Pour l’année 2020, le gouvernement de RDC table sur un budget en hausse de 63,2 % par rapport à l’exercice actuel. Le premier budget, de 7 milliards, jugé trop peu ambitieux, avait soulevé de vives critiques politiques.
Ce projet de loi de finances surpasse donc largement celui de 2019, et ses 5,9 milliards de dollars.
Car du côté des dépenses, ce projet du budget intègre six nouvelles allocations budgétaires :
– la gratuité de l’enseignement primaire entamée à partir du mois de septembre 2019 ;
– la prise en compte progressive de la couverture santé universelle en vue de permettre l’accès de la population aux soins de santé ;
– la mise en service de la caisse nationale de péréquation entre les régions, prévue par la constitution ;
– le démarrage de la construction du port en eau profonde de Banana pour l’accostage des bateaux de fort tonnage ;
– l’informatisation de tous les rouages qui participent à la collecte des prélèvements obligatoires,
-la mise en place d’une infrastructure financière en charge des levées des fonds sur les marchés financiers.
Mobiliser les recettes internes pour tenir le budget
Si le budget se veut ambitieux, en se donnant les moyens de financer les promesses du nouveau président de la République Félix Tshisekedi, ce projet ne convainc cependant toujours pas l’opposition : « Ce budget de 10 milliards de dollars est médiocre par rapport à la dimension de notre pays et ses potentiels », se désole le député Eliezer Ntambwe, membre de la plateforme politique Ensemble, de l’opposant Moïse Katumbi.
Mais aux yeux de plusieurs experts en finances publiques, un budget de 10 milliards de dollars paraît au contraire peu réaliste. Le gouvernement a choisi de financer ce budget à 80 % par les recettes internes (impôts, taxes, redevances…). Mais celles-ci ne sont en 2019 que de 4,9 milliards (en 2018, elles n’étaient encore que de 4,3 milliards, et en 2017 de 3,1 milliards).
Il reste donc des progrès de mobilisation des recettes à faire, pour atteindre l’objectif de porter la pression fiscale de 10 % à 13 %. Ces efforts devront, d’après un document confidentiel du gouvernement que Jeune Afrique a consulté, porter sur l’élargissement de l’assiette fiscale, la modification des taux d’imposition et la fiscalisation du secteur informel. Ce document liste une batterie de réformes envisagées à ce but, dont :
– la suppression des compensations moyennant établissement des échéanciers crédibles de paiement ;
– l’application stricte de la réglementation en matière du régime d’enlèvement d’urgence ;
– le recours aux dispositifs électroniques fiscaux (caisses, enregistreuses) ;
– le suivi et le prélèvement systématique des impôts, droits et taxes à payer par les entreprises minières en phase d’exploration et de production ;
– l’informatisation des administrations financières ;
– l’interconnexion des systèmes informatique des administrations financières entre elles et entre ces dernières et les ministères du Budget, des Finances ainsi que de la Banque centrale ;
– la poursuite du système de marquage moléculaire des produits pétroliers (pour lutter contre la fraude dans les carburants) ;
– la généralisation du système de surveillance électronique des cargaisons aux principaux postes frontaliers ;
– la lutte contre les interférences des services non habiletés dans la collecte des recettes.
Cependant, ces grandes réformes nécessitent en elles-mêmes des moyens conséquents. Selon les experts du cadastre minier, la certification des réserves minières de cuivre coûterait ainsi 500 millions de dollars. Pour l’instant, 10 millions de dollars seulement y sont alloués, nous révèle une source au ministère des Finances.
Un budget tributaire de l’endettement international
De leur côté, les recettes extérieures (emprunts et dons divers) ne compensent guère : le taux de réalisation de ces recettes n’était que de 24 % en 2018.
Si les recettes ne suivent pas, le financement du budget supposera de bénéficier d’un appui externe massif. Et de fait la Banque mondiale est disposée à augmenter son portefeuille des appuis budgétaire à hauteur de 5 milliards de dollars… mais pour une période de cinq ans. L’enveloppe, insuffisante pour couvrir les besoins de financement du budget, est destinée à couvrir la construction et la réhabilitation des infrastructures, l’amélioration du système de santé et le plan d’urgence en faveur de l’éducation de base.
Reste le financement par le recours à l’endettement : pour la période 2020-2021, le plan d’endettement auprès des institutions internationales que Jeune Afrique a consulté était de 7 milliards dollars pour cinq ans, dont deux milliards pour 2020. Toujours un peu court pour atteindre les 10 milliards de dollars du budget.
Les prêts conditionnés du FMI et de la Banque mondiale
D’autant que si le principe de l’appui de la BM est « acquis », le premier décaissement ne peut intervenir qu’après six mois. Et il reste assorti de conditions, parmi lesquelles l’audit externe des finances publiques, la publication des rapports financiers par les entreprises étatiques du secteur des mines, la bonne gestion des finances, etc.
Cependant, même si l’apport de la Banque mondiale a toujours été significatif en RDC par rapport aux autres pays de la sous-région, le taux d’absorption de ces financements n’a jamais dépassé 40 % sur les dix dernières années.
Outre la BM, le gouvernement a également été invité par le FMI à arrêter un budget réaliste. De quoi rendre l’exécution de cette loi de finances pour le moins compliquée.