
Le président Robert Mugabe à Harare. © THEMBA HADEBE/AP/SIPA
Réforme agraire, crise économique, hyperinflation, émigration… Après le décès de Robert Mugabe qui dirigea le Zimbabwe de 1980 à 2017, Jeune Afrique revient sur les grandes tendances chiffrées de ce que fut l’économie zimbabwéenne durant ses 37 années de règne.
De son accession au pouvoir en 1980 en tant que Premier ministre du pays nouvellement indépendant, en passant par le début de sa présidence en 1987, jusqu’à sa démission contrainte en 2017, Robert Mugabe aura laissé une empreinte écrasante sur l’économie zimbabwéenne. « Héros », « icône de la libération« , « dictateur » ou responsable de la crise économique qu’a traversé le pays… Le statut de celui qui quitta ses fonctions à 93 ans, alors qu’il était le plus vieux chef d’État en poste de la planète, aura suscité les foudres de l’opinion internationale et de ses opposants, autant que les acclamations de ses partisans.
Alors que les obsèques de l’ex-président devraient se tenir dimanche prochain, et que sa dépouille sera ramenée mercredi de Singapour, Jeune Afrique dresse un panorama chiffré de ce que fut l’économie zimbabwéenne durant le règne Robert Mugabe.
Réforme agraire
Durant l’ère Mugabe, la surface des terres agricoles de cet ancien grenier à blé de l’Afrique australe n’a cessé de croître. Celles-ci sont passées de 33 % du territoire en 1987, à 42 % en 2006, puis elles se stabiliseront autour de cette superficie. En revanche la participation au PIB de l’activité agricole a suivi une courbe très irrégulière : 13 % en 1987, 6,7 % en 1992, 19 % en 1996, 12,5 % en 2002, 21 % en 2007 pour chuter à 7 % en 2013 avant de repartir à la hausse.
L’initiative de Mugabe ayant eu les plus importantes conséquences sur le pays fut sa réforme agraire à partir de 1997. Celle-ci a consisté en la saisie des terres agricoles, dont une grande partie (42 %) était possédée par des agriculteurs blancs très minoritaires dans la population (6000 fermiers), pour les redistribuer sous forme de petites parcelles à des membres de la nomenklatura du régime qui embaucheront de nombreux Zimbabwéens.
Les emplois dans l’agriculture ont alors grimpé en flèche passant de 60 % du total des emplois en 2000 à 70 % en 2007. Mais les nouveaux propriétaires terriens se sont montrés peu habiles pour gérer ce potentiel, ce qui entraîna l’effondrement de la production agricole du pays (en 2016 le pays produisant 16 fois moins de blé que dans les années 1990) et déboucha sur une crise économique.
Dégringolade du PIB
Cette réforme agraire a accéléré le déclin de la production agricole, qui a chuté de 60 % en volume entre le début des années 2000 et 2008, tandis que le PIB zimbabwéen a diminué de 52 % entre 1999 et 2008, d’après un rapport du Overseas Development Institute (ODI).
Hyperinflation
Autre conséquence de cette réforme mal ajustée aux capacités du pays, le Zimbabwe a connu dix années de récessions, entre 1998 et 2008, incitant les autorités à faire marcher la planche à billets ce qui généra une situation d’hyperinflation dont le pays peine toujours à s’extirper. En 2008, au plus fort de la crise, l’inflation avait atteint un taux annuel de 231 000 000 %, par rapport à l’année précédente.
En 2009, le Zimbabwe a abandonné sa propre monnaie, adoptant le dollar comme moyen de paiement pour résorber les problèmes d’hyperinflation. Cette dollarisation a conduit à une stabilisation de la situation économique, avec un taux de croissance annuel moyen de 2,9 % entre 2009 et 2016.
Pauvreté
Ce ralentissement de la croissance a affecté en premier lieu les ménages pauvres, en grande majorité ruraux. Le nombre de personnes en situation de pauvreté extrême est passé de 2,6 millions en 2015 à 2,8 millions en 2016 (estimation), et selon la Banque mondiale, la même année, 17,5% de la population souffrait d’insécurité alimentaire quand trois millions d’autres avait émigré dans les pays voisins (Afrique du Sud, Botswana, Zambie, Namibie, Mozambique).
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