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Présidentielle au Nigeria : Buhari réélu, Abubakar rejette les résultats
La brillante réussite d’Atiku Abubakar, candidat à la présidentielle du 16 février prochain, dans le monde des affaires tranche avec ses déboires en politique. Après une vingtaine d’années dans les douanes nigérianes qu’il a marquées en tant que directeur général adjoint, il devient homme d’affaires et amasse une fortune colossale dans plusieurs secteurs : l’import-export, l’immobilier, le pétrole, l’agriculture et les télécoms.
Né le 25 novembre 1946 dans une famille très modeste, Atiku Abubakar est un multimillionnaire réputé pour sa flamboyance et son goût du luxe. Marié à quatre femmes, il est père de 20 enfants.
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Soupçons et déboires
Son image de richissime homme d’affaires est souvent altérée par des soupçons de corruption et de conflit d’intérêts. « Je mets au défi toute personne, à n’importe quel moment, d’apporter une quelconque preuve de corruption contre ma personne », a-t-il fermement soutenu lors de la campagne électorale.
L’homme n’a jamais été condamné par la justice même si, le 7 février 2007, l’agence gouvernementale de lutte contre la corruption (EFCC) le cite sur une liste de 135 hommes politiques jugés « inadaptés à tenir un mandat en raison de leur corruption ». De même en 2005, il est cité par un rapport du Sénat américain dans une affaire de corruption impliquant l’ancien membre du Congrès de Louisiane, William J. Jefferson. Bien que ce dernier ait été reconnu coupable, Atiku Abubakar, vice-président en exercice dans son pays (de 1999 à 2007 sous le président Olusegun Obasanjo), n’a jamais été inquiété.

Bain de foule pour le candidat Atiku Abubakar, le 14 février 2019. © Sunday Alamba/AP/SIPA
De précédents échecs
Le candidat à la présidentielle du 16 février prochain est arrivé en politique avec une forte ambition présidentielle dès 1993. Il essuie alors son premier revers en perdant les primaires du parti social démocratique. À l’époque, le pays avait du mal à s’affranchir de la dictature militaire et il devra attendre le retour à la démocratie en 1999 pour renouer avec ses ambitions politiques.
Pendant sa vice-présidence, aux côtés d’Obasanjo, il a activement participé au processus visant à gommer les traces des effets négatifs dus à des décennies de régimes militaires et d’installation des institutions démocratiques.
Son action à la tête du Conseil national pour la privatisation est notamment reconnue comme salutaire. Mais le duo présidentiel s’effrite à partir de 2006 face aux envies, chez son mentor, d’un troisième mandat, interdit par la Constitution nigériane. Il est destitué selon une procédure qui sera ensuite jugée illégale par la Cour suprême.
Durant toute la campagne, Atiku Abubakar a porté de vives critiques sur le bilan de l’actuel président, notamment en matière de sécurité, sur l’économie et la lutte contre la corruption
L’un des critiques de Buhari
Mis en minorité dans son parti, le Peoples Democratic Party (PDP), il s’associe à d’autres pour créer en 2007 le parti Action Congress of Nigeria (ACN) sous la bannière duquel il se présente à la présidentielle. Il est battu par le candidat de son ex-parti, Umaru Yar’Adua, et se classe troisième derrière Muhammadu Buhari qu’il affronte ce 16 février.
Or en 2015, il fut un soutien fort de ce dernier, une idylle qui a duré jusqu’en décembre 2017 où il claque la porte du parti de Buhari, l’APC, pour rejoindre son parti d’origine, le PDP, où il remporte haut les mains les primaires le 7 octobre 2018.
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Atiku Abubakar a, durant toute la campagne, porté de vives critiques sur le bilan de l’actuel président, notamment en matière de sécurité, sur l’économie et la lutte contre la corruption qu’il promet de consolider loin de la politique actuelle qu’il qualifie de « biaisée ». L’un des points forts de son programme est l’économie. Sur le thème de Get Nigeria Working Again, il annonce une lutte acharnée contre la pauvreté et le chômage, points faibles du régime de Buhari qui a essuyé la pire récession économique du pays depuis les années 1980.
Un jeune au service des jeunes ?
Lui à qui son père, musulman ultra-conservateur, avait refusé d’aller l’école, il promet de faire de l’éducation sa « priorité » et sa « passion ». Un clin d’œil à la jeunesse dont il s’est autoproclamé le défenseur attitré. Les réseaux sociaux et les nouvelles technologies sont au cœur de sa stratégie de campagne, illustrant son engagement à appâter les 18-35 ans qui font plus de la moitié des 84 millions d’électeurs appelés au scrutin du samedi prochain.

Un supporter d'Atiku Abubakar. © Sunday Alamba/AP/SIPA
Le choix de Peter Obi est perçu comme judicieux par bon nombre d’observateurs
Atiku Abubakar a également misé sur un homme plus jeune pour être son vice-président. Peter Obi, 57 ans, est un homme d’affaires et ancien gouverneur du Sud-Est (État d’Anambra) jusqu’en 2014. Le choix de Peter Obi est perçu par bon nombre d’observateurs comme judicieux. Les populations du sud-est du pays d’où il est originaire estiment qu’elles sont marginalisées et que toutes les tentatives de sécession dans cette région ont été étouffées violemment.
Son séjour à Anambra n’a cependant pas été sans difficultés : il a été mis en accusation, puis réintégré par un tribunal avant d’être réélu. À l’époque, Obi a imputé son renvoi aux législateurs qui s’opposaient à sa lutte contre la corruption endémique dans le pays.

Les affiches de la campagne du président nigérian Muhammadu Buhari, et d'Atiku Abubakar, dans une rue de Lagos, au Nigeria. © Sunday Alamba/AP/SIPA
Ce fervent chrétien catholique de l’ethnie igbo, au Sud, jouit d’une réputation de technocrate et d’homme capable de relever les défis du Nigeria en matière économique. Beaucoup perçoivent plusieurs de ses idées dans le Get Nigeria Working Again. De son côté, Muhammadu Buhari a choisi Yemi Osinbajo comme vice-président.
Les deux candidats à la présidentielle, Buhari et Abubakar, tous deux musulmans du Nord, ont manifestement choisi des vice-présidents de même étoffe : des techniciens jeunes et réputés, tous chrétiens du Sud, sans doute pour ménager les sensibilités dans un pays très religieux. Mais ces deux numéros 2 seront confrontés, à l’occasion de l’exercice du pouvoir d’État, à la santé fragile de leur mentor. Comme Buhari, Abubakar est également enclin à d’importants ennuis de santé. Souffrant du cœur et opéré en mars 2018, il porte un simulateur cardiaque et doit se rendre tous les trois en Inde pour voir son médecin.