Économie

Le Soudan étranglé par sa dette et par les États-Unis

Tant que les États-Unis n’auront pas retiré le Soudan de la liste des pays soutenant le terrorisme, ce pays ne pourra obtenir un allègement de la dette de plus de 150 milliards de dollars qui l’étrangle.

Réservé aux abonnés
Mis à jour le 22 octobre 2019 à 12:03

Un boulevard à Khartoum © Crédit : Asim

Depuis sa formation en septembre, le gouvernement de transition du Soudan se trouve sur le fil du rasoir en raison de son énorme dette de plus de 150 milliards de dollars (134 milliards d’euros).

« Nous estimons que cette dette essentiellement extérieure et contractée en dollars auprès des institutions multilatérales et des investisseurs privés atteint 160 % du produit intérieur brut soudanais », analyse Ruben Nizard, économiste Afrique à la Compagnie française d’assurance pour le commerce extérieur (Coface),  société d’assurance-crédit : « Le montant des arriérés accumulés a confirmé depuis longtemps que ce fardeau était insoutenable. Ce qui est nouveau, c’est que le Premier ministre Abdallah Hamdok appuie sa stratégie de redressement sur un accord avec les institutions multilatérales ».

Or celles-ci ne se précipitent pas pour signer un accord avec le Soudan.

Plus de 15 milliards de dollars d’arriérés

Kari Turk, directeur de la Banque mondiale pour le Soudan, le Soudan du Sud, l’Érythrée et l’Éthiopie, a ainsi déclaré le 12 octobre à Khartoum : « Le gouvernement soudanais doit [d’abord] payer entre 15 et 16 milliards d’arriérés de paiements aux institutions financières et aux créanciers souverains ».

La France se mobilisera pour accélérer l’annulation de la dette du Soudan

Pas question de lui accorder de nouveaux prêts dans le cadre de l’Initiative pour les pays pauvres très endettés tant qu’il n’aura pas donné des preuves de sa volonté de réduire ses impayés et de mettre en chantier des réformes pour éviter que sa dette ne s’aggrave encore. Pour l’heure, seuls les dons et l’aide humanitaire peuvent soulager le Soudan.

Le soutien de la France à Khartoum a été confirmé par le président Emmanuel Macron, le 30 septembre, lors de la conférence de presse qu’il a tenue avec Abdallah Hamdok à l’Élysée. « Premier créancier du Soudan au sein du Club de Paris, la France se mobilisera pour accélérer l’annulation de [sa] dette », a-t-il promis avant d’ajouter : « J’ai décidé que la France accueillera une conférence de mobilisation des bailleurs publics et privés internationaux pour accompagner [le] pays », promettant aussi une aide de 60 millions d’euros.

De faibles marges de manœuvre

Malheureusement la renégociation de la dette et le regain d’attractivité du Soudan auprès des investisseurs se heurtent à deux obstacles.

Le premier est que les États-Unis n’ont toujours pas retiré le Soudan de sa liste des pays soutenant le terrorisme, bloquant toute restructuration de sa dette dans le cadre du Club de Paris.

À Lire La France plaide en faveur du retrait du Soudan de la liste noire américaine

Le second est la faible capacité du Soudan à réduire ses déficits et à rembourser sa dette après la sécession du Soudan du Sud, qui l’a amputé d’une bonne partie de ses recettes pétrolières en 2011.

Un contexte social sensible

« Le gouvernement est dans une position difficile », explique Ruben Nizard, pour qui « les institutions internationales demandent [au Soudan] des réformes corrigeant ses graves déséquilibres macro-économiques. Cela suppose une remise en cause des subventions à certains produits de première nécessité devenues budgétairement insupportables. Or certaines de ces mesures d’austérité ont provoqué, notamment, un triplement du prix du pain à l’origine des manifestations ayant conduit à la chute du régime d’Omar el-Béchir… »

Abdallah Hamdok et son gouvernement vont devoir faire des gestes au moins symboliques pour prouver à la communauté internationale et aux créanciers que son pays a la ferme intention de payer ses dettes en échange d’un allègement de celles-ci.

Politiquement, économiquement et socialement, l’exercice s’annonce périlleux pour un jeune gouvernement qui hérite d’un pays en déshérence.