Madagascar : le gouvernement se branche sur le chantier de l’électricité

Le ministère malgache de l’Énergie a entamé fin février des négociations avec la compagnie nationale d’eau et d’électricité, la Jirama, et ses principaux fournisseurs d’énergie. Objectif : revoir les contrats d’achat d’électricité et limiter les pertes.

Dans les rues de la capitale malgache, Antananarivo, le 12 février 2015 (photo d’illustration). © Martin Vogl/AP/SIPA

Dans les rues de la capitale malgache, Antananarivo, le 12 février 2015 (photo d’illustration). © Martin Vogl/AP/SIPA

Publié le 11 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

La compagnie nationale d’eau et d’électricité de Madagascar, la Jirama, et le gouvernement veulent limiter les pertes financières colossales de l’entreprise publique : 88 millions d’euros par an pour un chiffre d’affaires de 176 millions d’euros (en moyenne depuis 2013).

Pour cela, les autorités entendent faire baisser la facture de la Jirama envers ses principaux fournisseurs d’électricité (les IPP, Independent Power Provider). Ce sont eux qui exploitent les centrales thermiques et vendent ensuite les kilowattheures à la Jirama, laquelle achemine l’énergie vers les usagers.

la suite après cette publicité

La compagnie nationale, le ministère de l’Énergie et les IPP ont donc engagé des discussions depuis fin février. Les parties devraient signer des protocoles d’accord cette semaine, avant de revoir en détails les contrats lors de négociations ultérieures. 

Vente à perte

La filiale du groupe Axian Jovena (76 MW), Enelec – propriété du groupe diversifié Filatex – (76MW), Aksaf Power (60 MW) et l’américain Symbion (40 MW) sont les principaux IPP à la table des négociations. Ils représentent 70 % de la puissance thermique du pays et la moitié de la puissance totale (le reste étant de l’hydro-électricité).

>>À LIRE. Madagascar : la Jirama, le fardeau des finances publiques ?

« Des protocoles signifieraient qu’on s’entend sur une base commune pour les futurs contrats », expose Andry Ramaroson, expert en énergie qui participe aux négociations pour le compte du ministère de l’Énergie. « Nous disons aujourd’hui aux IPP : “Nous ne pouvons plus tenir les contrats actuels. Corrigeons-les et nous vous payerons correctement”. C’est un problème commercial et non pas juridique », poursuit-il.

la suite après cette publicité

Car l’entreprise facture en moyenne 14 cts d’euros le kilowattheure aux usagers, quand elle l’achète 26 cts aux IPP, d’où son résultat net très négatif. Une situation qui empire : ces derniers temps, les pertes s’élèvent à 12,3 millions d’euros par mois.

Résultat : la Jirama cumule 264 millions d’euros de dettes dont les deux tiers envers les IPP. Un gouffre que l’État comble en partie, à hauteur de 94, 75 et 56 millions de dollars respectivement pour 2017, 2018 et 2019, selon la Jirama. « Si c’était une entreprise privée, on l’aurait déjà mise en faillite et les fournisseurs auraient perdu leur argent », remarque un expert en énergie.

la suite après cette publicité

Une facture plombée par les coûts fixes

Alors quelle serait, concrètement, la mécanique du changement ? Actuellement, le prix d’achat du kilowattheure est la somme de trois coûts : un fixe censé amortir les dépenses d’investissement des IPP, un variable couvrant les dépenses de fonctionnement et le prix du carburant que la Jirama achète elle-même. Ces coûts avaient été négociés sur la base d’un volume de production optimal, à près de 80 % du potentiel des centrales. Ce qui n’est jamais le cas en réalité. La Jirama manque de moyens financiers pour acheter suffisamment de carburant. D’où, notamment, les coupures et les délestages qui empoisonnent la vie des Malgaches.

Dans le futur, selon la volonté des autorités, la Jirama payerait ses kilowattheure en fonction d’un seul coût « complet », qui inclurait les trois anciennes composantes. De cette manière, les parties prenantes partageraient mieux le risque sur l’achat du carburant à travers des formules d’ajustement selon le cours de l’ariary et du pétrole.

Mais surtout, la facture refléterait uniquement la production effective et la Jirama ne subirait plus l’exorbitante partie fixe. La compagnie nationale paye en effet 116 millions d’euros par an de coûts fixes, que les centrales tournent… ou pas. Soit plus d’un tiers de la dette totale de la Jirama. « C’est insensé », lâche une source proche des négociations.

Des amélioration techniques pour baisser les coûts

Pour déterminer en détail le prix au kilowattheure, les discussions portent sur les volumes. Pour Benjamin Memmi, directeur général de Jovena, « il est aussi nécessaire de donner de la visibilité sur le règlement des arriérés de la Jirama, ainsi que des garanties sur le règlement du futur contrat afin d’éviter que les investisseurs se retrouvent à nouveau dans une situation financière précaire ». Il précise que le passif de la Jirama envers Jovena se monte à un an d’arriérés – sans en préciser le montant.

Le changement viendra de la réalisation du large plan de redressement de la Jirama, tant au niveau managérial que technique. « Nous souhaitons généraliser les centrales hybrides, thermiques et solaires, avance Aimé Olivier Jaomiary, directeur général de la Jirama. De plus, si on arrive à suppléer les centrales thermiques de Tana avec des barrages hydro-électriques, avec un coût au kilowattheure sous les 8 cts d’euros, cela signera la fin des problèmes de la Jirama ».

À plus court terme, un appel d’offres international est en cours pour revoir l’achat de carburant. Dernière solution : le gisement d’huile lourde de Tsimiroro. Il pourrait, selon son exploitant, Madagascar Oil, couvrir les besoins en carburant de la Jirama à un prix compétitif, s’il fonctionnait à plein régime.

L'eco du jour.

Chaque semaine, recevez le meilleur de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Contenus partenaires