Israël : Benyamin Netanyahou échoue à former une coalition, le Parlement dissous

Le Parlement israélien a voté pour sa propre dissolution, mercredi soir, moins de deux mois après avoir été élu. Les électeurs seront de nouveau appelés aux urnes le 17 septembre. Un scénario inédit dans l’histoire du pays.

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avant le vote à la Knesset, mercredi 29 mai 2019. © AP Photo/Sebastian Scheiner

Le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou avant le vote à la Knesset, mercredi 29 mai 2019. © AP Photo/Sebastian Scheiner

Publié le 30 mai 2019 Lecture : 4 minutes.

À l’issue d’un psychodrame qui s’est prolongé après minuit dans une tension grandissante, le Parlement israélien (Knesset) a opté pour l’organisation de nouvelles élections. Le vote a eu lieu après deuxième et troisième lectures, par 74 voix pour et 45 contre, à l’instigation du Likoud du Premier ministre Benyamin Netanyahou.

C’est pourtant un échec pour le chef du gouvernement, au pouvoir sans discontinuer depuis 2009 – et depuis treize ans au total, en comptant un précédent mandat entre 1996 et 1999. L’avenir de cette figure dominante au point d’en paraître imbattable, mais aujourd’hui menacée d’inculpation pour corruption, devrait à nouveau se trouver au cœur de la prochaine campagne.

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Ce développement sans précédent résulte de l’incapacité du Premier ministre à former une coalition de gouvernement avec les partis de droite arrivés en tête des législatives du 9 avril. Benyamin Netanyahou, 69 ans, a préféré provoquer de nouvelles élections que de voir le président Reuven Rivlin donner à un autre que lui sa chance de rassembler une majorité de gouvernement avec la Knesset existante.

Pour ses adversaires, Netanyahou aurait pu se désister, mais n’est préoccupé que de sa survie politique. Il s’accroche à son poste pour faire voter des lois le protégeant des poursuites, accusent-ils. L’annonce de nouvelles élections a aussi des répercussions bien au-delà d’Israël. Elle soulève la question de la présentation par l’administration Trump de son plan pour résoudre le conflit israélo-palestinien, attendu depuis des mois.

Lieberman opposé à une conscription élargie

Donald Trump, qui a multiplié depuis son accession à la présidence les faveurs envers Israël et son premier représentant, s’était invité lundi dans la crise israélienne, en apportant son soutien au Premier ministre sortant. Le gendre du président américain, Jared Kushner, est ainsi arrivé à Jérusalem mercredi soir, en pleins remous intérieurs, pour discuter de l’initiative diplomatique dont il est le cerveau.

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Netanyahou avait jusqu’à minuit (21h GMT) pour fédérer en une coalition de gouvernement la majorité théorique de 65 sièges née des élections d’avril. Parmi eux : les cinq mandats parlementaires du parti laïc et nationaliste Israël Beiteinou, et les 16 des deux partis ultra-orthodoxes représentant les quelque 10 % d’Israéliens observant rigoureusement les règles du judaïsme.

Le maître stratège qui triomphait dans la nuit du 9 avril n’a pas réussi à surmonter le vieil antagonisme entre laïcs nationalistes et ultra-orthodoxes

Le maître stratège qui triomphait dans la nuit du 9 avril n’a pas réussi à surmonter le vieil antagonisme entre laïcs nationalistes et ultra-orthodoxes, autour d’un sujet social qui résiste au temps : l’exemption de service militaire dont bénéficient des dizaines de milliers d’étudiants des écoles talmudiques. Dans un pays où tous, sauf exception, sont soumis à la conscription, ce régime de faveur est perçu par beaucoup comme une injustice.

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Sur ce sujet, le Premier ministre s’est heurté à un mur en la personne d’Avigdor Lieberman, chef d’Israël Beiteinou, personnalité éminente chez les centaines de milliers d’Israéliens originaires de l’ex-URSS, qui dirigea le bureau du Premier ministre Netanyahu en 1996-97 et était encore son ministre de la Défense en 2018. Celui-ci n’en a pas démordu : il ne participerait au gouvernement que contre l’engagement que serait votée, telle qu’il l’avait proposée quand il était à la Défense, une loi annulant l’exemption systématique des ultra-orthodoxes. « Question de principe », et refus de participer à un gouvernement sous la coupe de la loi juive, n’a-t-il cessé de répéter.

117 M€ pour la dissolution et le nouveau scrutin

Netanyahou avait tenté une proposition de dernière minute pour résoudre le casse-tête. En vain. Tout le monde s’est rejeté mutuellement la faute de ce fiasco. « Incroyable, kafkaïen », s’est étranglé le chef du gouvernement. « Lieberman n’avait aucune intention de parvenir à un accord, il voulait juste faire tomber le gouvernement. Lieberman appartient désormais à la gauche », a-t-il martelé.

« On s’est servi de manière cynique de la loi sur la conscription pour semer la confusion dans l’esprit du public, inciter à la haine contre les ultra-orthodoxes et marquer des points », s’est indigné le leader ultra-orthodoxe Yaakov Litzman. « Le seul responsable du fait qu’Israël doive revoter, c’est le Likoud », a répondu Lieberman sur Facebook après le vote.

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Des voix s’élèvent pour dénoncer le gâchis d’argent et d’énergie politique que constitueraient de nouvelles élections. Un représentant du ministère des Finances cité dans la presse a évoqué une somme d’au moins 475 millions de shekels (117 millions d’euros) pour la dissolution et le scrutin. S’y ajouterait le manque à gagner considérable infligé par la perte d’une journée de travail – on ne travaille pas les jours de vote en Israël.

Benyamin Netanyahu est menacé d’inculpation dans trois affaires de corruption. Il clame son innocence et dénonce une « chasse aux sorcières ».

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