En quête de devises et faute de pouvoir s’appuyer sur les banques locales, Tunis a émis une euro-obligation la semaine dernière. Retour sur une opération couronnée de succès – elle a permis de recueillir 700 millions d’euros à rembourser sur 7 ans à un taux de 6,375 % – qui confirme l’intérêt des investisseurs pour l’économie tunisienne.
• Pourquoi un emprunt sur les marchés internationaux ?
La Tunisie avait besoin rapidement de cet argent frais pour pouvoir boucler son budget 2019. Et, à l’international, tous les indicateurs étaient au vert. Les responsables politiques et bancaires avaient, les mois précédents, multiplié les événements pour convaincre de la solvabilité du pays auprès des investisseurs internationaux.
Surtout, les retraits de la Tunisie de la liste des pays sous surveillance du Groupe d’action financière (Gafi), organisme intergouvernemental qui lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, et de la liste noire de l’Union européenne, promis cet automne, ont rassuré les marchés.
En juin, l’accord du FMI pour verser 247 millions de dollars au titre de la 6e tranche de prêt a fini de convaincre que la Tunisie demeurait un bon placement sans grand risque de défaut de paiement.
L’autre facteur conjoncturel qui a joué en faveur de la sortie sur les marchés internationaux a été le taux négatif de la Banque centrale européenne, qui rend, en comparaison, l’emprunt tunisien très alléchant.
• Cette sortie a-t-elle été un succès ?
Incontestablement, l’opération a été un succès. Les avoirs nets en devises s’élevaient, le 15 juillet, à 15,6 milliards de dinars (4,3 milliards d’euros), ce qui représente 87 jours d’importations, contre 81 jours avant l’opération. La Tunisie a donc renfloué ses caisses.
Si l’on examine en détail les conditions du prêt, on constate que la Tunisie attire de plus en plus. Lors de sa précédente sortie sur les marchés internationaux, en octobre 2018, la Tunisie n’avait récolté que 500 millions d’euros sur 5 ans à un taux de 6,75 %.
Plus important encore, cette année, 182 institutions financières se sont montrées intéressées pour souscrire l’emprunt pour un montant total de 2,2 milliards d’euros, soit 3,1 fois la somme voulue. L’an dernier, elles n’étaient que 120 institutions et avaient proposé deux fois moins (1,1 milliard d’euros).
À noter cependant que d’autres pays ont fait mieux que la Tunisie dans le même laps de temps. L’Égypte a récolté en avril 1,25 milliard d’euros, remboursable sur 12 ans au même taux que celui de la Tunisie (6,375%).
• Pourquoi la Tunisie ne s’est-elle pas financée auprès des banques nationales ?
Lors du vote par l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) sur cet emprunt international, des élus sont montés au créneau pour critiquer cette opération qui rend le pays encore plus dépendant vis-à-vis des bailleurs internationaux.
Effectivement, malgré ces conditions favorables, il n’en reste pas moins que l’emprunt alourdit encore la dette extérieure, qui représente déjà 71,7 % de la dette publique tunisienne. Le service de la dette extérieur représente, lui, 68,8 % du service de la dette publique.
Si la Tunisie a préféré sortir de ses frontières, c’est parce que les banques tunisiennes sont exsangues. Depuis 2017, les montants collectés sous forme de bons du Trésor assimilables (BTA) ne cessent de baisser témoignant de l’« assèchement de la liquidité sur le marché financier local », constate la Revue de la conjoncture économique.
Les banques n’ont plus d’argent, même pour financer l’État. Résultat, il est dorénavant devenu moins cher pour le gouvernement d’emprunter à l’étranger. Le taux du BTA 5 ans a atteint 8,76 % en 2018, soit 2,5 points de plus que le taux obtenu le 10 juillet avec une maturité de 2 ans de moins.