Société

Algérie : quel avenir pour l’USMA, le club d’Ali Haddad ?

Ali Haddad, ex-patron des patrons, mais aussi président du club de football de l’Union sportive de la médina d’Alger (Usma), a été arrêté samedi 30 mars à la frontière algéro-tunisienne. Son incarcération pose de nombreuses questions quant à l’avenir de la puissante écurie de la capitale.

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Mis à jour le 15 janvier 2020 à 14:36

Ali Haddad, le président du FCE (Forum des chefs d’entreprise) et de l’USM Alger. © Romain Laurendeau pour JA

Sportivement, la situation de l’USMA reste enviable. À cinq journées de la fin, les Rouge et Noir occupent la première place du championnat, et comptent cinq points d’avance sur la Jeunesse sportive de Kabylie (JSK). Les Algérois se dirigent vers le huitième titre de leur histoire, le troisième de l’ère Ali Haddad (54 ans), à la tête du club depuis 2010.


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Seulement, depuis que l’homme d’affaires, proche du clan d’Abdelaziz Bouteflika, a été interpellé au poste frontière d’Oum Tboul dans la nuit de samedi à dimanche 31 mars dernier, le monde du football algérien s’interroge sur le futur de l’USMA. Haddad est toujours incarcéré à la prison d’El Harrach, et le club est géré au quotidien par le directeur général Abdelhakim Serrar, que Jeune Afrique a plusieurs fois tenté de joindre, sans réponse de sa part.

Professionnalisation du club

Haddad a racheté l’Usma en 2010 – un an avant l’instauration du professionnalisme en Algérie – dans l’intention de régner sur le football algérien d’abord, africain ensuite. Avec deux titres de champion (2014 et 2016), une Coupe d’Algérie (2013), deux Supercoupes (2013, 2016), une Coupe arabe des clubs champions (2013) et une finale de Coupe de la CAF (2015), l’armoire à trophées – vide depuis 2005, date du dernier sacre national – est désormais garnie.

La question que tout le monde se pose, c’est maintenant de savoir si l’USMA va réduire son train de vie

« Depuis 2010, il a professionnalisé le club dans ses structures et dans son fonctionnement. Grâce à ses moyens, il a pu acheter les meilleurs joueurs algériens, et faire venir des entraîneurs étrangers réputés (Hervé Renard, Rolland Courbis, Otto Pfister, Hubert Velud, Paul Put…) en leur proposant des salaires élevés, explique le Français Alain Michel, coach du Mouloudia Olympique Béjaïa (MOB), et actif depuis des années dans le championnat algérien. La question que tout le monde se pose, c’est maintenant de savoir si l’USMA va réduire son train de vie. Personnellement, je pense qu’il sera obligé de le faire. »

De nombreux partenariats et sponsors

Selon nos sources, l’Usma pouvait compter sur un budget annuel oscillant entre 7 et 9 millions d’euros. « Haddad est capable d’offrir des salaires importants aux joueurs [18 000 € par mois en moyenne, d’après nos informations] », abonde Yazid Ouahib, chef du service des sports au quotidien algérien El Watan, convaincu que le club va forcément pâtir financièrement des ennuis de l’oligarque.


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« Grâce à sa position de patron du Forum des chefs d’entreprise [FCE, le patronat algérien, dont il a démissionné de la présidence fin mars], Haddad pouvait capter de gros contrats de sponsoring », ajoute Ouahib. Parmi ceux-ci, la marque automobile sud-coréenne Kia, l’opérateur de téléphonie Djezzy, la Société nationale de l’électricité et du gaz (Sonelgaz), et bien sûr ETRHB, le groupe de bâtiment et travaux publics propriété de la famille Haddad. « Le foot algérien ne génère pas de revenus et ne capte pas de capitaux. Les dépenses de fonctionnement de l’Usma et des autres clubs ne sont pas indexés sur les ressources. En Algérie, le professionnalisme a un goût particulier », ironise Ouahib.

Plusieurs repreneurs potentiels

Avant même son arrestation, des rumeurs persistantes sur la volonté d’Ali Haddad de vendre le club avaient circulé. Ces dernières semaines, deux hypothèses ont été évoquées. La première suggère une entrée dans le capital du club, à hauteur de 49 %, de la compagnie aérienne Qatar Airways. « Je n’y crois pas vraiment, confie Adel Amrouche, un des anciens entraîneurs du club. J’ai l’impression que certains s’amusent à diffuser des rumeurs afin de calmer l’inquiétude des supporteurs, qui s’interrogent sur l’avenir financier de l’USMA. »

Une autre rumeur, beaucoup plus plausible, fait état d’une reprise des Rouge et Noir par la Sonalgaz, sponsor historique du club

L’autre, beaucoup plus plausible, fait état d’une reprise des Rouge et Noir par la Sonalgaz, sponsor historique du club. « Cela semble plus réaliste », note Yazid Ouahib. Détail savoureux : Ali Haddad comptait vendre ses parts (17 %) dans l’industrie pétrochimique Fertial au groupe Sonatrach (hydrocarbures), l’actionnaire majoritaire du Mouloudia club d’Alger (MCA), le grand rival de l’Usma…

Vers un retour de Saïd Allik à la présidence ?

Les poursuites judiciaires qui attendent le multi-millionnaire algérien, et par ricochet la holding familiale, ouvrent également la voie aux spéculations sur l’identité du futur président, dont la nomination dépendra de l’identité du futur propriétaire du club de la capitale.


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Selon nos informations, le nom de Saïd Allik (71 ans), président historique de l’USMA de 1994 à 2010 (onze trophées sous sa direction, dont quatre titres de champions), représente une hypothèse solide. L’ancien défenseur du club, aujourd’hui président du Chabab Riadhi de Belouizdad (CRB), un des trois grands clubs de la capitale, a conservé des parts chez les Rouge et Noir, où il est toujours président du club sportif amateur. « Il est encore très apprécié à l’Usma », glisse Alain Michel.

Le 3 avril dernier, lors du succès du CRB sur la pelouse de son rival, au stade Omar-Hamadi de Bologhine, Allik a été applaudi par les supporters usmistes. « Ils lui ont dit qu’il était chez lui », ajoute Yazid Ouahib. Depuis Bruxelles, où il s’est réinstallé depuis sa démission du MCA en février dernier, Adel Amrouche suit de près l’actualité de l’Usma. « C’est un club ancien, fondé en 1937, très populaire. Il aura peut-être un peu moins de moyens dans les prochains mois, mais il reste solide malgré tout. Il a des bonnes structures. Une écurie comme l’Usma intéressera toujours quelqu’un », conclut-il.