Aucune rencontre entre les deux parties. Au terme de sa visite – la troisième d’un officiel vietnamien au Cameroun depuis le déclenchement de la crise il y a un an chez Nexttel – à Yaoundé, le 1er novembre, le vice-premier ministre vietnamien, Vuong Dinh Hue, et sa suite se sont entretenus avec le Premier ministre, Joseph Dion Ngute – à qui il a remis une lettre de son président destinée à Paul Biya – et des parlementaires camerounais.
Du reste, le programme ne prévoyait pas d’entretien avec Baba Ahmadou Danpullo, avec qui Viettel Global est en froid. Le magnat camerounais détient 30 % des parts du troisième opérateur camerounais de téléphonie mobile, à travers son véhicule Bestinver Cameroon (Bestcam).
Nous croyons que le gouvernement prendra des mesures draconiennes
Présent dans la délégation venue de Hanoï, Do Manh Hung, le PDG de Viettel, espère toujours que le gouvernement camerounais amènera Danpullo à se conformer aux 22 recommandations du comité interministériel mis en place en mars par Joseph Dion Ngute. « Nous croyons que le gouvernement prendra des mesures draconiennes pour faire appliquer ces décisions », a-t-il fait savoir le 3 novembre.
Ce qui est loin d’être gagné. Le 18 juin, Danpullo signifiait à Joseph Dion Ngute la suspension de la participation de Bestcam aux travaux du comité interministériel. Le Camerounais reproche à cette instance de n’avoir tenu compte que des seuls griefs et propositions de la partie adverse. Pis, la recommandation 21, qui laisse entrevoir la possibilité pour l’État d’entrer dans le capital de Nexttel, à hauteur de 10 %, sans bourse délier, horripile l’homme d’affaires. Elle semble pourtant arranger Viettel, qui y voit l’occasion de sortir du tête-à-tête avec son turbulent partenaire.
Négociations parisiennes
Après avoir fait capoter en juillet la rencontre organisée par le Premier ministre camerounais pour entériner ces recommandations, Danpullo a tenté de reprendre l’initiative, en invitant les Vietnamiens à des pourparlers directs.
La rencontre du 24 septembre, au Hilton de Paris, a connu un coup de théâtre, avec la présence d’Albert Kamanou dans la délégation de Bestcam. Ancien dirigeant du cabinet Mass Telecom qui conseillait le gouvernement camerounais lors de la mise en vente de la troisième licence de téléphonie mobile, en 2012, Albert Kamanou avait mis en contact Danpullo et Viettel. Cette arrivée n’a pour autant pas débouché sur une avancée. Bestcam a remis ses propositions de sortie de crise et attend toujours une réponse de l’opérateur asiatique.
« Je ne veux pas que Viettel parte ! Nous sommes en affaires. Chacun fait ses propositions et nous arriverons à un compromis », déclarait récemment Baba Ahmadou Danpullo à Jeune Afrique. Entre temps, l’homme d’affaires, qui a fait main basse sur Nexttel, a remplacé son fidèle Moïse Bayi à la tête de l’opérateur par le Français Jean-Marie Olicard. Cet ancien d’Orange Cameroun était jusqu’en août le représentant au Gabon du fabricant et producteur camerounais de vins BVS.
La Cour internationale de justice invoquée comme recours possible
En outre, certaines de ses exigences font bondir les Asiatiques. Selon Danpullo, Viettel, détenteur de 70 % des parts, doit devenir minoritaire dans le capital de Nexttel, reconnaître la double signature et « respecter les règles de gestion d’une société anonyme » en ne recourant pas systématiquement à Hanoï pour la prise de décisions.
Viettel de son côté pose le retour des employés vietnamiens à leurs postes et une réparation par Bestcam des dommages causés à Nexttel comme préalables à toute autre discussion. « On peut s’entendre. Il faut d’abord qu’ils répondent à nos propositions et que nous nous asseyons pour discuter », réitère Danpullo, confiant.
Dans le cas où le litige chez Nexttel ne serait pas résolu, l’action à la Cour internationale de justice serait l’étape nécessaire
Do Manh Hung se veut clair pour sa part. « Dans le cas où le litige chez Nexttel ne serait pas résolu, l’action à la Cour internationale de justice serait l’étape nécessaire afin que nous puissions garantir les droits légitimes de la coentreprise », menace-t-il.
Les Vietnamiens savent toutefois que seul Paul Biya est en mesure de faire entendre raison à Danpullo. Ils espèrent que la lettre que son homologue de Hanoï l’incitera à arbitrer une fois pour toutes.