Économie

Hydrocarbures : avec son nouveau code pétrolier, le Gabon espère séduire les investisseurs

Le nouveau code pétrolier gabonais entre en vigueur : il se veut plus attractif pour les entreprises avec, en contrepartie, moins de bénéfices pour l’État. Mais, alors que le pays souhaite recouvrer des rentes pétrolières similaires à celles d’avant la crise de 2014-2015, les opérateurs restent pour le moment réservés.

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Par - à Libreville
Mis à jour le 25 juillet 2019 à 16:34

Le port de Port-Gentil (Gabon), bastion de l’industrie pétrolière gabonaise, le 16 octobre 2012. © Baudouin Mouanda pour JA

« On peut dire que l’on a fait de gros efforts pour attirer les investisseurs », lance un expert pétrolier au ministère gabonais des Hydrocarbures, joint par Jeune Afrique. « Le nouveau code des hydrocarbures est un effort très positif du gouvernement gabonais pour promouvoir les investissements pétroliers et gaziers dans le pays », renchérit David DesAutels, dirigeant de l’entreprise américaine Vaalco.

Signé par le président Ali Bongo Ondimba le 16 juillet, après un passage à l’Assemblée nationale puis au Sénat fin juin, le nouveau code a baissé une grande partie des taxes et participations de l’État dans le secteur de l’or noir et du gaz.

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« On a revu à la baisse tous les items fiscaux », indique l’expert ministériel. Le nouveau code acte notamment le retrait total de l’impôt sur les sociétés, qui s’élevait à 35% – une mesure bienvenue, selon tous les investisseurs contactés par Jeune Afrique. De même, ajoute-t-on au ministère, la redevance minière proportionnelle (RMP) – c’est-à-dire la rétribution que les compagnies doivent payer pour le droit d’exploitation – a diminué.

Plus de revenus pour les opérateurs pétroliers

Le nouveau code permet d’augmenter le plafond du « cost oil« , c’est à dire d’accorder une plus grande part des revenus pétroliers aux entreprises pour couvrir leurs coûts, diminuant du même coup le « profit oil »  restant, que le gouvernement partage avec elles.

Autre mesure inscrite dans la loi : l’État ne sera autorisé qu’à prendre une participation maximale de 10% dans le capital social de tout opérateur, contre 20% dans le code 2014. La compagnie nationale, la Gabon Oil Company (GOC), s’occupe de gérer ces participations de l’État dans les contrats pétroliers, et optimise ses revenus dans d’autres secteurs connexes à l’industrie.

Au-delà des contrats d’exploitation et de partage de production (CEPP), il sera désormais possible de « faire des conventions d’exploitations, notamment pour les champs marginaux et les champs matures » et pour l’entreprise de « demander des concessions » qui peuvent « apporter des offres plus intéressantes que les CEPP », ajoute le spécialiste.

Un ancien code « boudé » par les investisseurs

Le dernier code, de 2014, était « boudé par de nombreux opérateurs pétroliers », et n’avait pas pu permettre « en près de cinq ans, la signature du moindre contrat pétrolier », indiquait en mai le site de la présidence gabonaise.

En cause, notamment, une fiscalité jugée trop contraignante pour les investisseurs et les entreprises d’hydrocarbures. À cela s’ajoutait un contexte économique peu favorable au secteur : en 2014-2015, le Gabon a été frappé de plein fouet par la chute des prix du baril. Une révision du code pétrolier était donc devenue obligatoire pour Libreville, dont la part du secteur pétrolier dans les revenus de l’État tourne autour de 40 à 45%, malgré la mise en place d’un plan de diversification de l’économie.

35 blocs aux enchères

Avec le nouveau code, le Gabon veut redresser la barre en matière de pétrole, et compte sur une augmentation de sa production en ouvrant la voie aux investisseurs. Libreville a lancé en novembre 2018 à Cape Town, au sommet « Africa Oil Week », la mise aux enchères 35 blocs pétroliers situés en offshore. La promotion de cet appel d’offres s’est terminée à Rio en juin. Désormais, le Gabon espère avoir qualifié les sociétés demandeuses de bloc pétrolier d’ici la mi-mars, indique-t-on au ministère.

La possibilité d’accords de gré à gré sur la vente de certains blocs avec les majors Total et Perenco avait été annoncée en juin par le ministre du Pétrole, Noël Mboumba, dans une interview à Jeune Afrique. Mais après consultation des services techniques, le ministère a déclaré que le gré à gré relève plutôt de l’exception, et Libreville prévoit donc d’attendre la clôture de l’appel d’offres avant d’éventuels accords de gré à gré, sur des blocs qui n’auraient pas trouvé preneurs, explique-t-on en interne.

Enfin, au-delà de la recherche des investisseurs, le Gabon pousse également auprès de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), dont il est membre. « Nos représentants sont en train de travailler pour revoir la quote-part du Gabon dans la stabilisation des cours pétroliers », confie le spécialiste ministériel.

Des craintes sur la nouvelle réglementation CEMAC

Malgré une légère remontée des prix du baril et la promulgation du nouveau code, le Gabon doit prendre en compte d’autres paramètres qui rendent les investisseurs frileux. Ces derniers se sont dernièrement sentis freinés par la nouvelle mesure de la Banque économique des États d’Afrique centrale (BEAC), qui a adopté en décembre 2018 une nouvelle réglementation des changes stipulant que « l’ouverture d’un compte en devises hors de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC) au profit d’un résident, est interdite, à l’exception des établissements de crédit ».

« Cela est très problématique pour l’industrie et l’investissement », s’inquiète David DesAutels pour Vaalco. La mesure vise à prévenir la fuite de capitaux en empêchant le rapatriement de bénéfices vers l’étranger, et en obligeant à l’ouverture d’un compte en FCFA.  Au ministère on assure que la BEAC a donné son accord de principe pour étendre cette possibilité aux industries extractives et que le problème serait désormais résolu.