Sénégal : controverse après le désaveu de l’UE sur le système des parrainages

Le rapport de la mission d’observation de l’Union européenne sur l’élection présidentielle du 24 février dernier ne fait pas l’unanimité au sein de la sphère politique sénégalaise. Celui-ci préconise notamment de mener une réflexion sur le controversé système des parrainages citoyens, dont certains aspects « portent atteinte au principe d’égalité entre les candidats ».

Début du décompte, dans un bureau de l’école Biscuiterie, à Dakar, pour le premier tour de la présidentielle au Sénégal en février 2019. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

Début du décompte, dans un bureau de l’école Biscuiterie, à Dakar, pour le premier tour de la présidentielle au Sénégal en février 2019. © Sylvain Cherkaoui pour Jeune Afrique

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Publié le 19 juin 2019 Lecture : 3 minutes.

« Abandonner le parrainage citoyen pour les élections locales » de décembre 2019 et « mener une réflexion d’ensemble sur son application » pour les autres scrutins. C’est l’une des recommandations faites par la mission d’observation électorale de l’Union européenne portant sur l’élection présidentielle de février 2019, dans son rapport présenté lundi. Une préconisation qui sonne comme un désaveu pour la très controversée réforme du code électoral adoptée en avril 2018 et unanimement rejetée par l’opposition sénégalaise.

Si le système des parrainages est jugé « légitime [afin] d’opérer une sélection raisonnable parmi les candidats potentiels » et éviter les candidatures fantaisistes, pour l’Union européenne, il « pose notamment le problème du secret du vote dans le cadre d’élections locales », estime Denis Petit, analyste électoral et membre de la mission d’observation de l’UE. « Dans une petite communauté, le parrainage, qui peut être interprété comme une intention de vote, exposerait nécessairement le citoyen concerné », illustre-t-il.

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Avantage au premier candidat ayant déposé sa liste

Dans ses observations, la mission européenne souligne également le caractère aléatoire instauré par l’ordre de dépôt des dossiers de parrainages devant le Conseil constitutionnel. « Rien ne peut justifier qu’un avantage soit accordé au premier candidat ayant déposé sa liste alors qu’il ne s’agit là que d’une circonstance sans rapport avec un critère de représentativité », souligne notamment le rapport, faisant référence à l’invalidation des signatures sur les listes déposées en second en cas de doublons.

Le critère de l’ordre de dépôt pour l’examen des listes de parrainages porte atteinte au principe d’égalité entre les candidats

D’autant que « les candidats n’avaient pas accès, lors de la collecte des signatures, au fichier électoral et n’étaient donc pas en mesure de s’assurer que leurs parrains figuraient bien sur les listes électorales », ajoutent les observateurs.

« Les parrainages multiples devraient être retranchées de toutes les listes indépendamment de leur ordre de dépôt de celles-ci », recommande le rapport, dont les auteurs enfoncent encore un peu plus le clou, dans leurs recommandations, en jugeant que « le critère de l’ordre de dépôt pour l’examen des listes de parrainages porte atteinte au principe d’égalité entre les candidats, et est injustifiable au regard du critère de représentativité qui est au fondement de la justification même du système de parrainage-citoyen ».

Une critique déjà portée par l’opposition, lors de la phase de collecte des signatures. « On nous a imposé une nouvelle loi sur les parrainages : cela aurait dû induire un changement législatif concernant la disponibilité du fichier électoral. Comment chercher des parrains si l’on ne peut pas vérifier qui est inscrit ou non sur le fichier électeur ? », fustigeait notamment le candidat Issa Sall, interrogé par Jeune Afrique en février dernier.

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L’UE accusée d’avoir outrepassé ses prérogatives

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« Cette recommandation va au-delà de l’objet pour lequel la mission électorale a été effectuée, elle dépasse le cadre de l’élection présidentielle », a immédiatement recadré le ministre de l’Intérieur Aly Ngouille Ndiaye dans un communiqué diffusé lundi, qui rappelle que l’extension du parrainage aux partis et coalitions politiques s’est faite « en toute souveraineté […] par le peuple sénégalais à travers la représentation nationale ».

Loin d’être convaincu par les arguments de l’exécutif, le parti d’Ousmane Sonko (opposition) n’en critique cependant pas moins l’intervention de l’Union européenne, qui « est celle d’un médecin après la mort ». « Les irrégularités se sont déroulées en amont du scrutin, il fallait prendre position à ce moment-là », accuse Bassirou Diomaye Faye, coordonnateur des cadres du Pastef, avant de déplorer que « les contorsions des règles électorales ont abouti au résultat que l’on connaît ».

« On ne peut pas faire de recommandations avant d’avoir observé les élections », répond quant à lui Denis Petit.

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