Christine Lagarde quitte la présidence du FMI : quel bilan pour l’Afrique ?

Proposée pour la présidence de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde a cessé de diriger le Fonds monétaire international (FMI). Durant ses huit années passées à la tête de l’institution, elle a sillonné l’Afrique et contribué à adoucir l’image de « Père Fouettard » du Fonds.

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, en janvier 2015. © Alex Brandon/AP/SIPA

Christine Lagarde, directrice générale du FMI, en janvier 2015. © Alex Brandon/AP/SIPA

ProfilAuteur_AlainFaujas

Publié le 5 juillet 2019 Lecture : 3 minutes.

À son arrivée à la tête du FMI, Christine Lagarde a tenté de substituer une image empathique à la réputation d’institution brutale que celui-ci traîne depuis les années noires 1990-2000, des douloureux « ajustements structurels ». Pas toujours avec succès.

Quant à son rapport avec le continent, pour bien des membres du personnel du Fonds, sa priorité n’était pas l’Afrique, mais l’Europe qui, la crise grecque aidant, était le patient malade de la planète. Elle se souciait aussi beaucoup de la Chine dont la formidable émergence pouvait déstabiliser le multilatéralisme si on ne lui faisait pas une place au centre du jeu mondial.

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Plaidoyer permanent en faveur des femmes africaines

De la Tunisie au Mozambique et du Sénégal au Kenya, elle est allée répétant que l’Afrique était formidable, qu’elle croissait aussi vite que la Chine, qu’elle avait des potentialités pour devenir un acteur essentiel de l’économie mondiale. Mais à condition de surveiller ses déficits et sa dette, de mieux collecter ses impôts, de lutter contre la corruption et de diversifier une économie encore trop centrée sur l’exportation de matières premières brutes aux cours fluctuants.

Un discours classique tenu devant des auditoires africains équitablement anglophones et francophones, même si la grande majorité des programmes de soutien du FMI concerne des pays francophones.

L’originalité de Christine Lagarde n’est pas tant dans le rajout en faveur de la lutte pour le développement durable et contre le réchauffement climatique qu’elle a fait dans ses discours, mais dans son plaidoyer permanent en faveur des femmes africaines.

Dans une interview à Jeune Afrique en février 2017, elle expliquait cette préférence : « C’est un combat personnel et une question de morale, mais pas seulement. Il a été démontré que le fait que les femmes soient moins éduquées, moins financiarisées et écartée de la vie économique est inhibant pour le développement (..) Pourquoi continuer à écarter la moitié de l’humanité et se priver ainsi de la possibilité d’augmenter notre gâteau commun ? »

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Visage humain et coupes budgétaires

Plutôt portée sur les questions sociales qui ne font pourtant pas partie des missions du FMI, elle s’est pourtant fortement investie dans la crise de la CEMAC au bord de la catastrophe fin 2016 et menacée d’une dévaluation de son franc CFA. Elle a secoué les six gouvernements concernés pour qu’ils soient solidaires et courageux face à la dégradation de leurs comptes due à la chute des cours de leurs matières premières d’exportation. Malgré pas mal d’atermoiements, le redressement est en cours.

Elle n’a pas desserré l’étau du « Consensus de Washington »

Tout le monde n’a pas été sensible à la langue de velours de le directrice générale. « Certes, elle a fait preuve d’une grande capacité d’écoute et de beaucoup d’intérêt pour l’Afrique, commente ainsi un ancien ministre de l’Économie. Mais elle n’a pas desserré l’étau du “Consensus de Washington” comme l’avait fait son prédécesseur, Dominique Strauss-Kahn, et elle a laissé les services du FMI prendre le pas et infliger des souffrances à plusieurs pays en les contraignant à des coupes budgétaires redoutables ».

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Prenant en compte les errements budgétaires de certains pays comme la Tunisie, la Zambie ou la République du Congo, d’autres dressent un bilan plus positif de l’action de la directrice générale du Fonds. « Elle a un bilan honorable, juge Benoît Chervalier, enseignant à SciencePo Paris et fondateur de la banque d’affaires One2five Advisory. Elle a prolongé les réformes de son prédécesseur et répondu favorablement quand les pays africains ont multiplié les demandes de programmes d’aide. Elle a donné au FMI un visage plus humain. Mais quand un gouvernement traîne les pieds pour prendre les mesures d’économies qui s’imposent, le Fonds est dans son rôle quand il rappelle la nécessité et les principes d’une saine gestion ! »

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