Précampagne en Mauritanie : Ghazouani séduit, l’opposition divisée

Alors qu’en prononçant un premier discours très consensuel, Mohamed Ould Ghazouani, le dauphin du président Aziz pour l’élection du 23 juin, semble avoir séduit certains membres de l’opposition, cette dernière peine à s’entendre sur les noms de ses candidats.

Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani. © AMI

Le président mauritanien Mohamed Ould Ghazouani. © AMI

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Publié le 6 mars 2019 Lecture : 3 minutes.

Dans un bureau de vote de Nouakchott, en Mauritanie, en 2014 (photo d’illustration). © Ahmed Mohamed/AP/SIPA
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Présidentielle en Mauritanie : Ghazouani proclamé vainqueur, l’opposition conteste

Mohamed Ould Ghazouani, dauphin désigné du président sortant, Mohamed Ould Abdelaziz, a été donné vainqueur du scrutin présidentiel du 22 juin par la commission électorale. Un résultat contesté par plusieurs candidats de l’opposition. Retrouvez tous nos articles sur la campagne électorale et les enjeux de cette présidentielle.

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En annonçant sa candidature devant plusieurs milliers de personnes, le 1er mars au stade Cheikha Ould Boïdya de Nouakchott, sans faire une seule allusion au parti majoritaire de l’Union pour la République (UPR), le général Ghazouani, ministre de la Défense, a donné une tournure inédite à son début de campagne en se présentant au-dessus des partis, des tribus, des castes et des clans qui composent la Mauritanie.

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Il l’a confirmé dans son discours, en déclarant que les présidents mauritaniens successifs n’avaient ni vraiment raté ni complètement réussi leur mandat, mais qu’ils avaient tous apporté leur pierre à la construction d’un État fort, car « animés de bonne foi et d’esprit patriotique ». Il n’a pas manqué de rendre un hommage appuyé aux « grandes réalisations » du président sortant, Mohamed Ould Abdelaziz, son frère d’armes qui l’a persuadé de se présenter.

Des chances pour « toutes les composantes »

Affirmant qu’il n’est « pas le meilleur » pour cela, il s’est engagé à « traiter les dysfonctionnements » et à « combler les insuffisances quelles qu’elles soient ». Parmi la liste de ses priorités, on remarquera « la multiplication des chances pour toutes les composantes de notre cher peuple », et l’allusion à une discrimination positive à mettre en place en faveur des Haratines – Maures noirs – et des Négro-Mauritaniens, qui s’estiment marginalisés par les Beidanes – Maures blancs.

La réforme de l’Éducation nationale et la promotion de la femme promises rappellent les mesures prises par Ghazouani pour l’armée

L’essor économique « dans le respect des équilibres macro-économiques » renforcera « davantage la transition vers une économie productive » capable de créer des emplois, a affirmé Ghazouani. L’attention portée, dans son programme, à la réforme de l’Éducation nationale et à la promotion de la femme, rappellent par ailleurs la création par l’ancien chef d’état-major d’écoles militaires d’excellence pour former les futurs officiers, et son souhait que les femmes prennent une plus grande place dans l’armée.

L’homme de « la transition vers l’alternance » ?

Les mots, le ton et l’argumentaire diffèrent de ceux du président Aziz, au point que certains commentateurs y ont vu le germe d’une brouille entre les deux hommes. D’autres estiment que, par tempérament, le général « ratisse » spontanément plus large que le président. « Il nous a tendu la main ; il est moins agressif. Il a marginalisé le parti majoritaire, constate un membre important de l’opposition. J’entends plusieurs de mes amis se demander s’il n’est pas l’homme capable de réussir, sans fragiliser nos institutions, une transition vers l’alternance que nous souhaitons. »

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La « transhumance » politique en faveur du général semble avoir commencé. Le Rassemblement pour la démocratie et l’unité (RDU) hostile au président Aziz le soutient. Moctar Ould Mohamed Moussa, un cadre du parti islamiste Tawassoul, et Mohamed Mahmoud Ould Weddady, vice-président du Rassemblement des forces démocratiques (RFD), ont démissionné pour appuyer la candidature Ghazouani.

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Deux camps dans l’opposition radicale, Biram décidé

L’opposition dite radicale, elle, peine à trouver un candidat commun. Deux positions s’y affrontent. Celle qui, avec Tawassoul, souhaite choisir le candidat parmi des personnalités indépendantes. De ce côté, c’est le nom de Sidi Mohamed Ould Boubacar, un ancien Premier ministre du temps du président Taya, qui arrive en tête. L’autre camp veut que le candidat de l’opposition soit issu d’un des partis qui composent l’Alliance électorale des partis d’opposition. Là, c’est le nom de Mohamed Ould Maouloud, président de l’Union des forces de progrès (UFP), qui émerge.

Tandis que quatre partis discutent d’une candidature de Samba Thiam (FPC), un seul ne tergiverse pas : Biram Dah Abeid

Tandis que quatre partis (MR, AJD/MR, PLEJ et FPC) discutent d’une candidature de Samba Thiam (FPC), un seul ne tergiverse pas : Biram Dah Abeid, le patron de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA). Depuis des mois, il a annoncé sa candidature pour combattre l’esclavage qu’il estime toujours vivace dans son pays, pour défendre la communauté des Haratines et pour chasser la majorité au pouvoir, selon lui « prédatrice ». Il a réagi à l’annonce de la candidature Ghazouani avec sa pugnacité habituelle : « Voter pour Ghazouani, c’est faire table rase des crimes économiques, crimes d’esclavage et crimes contre l’humanité. C’est voter pour dix années supplémentaires d’une gouvernance de Mohamed Ould Abdelaziz et sa haine viscérale contre ses opposants », a-t-il déclaré.

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