Tout commence le 20 novembre, lorsque deux hommes se présentent au cabinet de Me Hassan Barry. Ils sollicitent ses services pour obtenir une autorisation en vue de rendre visite à trois détenus de la maison d’arrête de Bamako, qu’ils présentent comme étant des parents. Jusque-là, rien d’extraordinaire.
Sauf que, parmi ces trois prisonniers – tous arrêtés par l’armée malienne le 2 août dernier à Boulkessi – , figure un certain H. Dicko. Ce dernier serait le frère de Jafar Dicko, le chef de la Katiba Ansarul Islam, un groupe jihadiste qui sévit au Burkina Faso et au Mali.
L’avocat les accompagne devant le service judiciaire qui délivre les autorisations de visite, mais celui-ci étant fermé lorsqu’ils arrivent, les trois rebroussent chemin. Hassan Barry remonte dans sa voiture, et ses deux clients prennent un taxi. Ce qu’Hassan Barry ne sait pas, alors, c’est que l’un des deux hommes a été placé sous surveillance par les services de renseignement.
Ils sont arrêtés « le 21 novembre vers 17 h au grand marché de Bamako », selon une note que la Direction générale de la sécurité d’État (DGSE) transmettra quelques jours plus tard à des journalistes. La DGSE présente alors les deux hommes comme « d’importants soutiens logistiques d’Ansarul Islam ».
Dialogue avec les terroristes ?
« Ils ont été interrogés, et nous avons pu déterminer qu’ils étaient là pour acheter du matériel, faire du repérage pour d’éventuels attentats à Bamako et négocier la libération de plusieurs cadres de leur organisation », assure à Jeune Afrique une source sécuritaire. Dans un message diffusé vendredi, la Sécurité d’État précise que ces arrestations « permettront également d’élucider certains cas de libération et d’acquittement étonnants de dangereux terroristes survenus lors des dernières assises ».
Au cours de l’interrogatoire, le nom Me Hassan Barry est cité. Les deux hommes, qui sont actuellement en détention, auraient affirmé avoir donné de l’argent à l’avocat pour obtenir la libération de plusieurs détenus.
Dès le lendemain, le vendredi 22 novembre, Me Hassan Barry sera entendu dans les bureaux de la DGSE qui le soupçonne de « complicité avec les terroristes ». L’avocat, originaire Diankabou, dans le cercle de Koro, s’est fait une réputation en défendant des personnes arrêtées dans le cadre d’opération anti-terroristes. Au point que certains l’accusent d’entretenir des liens avec des jihadistes.
Hasard ou pas, dans les heures qui ont suivi son arrestation, une vidéo datant de juillet a commencé à circuler sur les réseaux sociaux. On y voit le célèbre avocat, ainsi qu’un colonel de l’armée malienne, assis aux côtés d’Amadou Koufa, le chef de la Katiba Macina qui sévit dans le centre du pays depuis 2015.
Pourtant, officiellement, Bamako ne discute pas avec les terroristes. Le ministre de la Communication, Yaya Sangaré, a d’ailleurs assuré mardi, sur son compte Twitter, que « l’interpellation de Me Hassan Barry n’a aucun lien avec les missions de bons offices qu’il soutient avoir précédemment entreprises ».
Mais la diffusion de cette vidéo, qui a été tournée en juillet dernier, pourrait remettre en cause cette posture officielle. D’autant que, selon nos sources au sein des services de sécurité maliens, Hassan Barry a dûment informé les autorités de sa démarche.
Le Gouvernement assure que l’interpellation de l’Avocat Me Hassan BARRY n’a aucun lien avec les missions de bons offices qu'il soutient avoir précédemment entreprises.
— Yaya Sangare (@YayaBSangare) November 26, 2019
« Trop dérangeant » ?
Selon l’entourage de Me Hassan Barry, l’arrestation de ces deux personnes la semaine dernière à Bamako visait en réalité l’avocat qui devient « trop dérangeant ». Les images de lui aux côtés de Amadou Koufa ont été diffusées dans un reportage de la chaîne Al Arabia. Selon nos investigations, cette rencontre a eu lieu le 19 juillet 2019 près de la frontière Mali-Mauritanie.
L’avocat aura passé trois jours dans les locaux de la DSGE. Trois jours pendant lesquels la polémique n’a cessé d’enfler à Bamako. Ses confrères ont dénoncé une « séquestration ». « Les avocats ne peuvent être entendus, arrêtés ou détenus sans ordre du procureur général près la Cour d’Appel ou du président de la Chambre d’accusation, le bâtonnier préalablement consulté », a insisté l’ordre des avocats, dans un communiqué daté du 23 novembre.
Lors d’un meeting organisé le 25 novembre à Bamako, plusieurs associations ont exigé la libération de l’avocat. « Il a aidé les services de renseignement de son pays. Il a contribué à la libération d’otages militaires en échange de jihadistes. Mais aujourd’hui, on veut se débarrasser de lui », accuse un leader de la communauté peule.
Hassan Barry, libéré lundi 25 novembre, est désormais au travail dans son cabinet bamakois.