Algérie : malgré le renoncement de Bouteflika à un cinquième mandat, la mobilisation ne faiblit pas

Une foule impressionnante a manifesté dans le centre d’Alger et dans plusieurs villes du pays vendredi 15 mars, contre la prolongation au-delà du terme prévu du mandat du président Abdelaziz Bouteflika.

Un manifestant au-dessus du rassemblement dans le centre d’Alger, vendredi 15 mars 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Un manifestant au-dessus du rassemblement dans le centre d’Alger, vendredi 15 mars 2019. © Toufik Doudou/AP/SIPA

Publié le 15 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Des manifestants contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, vendredi 1er mars à Alger. © Anis Belghoul/AP/SIPA
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Démission de Bouteflika : les six semaines qui ont ébranlé l’Algérie

Confronté à une mobilisation populaire d’une ampleur sans précédent, Abdelaziz Bouteflika a annoncé mardi 2 avril sa démission de la présidence de la République. Retour sur ces six semaines qui ont ébranlé l’Algérie et mis un terme à un régime en place depuis vingt ans.

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Il s’agit du quatrième vendredi consécutif de contestation massive contre le chef de l’État algérien, qui a annoncé lundi le report de l’élection présidentielle prévue le 18 avril. Le nombre exact de manifestants est difficile à établir, ni les autorités ni les protestataires ne communiquant de chiffres. La mobilisation semble similaire à celle du vendredi précédent, jugée exceptionnelle par les médias et analystes algériens.

Comme à Alger, une très forte mobilisation a été constatée à Oran et Constantine, 2e et 3e villes du pays, selon des journalistes de médias algériens sur place, qui l’estiment semblable à celle du vendredi précédent.

On voulait des élections sans Boutef, on se retrouve avec Bouteflika sans élections

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À Alger, où régnait une ambiance festive, hommes, femmes et enfants ont marché en début d’après-midi dans les avenues, rues et ruelles sinueuses et parfois escarpées, autour du carrefour de la Grande-Poste, bâtiment emblématique du cœur de la capitale.

Âgé de 82 ans, affaibli par les séquelles d’un AVC qui l’empêche de s’adresser aux Algériens depuis 2013 et rendent ses apparitions publiques rares, Abdelaziz Bouteflika est la cible d’une contestation massive, jamais vue depuis son élection à la tête de l’État il y a 20 ans.

Face aux manifestations réclamant depuis le 22 février qu’il renonce à sa candidature à un cinquième mandat, le président Bouteflika a repoussé la présidentielle prévue le 18 avril, jusqu’à l’issue d’une prochaine conférence nationale devant réformer le pays et élaborer une nouvelle Constitution.

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Cette annonce prolonge de facto son mandat, au-delà de son expiration le 28 avril. « On voulait des élections sans Boutef, on se retrouve avec Bouteflika sans élections », peut-on lire sur une pancarte à Alger, résumant le sentiment des contestataires depuis l’annonce du chef de l’État. « Quand on dit non au 5e mandat, il (Bouteflika) nous dit on garde le 4e, alors », indique une autre. Comme les semaines précédentes, le drapeau national – vert et blanc, frappé du croissant et de l’étoile rouges – est brandi par les manifestants et déployé aux balcons des immeubles.

Une population toujours mobilisée

De nombreux manifestants ont expliqué être venus dès la veille à Alger, où ils ont passé la nuit chez des parents ou amis, craignant de ne pouvoir rejoindre la capitale en raison de barrages ou en l’absence de bus. Naïma, 45 ans, a fait jeudi 350 km de route pour protester contre le « 4e mandat prolongé ». Lamia, enseignante de 30 ans, est venue de Bouira (80 km au sud-est d’Alger) pour manifester dans la capitale contre cette « mascarade anticonstitutionnelle ».

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« Vous faites semblant de nous comprendre, on fait semblant de vous écouter », indiquent des pancartes de manifestants devant la Grande-Poste, en réponse aux efforts déployés toute la semaine par le pouvoir pour tenter de convaincre que le chef de l’État avait répondu à la colère des Algériens. En manifestant en nombre mardi et mercredi, les étudiants, enseignants et lycéens ont déjà fait savoir clairement qu’ils estimaient que le message de la rue n’était pas passé.

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Toute la semaine, les appels à manifester massivement pour un quatrième vendredi consécutif ont été relayés par les réseaux sociaux, avec des mots-dièses explicites: « #Ils_partiront_tous », « #Partez! ». Avec souvent une touche d’humour : une image conjugue le mois de mars sur le modèle du verbe « marcher »: « je marche, tu marches (…) ils partent ».

La conférence de presse conjointe jeudi du nouveau Premier ministre Noureddine Bedoui, qui a remplacé lundi le très impopulaire Ahmed Ouyahia, et du vice-Premier ministre Ramtane Lamamra, diplomate chevronné, a peiné à convaincre. Au lieu d’apaiser la colère, vive mais toujours pacifique, elle a semblé au contraire la renforcer.

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