
Le président du Conseil de la nation, la deuxième chambre du Parlement algérien, Abdelkader Bensalah. © DR
Le Parlement algérien a officiellement confié mardi la présidence de la République au président du Conseil de la nation, Abdelkader Bensalah, pour un intérim de quatre-vingt-dix jours maximum. Portrait d’un fidèle de l’ex-président Bouteflika, pur produit du « système » dénoncé par la rue, à la tête du sénat depuis près de dix-sept ans.
À quelques jours de ses 77 ans, Abdelkader Bensalah accède à la magistrature suprême, en vertu de l’article 102 de la Constitution actionné par le Conseil constitutionnel puis le Parlement réuni mardi 9 avril en ses deux chambres. Après la démission d’Abdelaziz Bouteflika, ladite disposition de la loi fondamentale préconise en effet le remplacement du chef de l’État par le président du Conseil de la nation, la deuxième chambre du Parlement algérien.
Pendant cette période, le chef de l’État dispose de prérogatives très réduites par rapport à un président élu. Il ne peut appliquer les dispositions prévues aux alinéas 7 et 8 de l’article 91, ni les articles 93, 142, 147, 154, 155, 208, 210 et 211 de la Constitution. Ainsi, ses prérogatives en matière de nomination de ministres, de droit de grâce, de remise ou de commutation de peine, et de convocation de référendum, sont réduites. Il ne peut également dissoudre l’Assemblée populaire nationale, organiser des élections législatives anticipées ou réviser la loi fondamentale.
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Le statut de deuxième personnage de l’État est conféré à Abdelkader Bensalah depuis juin 2002. Dans les milieux partisans, comme au sénat, il est perçu comme un homme à la personnalité obscure. « C’est une force tranquille au service du pouvoir. On ne lui connaît aucune déviation de sa ligne de conduite. C’est la parfaite incarnation de la langue de bois », décrit un sénateur.
Soutien au cinquième mandat
Abdelkader Bensalah ne parle presque jamais à la presse. Ses interventions publiques se limitent à ses discours aux ouvertures et clôtures des sessions parlementaires. À chaque fois, il fait l’apologie du système, et du président Bouteflika particulièrement. En janvier dernier, au moment de son énième réélection à la tête du Sénat, il a franchement exprimé le soutien de l’institution à la candidature du président à un cinquième mandat. Depuis cette date, il s’enferme dans un retrait strict de la scène publique en ébullition.
Il se préserve pour le moment où il sera appelé à assurer l’intérim à la présidence de la République, affirme un sénateur
« Il se préserve pour le moment où il sera appelé à assurer l’intérim à la présidence de la République », affirmait fin mars notre interlocuteur. La moindre déclaration impromptue dans le contexte politique actuel serait fatale à Bensalah, qui traîne comme un boulet une suspicion sur ses origines marocaines. Lakhdar Benkhellaf, chef du groupe parlementaire d’El Adala (parti de la mouvance islamiste) ne cesse de le répéter : « Abdelkader Bensalah avait la nationalité marocaine jusqu’en 1964, ce qui pose problème. Je l’ai dit dès 2014, lorsque la maladie du président a été annoncée. » Le certificat de naissance circulant sur les réseaux sociaux et censé attester de la nationalité marocaine n’est cependant pas le sien, comme l’ont démontré nos confrères de TSA.
Cancer
Dès la diffusion le 26 mars du discours du chef d’état-major de l’armée, dans lequel le général Ahmed Gaïd Salah a requis l’application de l’article 102 de la Constitution, les Algériens ont relayé ce détail sur les réseaux sociaux. Par ailleurs, Bensalah se soigne, depuis des mois, d’un cancer. Un de ses proches au Rassemblement national démocratique (RND, parti de l’ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia) affirme que sa maladie ne réduit nullement ses capacités à accomplir convenablement ses fonctions constitutionnelles.
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« Il est en plein forme. Il voyage souvent dans le cadre de ses activités parlementaires et comme envoyé spécial du président », nous dit-il, confiant. Une image montrant le président du sénat assoupi lors d’une conférence internationale a récemment fait le buzz sur les réseaux sociaux, accompagnée d’un commentaire viral : « À quoi ça sert de remplacer un président âgé et malade par un président aussi âgé et malade ? »

Abdelkader Bensalah soupçonné de s'être endormi au sommet entre la Ligue arabe et l’Union européenne, auquel il assistait en tant que président du Conseil de la nation, en février 2019 au Caire. © YouTube/قناة مصر الأولى
Né le 17 mai 1942 à Felaoucene, une localité proche de la ville de Tlemcen, située environ 500 kilomètres à l’ouest d’Alger, Abdelkader Bensalah gravite dans les rouages des institutions de l’État depuis quarante ans. Élu député de sa circonscription natale de 1977 à 1989, il occupe les fonctions d’ambassadeur d’Algérie en Arabie saoudite de 1989 à 1993. Rentré au pays au plus fort de la décennie noire, il devient porte-parole de la Conférence nationale de dialogue initiée par le Haut comité de l’État (HCE).
Dans le sillage des recommandations de cette conférence, il assure de 1994 à 1997 la présidence du Conseil national de la transition (substitut à l’Assemblée populaire nationale dissoute). Il est conforté au perchoir de la première Assemblée nationale pluraliste à l’issue des élections législatives du 5 juin 1997.
Membre fondateur du RND
En juin 2002, alors sénateur désigné dans le quota des sièges réservés aux personnalités choisies par le président de la République, il est propulsé à la présidence du Conseil de la Nation en remplacement de Mohamed Cherif Messaadia, décédé. Depuis, à chaque renouvellement par moitié de la composante du sénat, tous les trois ans, il est reconduit par ses pairs à cette haute fonction.
Côté partisan, Abdelkader Bensalah est membre fondateur du RND, créée en février 1997 pour servir de relais au pouvoir, en alternative au FLN. Il dirige le parti pendant une année, jusqu’à l’arrivée d’Ahmed Ouyahia en septembre 1998. Il reprend provisoirement les rênes du Rassemblement de décembre 2013 à juin 2015, période de disgrâce du même Ouyahia, avant que celui-ci ne reprenne les commandes du mouvement.
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