Maroc : pourquoi Ivanka Trump salue-t-elle la réforme sur l’héritage des terres soulaliyates ?

Ivanka Trump, la fille du président américain, se réjouit de l’avancée des droits de succession des femmes sur les terres soulaliyates (tribales) au Maroc, qu’elle considère comme un pas vers l’égalité dans la succession. Mais l’apport de cette réforme reste à relativiser…

Ivanka Trump, la fille du président américain Donald Trump, le 10 juillet 2019 à Washington (image d’illustration). © Patrick Semansky/AP/SIPA

Ivanka Trump, la fille du président américain Donald Trump, le 10 juillet 2019 à Washington (image d’illustration). © Patrick Semansky/AP/SIPA

fahhd iraqi

Publié le 20 août 2019 Lecture : 3 minutes.

« Nous applaudissons le gouvernement marocain pour cette étape importante vers l’adoption des amendements de la loi sur la succession et nous espérons pouvoir appuyer leur mise en œuvre intégrale. W-GDP [Women’s Global Development and Prosperity Initiative] continuera à défendre les droits fonciers des femmes et j’apprécie le fort leadership de Son Excellence la Princesse Lalla Joumala [ambassadrice du Maroc à Washington]. »

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Cette dernière doit être aux anges après ce tweet d’Ivanka Trump et ses 6,8 millions de followers, dont les médias les plus influents du monde. Mais la conseillère à la Maison-Blanche, fille du locataire du bureau ovale, mais aussi épouse de Jared Kushner, l’un des conseillers les plus influents de l’aile ouest, a surtout fait la meilleure publicité auquel pouvait avoir droit les projets de loi sur les terres soulaliyates (de soulala, un terme désignant le lien qui unit les membres d’une même collectivité ethnique).

Timide avancée

Ivanka Trump, qui pilote depuis la Maison-Blanche l’ONG W-GDP (Initiative mondiale pour le développement et la prospérité des femmes, en français), lancée en février dernier, a effectivement eu vent de ces textes législatifs marocains et a tenu à saluer cette avancée.

Pourtant, la loi 62-17 relative à la tutelle administrative des terres soulaliyates, adoptée en juillet dernier, ne constitue qu’un timide progrès sur la question de l’égalité femmes-hommes – un principe inscrit dans la Constitution de 2011. Certes, ce nouveau texte vient dépoussiérer une loi remontant à 1919, mais les acquis en matière de répartition égalitaire restent à géométrie variable.

Si l’article 6 de cette loi prévoit que les membres des communautés, hommes comme femmes, jouissent de la propriété collective de l’usufruit, il ne précise pas pour autant que cette répartition doit se faire sur un pied d’égalité. Cette dernière clause, qui a toute son importance, avait été demandée par l’Association démocratique des femmes du Maroc (ADFM), dans un mémorandum à l’adresse des parlementaires ayant voté cette loi, sans pour autant obtenir gain de cause.

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Si le législateur est resté vague sur la question, c’est que l’arsenal législatif pour les terres soulaliyates avait d’abord pour souci de répondre à une urgence économique : cette réforme permettra d’assainir le statut du million d’hectares de surface agricole nécessaire pour le déploiement d’une nouvelle stratégie sectorielle.

Résistances nombreuses

En juillet 2018, des femmes de la région du Gharb, près de Kenitra, avaient obtenu pour la première fois des autorités locales, à égalité avec leurs homologues masculins, l’attribution de lots fonciers en indemnisation de la cession de terres collectives. Mais bien que ces évolutions apportent un grain de parité, on en est encore loin de l’égalité successorale.

Le plus souvent, seules certaines femmes particulièrement modestes, veuves ou mères célibataires, reçoivent les indemnités promises

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Les résistances, dans les tribus comme dans les administrations, restent effectivement nombreuses. Et le plus souvent, seules certaines femmes particulièrement modestes, veuves ou mères célibataires, reçoivent les indemnités promises. Par le passé, des cas de femmes se retrouvant sans logement ni compensation financière à la suite d’une transaction ont défrayé la chronique et interpellé les consciences.

Au Maroc, l’égalité dans l’héritage est un débat que les instances cherchent encore à éviter. C’est à peine si Amina Bouayach, présidente du Conseil national des droits de l’homme (CNDH), s’aventure à afficher son intention de convaincre les pouvoirs publics d’initier des réformes en faveur de l’égalité femmes-hommes. Ivanka Trump, depuis Pennsylvania Avenue – à des années-lumières des communautés soulaliyates du Gharb marocain – , aurait donc pu tout aussi bien tweeter : « Un petit pas vers l’égalité genre, en attendant un pas de géant en faveur de la femme marocaine… »

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