Économie

Guinée – Boubacar Barry : « Nous essayons tous les mécanismes de lutte contre la corruption »

Nouvelles cartes de commerçants, guerre de leadership à la Chambre de commerce, contrôle de la qualité des marchandises proposées aux consommateurs… Nommé ministre du Commerce à la faveur de l’arrivée en mai 2018 de Kassory Fofana à la Primature, Boubacar Barry annonce des réformes dans son secteur.

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Par - à Conakry
Mis à jour le 25 mars 2019 à 14:49

Boubacar Barry, ministre guinéen du Commerce © Diawo Barry

À 55 ans, Boubacar Barry a été successivement ministre d’État chargé de la Construction, de l’Aménagement du territoire et du patrimoine bâti de la Guinée sous la junte militaire de Moussa Dadis Camara (2008-2010) et ministre de l’Industrie, des petites et moyennes entreprises dans le gouvernement de Mamady Youla (2016-2018), avant d’être nommé ministre du Commerce dans celui de Kassory Fofana.

Architecte de formation, il s’était présenté à la présidentielle de 2010 sous la bannière du Parti national du renouveau (PNR). Suite à des problèmes internes, il a ensuite abandonné cette formation politique et créé l’Union nationale pour le renouveau qu’il fusionnera, à la veille de sa nomination comme ministre du Commerce, avec le parti au pouvoir le Rassemblement du peuple de Guinée (RPG arc-en-ciel). 

Jeune Afrique : pourquoi avez-vous suspendu la délivrance des cartes professionnelles de commerçants ?

Boubacar Barry : Le département a pris des mesures suspensives, afin de préparer la mise sur le marché de cartes à puces sécurisées, qui seront disponibles à partir du 1er avril prochain. Elles nous permettront d’avoir une base de données fiables, par secteur d’activités et par localité, et alimenter un centre de documentation commerciale qu’on est en train de mettre en place avec le Centre de commerce international.

Quels étaient les problèmes des anciennes cartes ?

C’était avant tout une question de traçabilité et de sécurisation, parce que n’importe qui pouvait les fabriquer et beaucoup de fausses cartes circulent. Les ambassades, qui exigent des opérateurs économiques la présentation de leurs cartes professionnelles pour délivrer des visas d’affaires, se plaignaient de trafic. Il était donc important de protéger la profession avec des cartes biométriques à puces, infalsifiables. Nous sommes en train de finaliser une convention de partenariat public-privé avec la société singapourienne Singapore Quality Control International, qui a ouvert une filiale en Guinée, pour leur édition. Nous passons aussi une banque privée, Afriland First Bank, auprès de qui seront versées les redevances à l’obtention des cartes.

Quels sont vos principaux autres chantiers ? 

Il y a le renforcement des capacités opérationnelles et le développement des activités de l’Office national de contrôle de qualité, l’organisme chargé de s’assurer du respect des normes de qualité des produits locaux et importés. Cela passera par le rajeunissement de son personnel [75 % de ses 800 employés doit partir à la retraite dans les deux prochaines années], l’acquisition de matériel de dernière génération, sur financement de l’Union européenne, et la création de petits offices dans les régions administratives.

Nous n’avons qu’un seul laboratoire à Conakry, alors que les activités commerciales sont importantes. L’État a pour mission de veiller à ce que la sécurité sanitaire soit étendue à tous. Il faudrait que nous soyons partout où il y a de la production, des activités commerciales, des entrées ou des sorties de produits.

Le 19 février dernier, un scandale a éclaté après la saisie d’un conteneur de viande avariée dans un restaurant du cœur de Kaloum, le quartier administratif et des affaires de Conakry. Comment réagissez-vous à cette affaire ?

Nous avons beaucoup de failles dans le respect de la réglementation. Cela me paraît ahurissant qu’un conteneur de viande qui doit rester dans des conditions de conservation classiques et réglementées puisse rester exposé aux intempéries trois à quatre mois au point d’être saisi et que ce produit soit vendu ! Cette viande devait être directement détruite. Elle ne devait pas se retrouver sur le marché.

Qui n’a pas fait son travail ?

Ça, c’est un autre débat. Le plus important, c’est de veiller au respect de la réglementation pour qu’on s’assure en amont que tous les produits qui arrivent répondent à un certain nombre de critères de qualité. La loi est claire : on ne peut pas importer un produit en République de Guinée sans une demande précise, qui englobe ses caractéristiques techniques. On ne peut pas dédouaner un produit si nous n’avons pas le certificat de sa provenance et celui de son contrôle de qualité. C’est un premier filtre, qui doit s’appliquer aussi aux produits manufacturés locaux.

Les textes de lois sont clairs, c’est généralement un problème d’hommes… Et donc de corruption ?

Bien entendu, la corruption est un facteur que nous connaissons et dénonçons tous. Nous essayons par tous les mécanismes de la combattre. Mais, comme le cancer, elle demande une chimiothérapie extrêmement puissante. Mais il faut aussi encourager ceux qui font du bon travail.

Et sanctionner ceux qui ne le font pas bien ?

Bien sûr ! C’est la raison d’être de la réglementation. Il faut qu’on sorte du laxisme.

Qu’est-ce qui retarde la mise en place de la Chambre nationale de commerce ? 

Le processus est en cours. À ma prise de fonctions, la mise en place des chambres régionales et préfectorales de commerce était déjà en cours, il restait le niveau national. Mais nous sommes dans une situation de blocage. L’architecture organisationnelle est faite de telle manière que la tête de la Chambre de commerce est prépondérante sur tout. Il y a des intérêts extrêmement importants qui naissent liés à la gestion financière. Tout le monde convoite donc le poste de président.

On a donc travaillé sur une nouvelle approche qui prévoit que la Chambre ait non seulement un président, mais aussi des vice-présidents spécifiques à chaque secteur d’activité. Je pense que cela pourra décanter la situation pour qu’enfin on ait une chambre représentative. L’État ne doit être qu’un facilitateur.