
Le président tunisien Béji Caïd Essebsi, décédé jeudi 25 juillet 2019 à Tunis. © Facebook.com/Presidence.tn
Le président Béji Caïd Essebsi est décédé jeudi 25 juillet, probablement d’une insuffisance respiratoire, après avoir été admis la veille au service de réanimation de l’hôpital militaire de Tunis. Entre émotions et continuité de l’État, récit des dernières heures du premier président de la République tunisienne à mourir en exercice.
Béji Caïd Essebsi n’avait jamais caché souffrir d’une insuffisance rénale et subir des contrôles médicaux réguliers en France. Mais la brutale dégradation de son état de santé, selon des sources médicales du service de soins intensifs de l’hôpital militaire de Tunis, est due à une bactérie fongique à l’origine de l’affection pulmonaire qui s’était déclarée en juin. Des prélèvements auraient été adressés pour analyse à deux laboratoires à l’étranger pour en déterminer les origines. Avec des défenses de l’organisme réduites par le traitement de son affection rénale, l’infection développée de manière fulgurante a induit une insuffisance respiratoire, cause probable du décès.
À 18 heures mercredi 24 juillet, la nouvelle s’était répandue dans Tunis : Béji Caïd Essebsi a été admis en réanimation dans un état d’urgence absolue. Les membres de la famille confient aux proches qu’il est inconscient. Vers 22 heures, l’alerte semble levée et les nouvelles sont un peu plus rassurantes. Mais extrêmement affaibli, le président succombe finalement aux premières heures du matin, sans vraiment avoir repris conscience.
Dès huit heures, son fils, Hafedh Caïd Essebsi, annonce la nouvelle aux intimes, tandis qu’Abdelkrim Zbidi, le ministre de la Défense, qui n’a pas quitté les lieux de la nuit, alerte les officiels, dont Mohamed Ennaceur, président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et Youssef Chahed, le chef du gouvernement. Les forces de l’ordre font en même temps circuler un appel sur les réseaux sociaux, demandant aux sécuritaires de « demeurer républicains, de veiller au respect de la Constitution et de prévenir toute tentative de putsch ».
Entre rumeurs et démentis
Près de cinq semaines après avoir été hospitalisé une première fois, le président de la République a donc succombé des suites de sa maladie. Sa réadmission au service de réanimation de l’hôpital militaire, en fin d’après-midi la veille, avait mis en alerte le monde politique, surpris par cette subite dégradation de l’état de santé du chef de l’État.
Ce dernier avait pourtant repris un semblant d’activité et était apparu diminué et fortement amaigri, lundi lors d’une entrevue qu’il avait accordée au ministre de la Défense. Des images qui avaient largement alimenté les rumeurs sur sa santé, mais qui semblaient être démenties par l’invitation envoyée par les services de la présidence pour les festivités de la Fête de la République – qui auraient justement dû se tenir sous son égide, ce jeudi 25 juillet au Palais du Bardo.
Une première indisposition attribuée à des troubles intestinaux, le 21 juin, puis l’hospitalisation du 27 juin à la suite d’un « grave malaise », avaient été abondamment commentées. Des partis soutenant le gouvernement avaient même tenté de passer en force pour déclarer la vacance du pouvoir. Une situation inédite qui avait exacerbé les tensions politiques, surtout dans un contexte pré-électoral. Durant ces jours d’extrême confusion, la brigade présidentielle et l’armée avaient fait appliquer strictement les consignes de sécurité pour protéger le locataire de Carthage.
Funérailles d’État
Le protocole depuis Bourguiba a prévu le déroulement des funérailles du chef de l’État, mais ce sera la première fois samedi 27 juillet que la Tunisie rendra les derniers honneurs à un président en exercice – le seul également, depuis la révolution, à avoir été élu au suffrage universel.
Le choix devrait donc se faire entre le cimetière du Djellaz à Tunis, où la famille Caïd Essebsi a une concession, ou celui prévu dans l’enceinte de la mosquée Malik Ibn Anas à Carthage
Selon des sources sécuritaires au sein de la présidence, le gouvernement a d’abord envisagé qu’elles se tiennent dans le petit cimetière du village de Sidi Bou Saïd, situé à une vingtaine de kilomètres au nord-est de la capitale – là où Béji Caïd Essebsi a vu le jour le 29 novembre 1926. Un espace jugé toutefois insuffisant et difficile à sécuriser pour une cérémonie nationale, en présence vraisemblablement de figures politiques étrangères de premier plan. Le choix devrait donc se faire entre le cimetière du Djellaz à Tunis, où la famille Caïd Essebsi a une concession, ou celui prévu dans l’enceinte de la mosquée Malik Ibn Anas à Carthage.
Avant ce moment solennel, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) a prêté serment devant les députés, dès l’après-midi du jeudi 25 juillet, pour assurer l’intérim de la fonction présidentielle. Béji Caïd Essebsi est mort, l’État continue.
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