« Ali est vivant, je l’ai vu de mes propres yeux ! », s’exclame Leslie, mère de famille d’une quarantaine d’année et membre du parti au pouvoir, le Parti démocratique Gabonais (PDG). Samedi, comme elle, des milliers de Gabonais ont joué aux Saint Thomas, pour assister au retour du président au Gabon, près de cinq mois après un AVC qu’il a soigné en Arabie Saoudite puis au Maroc.
Banderoles, t-shirts à l’effigie d’Ali Bongo Ondimba ou de partis au pouvoir, collations, transports : le protocole d’Etat, les partis politiques et les associations pro-pouvoir avaient mis les bouchées doubles pour mobiliser sympathisants et curieux, jusque dans les quartiers défavorisés.
Environ 30 000 personnes étaient prévues pour accueillir le chef de l’Etat entre l’aéroport et la ville voisine d’Akanda, avance une source proche de la présidence.
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Annoncé pour 14h, le président est finalement apparu à 17h au pavillon d’honneur de l’aéroport, accompagné de son épouse, Sylvia, et entouré de membres du gouvernement, dont le Premier ministre Julien Nkoghe Bekale, son directeur de cabinet Brice Laccruche Alihanga, ou encore son frère, chef des services spéciaux, Frédéric Bongo Ondimba.
« Je vous remercie de cet accueil, cet accueil me touche», a déclaré le président à la presse juste après avoir reçu les honneurs militaires.
C’est la première fois qu’Ali Bongo a été vu en public par un si grand nombre de personnes depuis la convalescence qu’il a suivie à l’étranger. Après avoir marché à l’aide d’une canne, il a pris place dans sa voiture, laissant la vitre ouverte pour saluer une foule hystérique qui l’attendait sur son trajet entre l’aéroport et sa résidence.
Ce retour devrait être définitif, dit-on de sources proches du Palais. Depuis le 24 octobre 2018, jour de son AVC, le chef de l’Etat convalescent était revenu deux fois à Libreville pour de courtes périodes.
« Le boss est dans la place »
Pour beaucoup de sympathisants, l’arrivée d’Ali Bongo Ondimba est avant tout un soulagement. « En tant qu’investisseur, son retour nous rassure », indique Ali Abbas, entrepreneur et vice-président de l’association de la communauté libanaise, venu accueillir le chef de l’Etat gabonais samedi.
Il y aura des purges au sein du parti pour ceux qui ont favorisé les tensions internes
« Le boss est dans la place, fin du game », lance le président de l’Union des jeunes du Parti démocratique Gabonais (UJPDG), Marius Assoumou, qui se réjouit du retour « triomphal du redoutable négociateur ».
Parmi les militants du pouvoir, on espère que la présence d’ABO pourra remettre de l’ordre dans les batailles au sommet. En l’absence du chef de l’Etat, des tensions se sont accrues dans les sphères du pouvoir, en particulier entre le directeur de cabinet Brice Laccruche et le frère du président Frédéric Bongo.
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De même, l’Association des jeunes émergents volontaires (AJEV) de Brice Laccruche inquiète une partie des « anciens » du PDG, d’autant plus depuis que le nouveau gouvernement, désigné en janvier, compte plusieurs membres de l’AJEV.
« C’est sûr, il y aura des purges au sein du parti pour ceux qui n’ont pas suivi la ligne directrice et ont favorisé les tensions internes », confie un membre du PDG.
Doutes persistants
Le flou entretenu autour de l’état de santé du président gabonais a laissé cours à plusieurs rumeurs, comme la mort de ce dernier, ou l’arrivée d’un sosie. Samedi, à l’aéroport, beaucoup se demandaient pourquoi ils n’avaient pas vu d’avion atterrir avant la sortie du président, et si Ali Bongo Ondimba n’était pas déjà arrivé avant samedi 17h.
Alors que les spéculations sur sa mort sont en baisse dans l’opinion, le débat sur la capacité du président à gouverner est toujours dans les têtes. La présidence ne cesse pourtant de répéter que le chef de l’Etat est en pleine possession de ses capacités pour diriger.
Le programme détaillé d’Ali Bongo Ondimba dans les prochains jours reste inconnu du grand public, mais un Conseil des ministres ou encore la rentrée de la Cour constitutionnelle sont prévus.
Une partie de l’opposition maintient que la Cour constitutionnelle devrait déclarer la vacance du pouvoir. Un panel de dix personnalités politiques dont l’ex-porte-parole de l’opposant Jean Ping, Jean-Gaspard Ntoutoume Ayi, a même fixé un « ultimatum » au 31 mars pour que la vacance soit déclarée.
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« Ali Bongo n’est plus en capacité d’assumer les charges inhérentes aux fonctions de président de la République. Les images de son arrivée renforcent notre conviction », estime le dernier communiqué de ce panel.
Le groupe de dix prévoit de « déposer dès lundi une demande en référé devant le président du tribunal » pour exiger une « expertise médicale » du chef de l’Etat.
Les autres partis de l’opposition, comme l’Union nationale ou encore Rassemblement Héritage et Modernité, contactés par Jeune Afrique, n’ont pas encore souhaité réagir à l’arrivée en public du président Bongo.
Depuis le début de l’année, l’opposition se fait moins virulente sur la situation du chef de l’Etat, préférant rester dans l’expectative.