Politique

Côte d’Ivoire : des groupes parlementaires menacent de boycotter l’élection du successeur de Guillaume Soro

Réunis le 5 mars pour préparer l’élection du successeur de Guillaume Soro à la tête de l’Assemblée nationale, des députés pro-RHDP et pro-Soro en désaccord sur le mode de scrutin à adopter le 7 mars ont provoqué un début de conflit au Parlement. Les groupes parlementaires Rassemblement, Vox Populi et PDCI-RDA ont menacé le 6 mars de boycotter le scrutin.

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Par - à Abidjan
Mis à jour le 6 mars 2019 à 18:34

Guillaume Soro a démissionné de l’Assemblée nationale le 8 février 2019. © Issam Zejly/TRUTHBIRD MEDIAS pour JA

Face à une « modification unilatérale de dernière minute » des modalités du scrutin prévu le 7 mars pour élire le successeur de Guillaume Soro à la tête de l’Assemblée nationale, trois groupes parlementaires, qui entendent ainsi élever « une vive protestation », ont menacé de boycotter l’élection. Les trois signataires du communiqué publié le 6 mars – Célestine Trazere, présidente du groupe parlementaire le Rassemblement, Yasmina Ouegnin, vice-présidente du groupe Vox Populi et Maurice Kakou Guikahué, président du PDCI-RDA – entendent faire respecter les conditions de vote édictées le 26 février dernier, qui a déjà été au centre d’une rixe évitée de peu au Parlement ivoirien, le 5 mars.

Réunis pour préparer l’élection du nouveau président de l’Assemblée nationale – prévue le 7 mars – suite au départ de Guillaume Soro, des députés issus du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP), le parti unifié au pouvoir, et ceux du Rassemblement, le nouveau groupe parlementaire inspiré par Soro, ont haussé le ton.


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Le mode de scrutin visé

Au cœur de cette altercation, le mode de scrutin prévu pour le 7 mars. Mamadou Diawara, le président par intérim issu du RHDP, a proposé une révision du dispositif électoral, en introduisant le bulletin individuel et en supprimant l’isoloir. Ce qu’a fortement rejeté le camp de Guillaume Soro, emmené par Célestine Trazere, une transfuge du RHDP aujourd’hui alliée à l’ancien président de l’Assemblée nationale. Le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) a également émis des réserves fermes et protesté vigoureusement. Il se réunira le 6 mars dans la journée sur cette question.

« Célestine Trazere s’est plaint que le changement souhaité par le président du Parlement par intérim n’était pas anodin, a révélé à Jeune Afrique un député membre du bureau sous couvert d’anonymat. Elle le suspectait d’avoir pris des instructions auprès de l’exécutif, puisque les parlementaires issus du RHDP étaient en effet à la présidence le 4 mars autour du chef de l’État Alassane Ouattara. Tazere a dénoncé l’intrusion répétitif de l’exécutif dans les affaires du Parlement, et l’a également accusé d’avoir contraint Guillaume Soro à la démission », a-t-il souligné.


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Contactée par Jeune Afrique, Célestine Trazere a confirmé les faits. « J’ai protesté, a-t-elle expliqué. Le 26 février, lors d’une réunion du bureau du Parlement, le président par intérim nous avait proposé le mode de scrutin avec un bulletin unique et secret ; or à la réunion de mardi, il est revenu sur cette décision et a pris l’initiative d’instaurer le bulletin individuel ».

Réunion suspendue

Une réaction qui a soulevé la colère des députés du RHDP. À leur tête, Belmonde Myss Logboh Dogo a tenté de recadrer sa collègue, précisant que Guillaume Soro avait démissionné pour la paix, comme il l’avait expliqué. Selon plusieurs témoins, l’altercation physique entre les deux femmes a été évitée de justesse, grâce à l’intervention des huissiers, appelés en renfort par le président intérimaire.

« Nous étions en réunion pour statuer sur les candidatures et sur le mode de scrutin, quand notre collègue l’honorable Célestine Trazere a commencé à répéter que Soro avait démissionné sous contrainte. Elle a également attaqué l’exécutif, nous accusant d’avoir été « achetés », ce que nous n’avons pas accepté », a confié Belmonde Myss Logboh Dogo, joint au téléphone par Jeune Afrique.

L’opposition estime que toutes les élections en Côte d’Ivoire – y compris celle du président de la République – se font toujours par le biais d’un bulletin unique, et qu’il est normal, de ce fait, qu’il en soit de même à l’Assemblée nationale, même si à l’usage, ce n’était pas le cas auparavant. Un mode de scrutin qu’avait initialement choisi le président par intérim le 26 février, avec l’accord du bureau, avant de se rétracter le 5 mars. Pour le RHDP, le bulletin unique n’ayant jamais été utilisé lors d’une élection à l’Assemblée nationale, il n’y avait pas lieu de l’utiliser.

La réunion s’est achevée brusquement dans l’agitation, sans que les points conflictuels n’aient été tranchés. L’élection du président du Parlement est prévue le 7 mars et oppose notamment Amadou Soumahoro du RHDP, et Jérémie N’Gouan du PDCI d’Henri Konan Bédié, soutenu par Soro.