Société

RDC : comment Moïse Katumbi a fait du TP Mazembe un modèle financier

Malgré l’exil forcé de son président Moïse Katumbi, le TP Mazembe reste l’un des clubs africains de football dont l’assise financière est une des plus solides du continent. Budget, salaires des joueurs, avantages aux salariés… Enquête.

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Mis à jour le 12 novembre 2019 à 16:24

Les joueurs du TP Mazembe à Osaka, le 16 décembre 2015. © Eugene Hoshiko/AP/SIPA

Son palmarès sur la scène domestique parle de lui-même : seize titres de champion de RDC, cinq Coupes et trois Supercoupes de RDC, autant de trophées qui viennent compléter un bilan international impressionnant, fait de cinq Ligues des champions, deux Coupes de la confédération, une Coupe des coupes et trois Supercoupes. Sportivement, le TP Mazembe est presque ce qui se fait de mieux en Afrique. Sur le plan économique, le club congolais est viable, et pas seulement grâce au soutien de Moïse Katumbi, son président, contraint à l’exil à Bruxelles depuis mai 2016.

Un budget qui reste élevé

Avant de quitter la RDC, Moïse Katumbi pouvait monter un budget annuel d’environ 13,4 millions d’euros. Depuis, celui-ci est en baisse, mais il n’est jamais descendu en dessous de 8 millions d’euros. « Pour cette année, cela va dépendre en partie de notre parcours en Ligue des champions, car les primes de la CAF varient en fonction du parcours réalisé », explique Salomon Idi Kalonda Della, le directeur financier du club et bras droit de Katumbi.

Le budget 2019 pourrait passer à 10 millions d’euros ou 11 millions d’euros

Les Corbeaux toucheront au minimum 580 000 euros s’ils sont éliminés en quart de finale. Cela passera à 713 000 euros se leur aventure devait s’arrêter en demies. Perdre en finale rapporterait 1 million d’euros et le double en cas de victoire. « Le budget 2019 pourrait ainsi passer à 10 ou 11 millions d’euros. »

Moïse Katumbi, président du club de football TP Mazembe, encourage son équipe dans les vestiaires pendant la mi-temps, lors d'un match contre le club Lubumbashi Sport, au stade de Kamalondo, le 4 mars 2015. © Gwenn Dubourthoumieu/JA

Moïse Katumbi, président du club de football TP Mazembe, encourage son équipe dans les vestiaires pendant la mi-temps, lors d'un match contre le club Lubumbashi Sport, au stade de Kamalondo, le 4 mars 2015. © Gwenn Dubourthoumieu/JA

Mais la principale source de revenus provient de Moïse Katumbi, via sa société Mining Company Katanga (MCK). « Cela représente entre 50 et 70 % du budget annuel », poursuit Salomon Idi Kalonda Della.

En Afrique subsaharienne, le sponsoring reste marginal. Le TP Mazembe peut cependant compter sur une demi-douzaine d’annonceurs restés fidèles, dont le brasseur Brasimba, malgré les pressions exercées par l’ancien régime, qui ont contraint certaines sociétés à ne plus sponsoriser le club.


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« On espère qu’avec le nouveau pouvoir [Félix Tshisekedi], les choses rentreront dans l’ordre, car avant nous pouvions compter sur au moins dix partenaires fidèles », explique le dirigeant.

Billets, transferts et achats de joueurs

La vente de billets au stade de Kamalondo – dont le TP Mazembe est propriétaire – permet au club de Lubumbashi de générer quelques recettes. Les principales affiches, en championnat comme en coupes d’Afrique, peuvent rapporter entre 45 000 et 70 000 euros. Les loges, qui se négociaient auparavant à 4 500 euros pour dix personnes, se vendent aujourd’hui cinq fois moins cher, en raison du difficile contexte économique congolais.

Roger Assale (à d.) avec le TP Mazembe, en 2015. © Eugene Hoshiko/AP/SIPA

Roger Assale (à d.) avec le TP Mazembe, en 2015. © Eugene Hoshiko/AP/SIPA

Moïse Katumbi touche le montant du transfert, puis un pourcentage à la revente

Les transferts permettent également aux Corbeaux de gagner de l’argent. Plusieurs joueurs ont été transférés ces dernières années : le Tanzanien Mbwana Samatta, du KRC Genk), l’Ivoirien Roger Assalé (Berner Sport Club Young Boys, en Suisse), le Malien Salif Coulibaly (Al-Ahly, Le Caire), les Congolais Jonathan Bolingi, Merveille Bope et Christian Luyindama (Standard de Liège), ce dernier pour 500 000 euros.

Mais Moïse Katumbi, qui a d’abord prêté la plupart de ses joueurs avec achat, mise sur un système financièrement intéressant. Il touche le montant du transfert, puis un pourcentage à la revente. « Il faut savoir que, souvent, les clubs européens proposent des sommes dérisoires pour acheter des joueurs africains. Nous préférons nous orienter vers ce système », explique Salomon Idi Kalonda Della.

Le TP Mazembe perçoit également une aide de l’État pour tous ses déplacements à l’étranger pour les coupes d’Afrique (comme tous les clubs congolais dans ce cas).

Le bulletin de paie peut atteindre les 20 000 euros

Des salaires attractifs

Comme tous les clubs du monde ou presque, la masse salariale (joueurs, staff technique et médical, personnel administratif) est l’un des postes budgétaires les plus élevés. « Cela représente 40 à 50 % du budget », confirme le directeur financier. Moïse Katumbi a souhaité que ses joueurs bénéficient de salaires certes élevés pour le continent, mais avec un système de primes particulièrement avantageux et dans certains cas des avantages en nature (maison, voiture, etc.). Si les plus bas salaires – hors primes – se situent autour de 2 700 euros par mois, le bulletin de paie peut atteindre les 20 000 euros.

Des revenus largement améliorés par les généreuses primes accordées par Moïse Katumbi qui peuvent, en fonction des résultats et des titres gagnés, représenter l’équivalent d’un mois de salaire, et même plus. Le staff technique est également bien traité. L’entraîneur Pamphile Mihayo gagne – hors primes – plus de 10 000 euros par mois.

Les frais de fonctionnement du centre de formation (la Katumbi Football Academy), fondé en 2009, sont intégrés au budget du club. Soixante jeunes joueurs y sont logés et nourris, et touchent chaque mois entre 90 et 270 euros. Il faut ajouter à cela les salaires des quatre entraîneurs. « Cela coûte de l’argent, comme tous les centres de formation, mais c’est un investissement. Le but est de former nos joueurs, afin qu’ils intègrent l’effectif professionnel », argument Salomon Idi Kalonda Della. Avec l’hypothèse de vendre les meilleurs à l’étranger…