Mali : plusieurs partis rejettent l’avant-projet de révision de la Constitution

Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) a remis aux partis politiques et aux organisations de la société civile malienne l’avant-projet de révision de la Constitution jeudi à Koulouba. Plusieurs acteurs politiques ont déjà exprimé leur rejet du projet, insistant sur la nécessité d’établir au préalable un dialogue politique national.

Ibrahim Boubacar Keïta, au palais de Koulouba, à Bamako (archives). © Vincent Fournier/JA

Ibrahim Boubacar Keïta, au palais de Koulouba, à Bamako (archives). © Vincent Fournier/JA

Aïssatou Diallo.

Publié le 13 avril 2019 Lecture : 4 minutes.

Le 11 avril IBK a remis à des chefs de partis politiques et d’organisations de la société civile des copies du projet de révision de la Constitution, fruit du travail d’un comité d’experts. Pendant trois mois, ceux-ci ont planché, en « prenant en compte les clauses institutionnelles inscrites dans l’Accord pour la paix et la réconciliation » ainsi que les « propositions pertinentes des précédentes tentatives de révision constitutionnelle », précise le Professeur Makan Moussa Sissoko, à la tête du comité.

Résultat : un texte qui propose, entre autres, d’unifier les instances chargées de l’organisation des élections en un seul organe indépendant et permanent. Il prévoit également la suppression de la Haute cour de justice de la liste des institutions de la République pour en faire une cour ad hoc.

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Les experts proposent également de « verrouiller totalement » l’article 30 de la Constitution qui stipule que « le Président de la République est élu pour cinq ans au suffrage universel direct et au scrutin majoritaire à deux tours ».  Selon cet article, le président n’est rééligible qu’une seule fois.« Le nombre et la durée du mandat du président de la République ne pourraient pas être changés », insiste Sidi Mohamed Diawara, rapporteur du comité d’experts. Dans la mouture actuelle du texte, « la lutte contre la corruption et l’enrichissement illicite devient un devoir des citoyens, et le terrorisme est considéré comme un crime imprescriptible contre le peuple malien », précise par ailleurs le rapporteur.

Difficile consensus

Sur le fond, plusieurs propositions de réformes font l’unanimité, c’est plutôt la forme qui pose problème. Depuis la relance de son projet de révision de la Constitution lors de ses vœux aux Maliens en début d’année, IBK insiste sur la nécessité d’un processus inclusif, afin d’éviter le fiasco de 2017. Le président avait dû reculer face à la pression de la rue contre son projet. Mais quatre mois après, les divergences sur la manière d’aborder la révision de la Constitution persistent. Le cadre national de concertations dirigé par le ministère de l’Administration territoriale et de la décentralisation (MATD) est boudé par de nombreux partis. Celui-ci est pourtant censé se faire avec le gouvernement, les partis politiques, les organisations de la société civile mais aussi les groupes armés.

Plusieurs partis ont même décliné l’invitation d’IBK de se rendre à Koulouba le 11 avril. C’est le cas notamment du Front pour la sauvegarde de la démocratie (FSD) qui regroupe des partis d’opposition – dont l’Union pour la République et la démocratie (URD) de Soumaïla Cissé et le Parti pour la renaissance nationale (Parena) de Tiébilé Dramé – ainsi que des organisations de la société civile.
Pour cause, Nouhoum Togo, un des porte-parole de l’opposition, précise que cette dernière n’a pas été associée à l’élaboration du document. « Nous n’étions pas associés à ce travail. Il y a des procédures à respecter et on ne se reconnaît pas dans ce projet de Constitution qui ne nous engage pas non plus », affirme-t-il en reconnaissant tout de même que l’URD, parti du chef de file de l’opposition avait bien élaboré un document qui a été remis aux experts chargés de la révision de la Constitution.

« Toute réforme doit découler d’un dialogue politique national. Ce qui n’est pas le cas aujourd’hui », renchérit pour sa part Nouhoum Sarr, également membre du FSD. « La question de réformer la Constitution doit être posée aux Maliens au cours d’une conférence nationale. Mais cela n’est pas leur priorité aujourd’hui. Les Maliens veulent la fin des massacres, des tensions sociales et la relance de l’économie »,  ajoute celui qui a été porte-parole de Soumaïla Cissé lors de la présidentielle de 2018.

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Un avis que partage Mohamed Youssouf Bathily, alias Ras Bath, porte-parole des Collectifs pour la défense de la République (CDR), en pointe lors des manifestations contre la révision de la Constitution en 2017. Pour l’activiste, « aucune réforme ni révision ne saurait être conduite dans le contexte politique et sécuritaire actuel ».

Référendum prévu en juin

Le parti Yéléma, représenté à Koulouba le 11 avril par son 1er vice-président Abdoulaye Diarra, a pour sa part estimé que le processus n’était pas consensuel. « Le président de la République doit lui-même entamer des démarches politiques pour réaliser un consensus national minimal. Il faut avancer dans le dialogue initié avec Soumaïla Cissé. Nous déterminerons ensuite ensemble l’équipe et le programme à mettre en place pour mener à bien ces réformes. Celle-ci pourrait dans un second temps se baser sur le document du comité », explique Moussa Mara, président du parti et ancien Premier ministre.

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Les rencontres début février entre IBK et le chef de file de l’opposition avaient suscité l’espoir d’une décrispation politique avant la manifestation à Bamako le 5 avril pour dénoncer la crise sécuritaire et la mauvaise gouvernance.

Le référendum constitutionnel est prévu au mois de juin 2019, selon le calendrier du MATD. Dans une interview à la radio Mikado, Mahamat Saleh Annadif, chef de la Minusma, la mission de l’ONU au Mali prévient : « La révision constitutionnelle au Mali ne doit pas constituer un blocage entre Maliens ».

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