateur et PDG d’ETRHB, n°1 privé du BTP en Algérie, n’a pas dit où est allé ensuite cet argent. Les 5,7 millions d’euros, versés notamment par des patrons du secteur automobile pour la campagne de l’ex-chef de l’État, ont « été utilisés », selon le chef de cabinet d’Ali Haddad, El Hadj Saïd, qui a témoigné samedi. À la suite des échanges, le procureur a expressément demandé à entendre le frère de l’ancien président et l’a convoqué.

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Depuis le début du procès au tribunal de Sidi M’Hamed, dans le centre d’Alger, les principaux accusés nient en bloc et ne cessent de se défausser sur d’autres. Les débats se déroulent en l’absence de nombreux avocats de la défense qui ont décidé de le boycotter, dénonçant une « parodie de justice » et un climat de « règlements de comptes ».

Les accusés sont poursuivis pour diverses malversations, dont le financement « occulte » de la campagne d’Abdelaziz Bouteflika et le favoritisme dans la jeune industrie automobile algérienne, mise sur pied à partir de 2014, via des partenariats entre marques étrangères et grands groupes algériens, souvent propriétés d’hommes d’affaires liés à l’entourage du président déchu.

Le réquisitoire du procureur sera prononcé dimanche et le verdict devrait être connu d’ici lundi soir, selon des avocats. Les 18 accusés dans le box, dont deux femmes, risquent entre cinq et vingt ans de prison.

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