
Un partisan de Buhari et Osinbajo, lors d'un meeting à Abuja, le 13 février 2019. © Ben Curtis / AP/SIPA
Le président Muhammadu Buhari et son vice-président, Yemi Osinbajo, candidats à leur propre succession, ont filé la parfaite entente au sommet de l’Etat nigérian. Issus de deux mondes différents, les deux hommes se complètent au point de jouer trop souvent au ping-pong avec le pouvoir présidentiel.
Ils ne proviennent pas du même Nigeria, culturellement divisé entre le nord et le sud. Muhammadu Buhari st un Fulani du nord, majoritairement musulman. Yemi Osinbajo, de l’ethnie yoruba, est un chrétien évangéliste du sud. Un duo qui respecte parfaitement la règle – non écrite – qui veut que le pouvoir alterne non seulement entre le nord et le sud, mais soit aussi exercé par deux personnalités issues de chacune de ces régions.
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Né le 8 mars 1957, Yemi Osinbajo est un juriste de renom, diplômé de la prestigieuse London School of Economics. Fort d’une longue carrière comme professeur de droit à l’université de Lagos, il fut également avocat en droit des affaires, ce qui lui vaut la réputation d’être un fin technicien.
Buhari, des coups d’État à l’onction démocratique

Muhammadu Buhari, en mai 2015. © Sunday Alamba/AP/SIPA
Un parcours loin de celui du président Buhari, militaire de formation et vieux routard de la politique nigériane. Osinbajo avait 9 ans quand, en 1966, Muhammadu Buhari participe au coup d’État initié par le lieutenant-colonel Murtala Muhammed qui renverse et assassine le Premier ministre du pays, Aguiyi Ironsi.
Après avoir assumé, dans les années 1970, de hautes fonctions sous le général Olusegun Obasanjo – Il a notamment été commissaire fédéral chargé du pétrole et des ressources naturelles et premier chairman de la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC), jusqu’en 1978 -, Muhammadu Buhari lors du coup d’État de 1983, par lequel il renverse le président Shehu Usman Aliyu Shagari, avant de prendre la tête du pays. Buhari dirigera le Nigeria d’une main de fer avant d’être renversé à son tour en 1985, par un autre général : Ibrahim Babangida.
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« C’est une période controversée de sa vie et les Nigérians retiennent de lui des idées contradictoires. Pour les uns, c’est un tyran et l’une des phrases de la contre-campagne de 2015 disait de lui “Tyran d’un jour, tyran pour toujours”. Les autres retiennent de lui sa lutte farouche contre la corruption à l’époque. C’est de là que vient sa réputation d’homme intègre voire sa popularité…», explique le politologue Olukoye Irikefe.
Le retour de l’ex-dictateur comme premier président du pays après le rétablissement de la démocratie en 1999 est emblématique du parcours de conversion qu’il a subi après son emprisonnement (1985-1988) et sa traversée du désert pendant les trois tentatives infructueuses pour retrouver le fauteuil présidentiel (2003, 2007 et 2011). Près de 50 ans d’engagement politique enfin couronné de succès, en 2015. Son vice-président ne totalisait alors qu’une dizaine d’années d’expérience politique…
Osinbajo, de l’ombre à la lumière

Yemi Osinbajo (2d en partant de la gauche), avec Uhuru Kenyatta, Alpha Conde, Akinwumi Adesina, Hailemariam Desalegn et Donald Trump, en mai 2017 en Italie. © Andrew Medichini/AP/SIPA
En 1999, Yemi Osinbajo devient ministre de la justice et procureur général de l’État de Lagos, poste qu’il quitte en 2007 pour retourner à l’université avant de renouer avec la politique en 2013, à l’occasion de la signature du manifeste du Congrès des progressistes (APC), Roadmap to a New Nigeria, le programme politique sur lequel Buhari et lui seront portés à la tête du pays deux ans plus tard.
Ces quatre dernières, Osinbajo (62 ans) a cessé de jouer les seconds rôles, à l’ombre du vieux général septuagénaire. En 2016 et 2017, il a assumé, sur une longue période, l’intérim de Buhari, empêtré dans des ennuis de santé et hospitalisé à plusieurs reprises à Londres.
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Sur environ 169 jours, l’ancien pasteur de l’Église chrétienne pentecôtiste des rachetés de Dieu, a laissé dans la mémoire de ses compatriotes une image d’homme intègre, compétent et efficace notamment sur les dossiers économiques et la gestion des relations avec les groupes rebelles de la secte Boko Haram et du Delta du Niger. Les deux hommes partagent la passion de la lutte contre la corruption
Posée et consensuelle, la deuxième personnalité du Nigeria contribue, par sa présence et sa technicité, à atténuer les critiques contre le président Buhari jugé austère, rigide et incapable d’incarner le changement. Osinbajo sera sans doute son joker dans les urnes mais aussi pour le second mandat qui s’annonce rude pour l’ancien général qui n’a pas fini avec ses problèmes de santé dont les Nigérians n’ont jamais rien su. Probablement, l’éternel numéro 2, rescapé en 2018 et en 2019 d’accident d’hélicoptère, est à la veille de passer définitivement de la pénombre à la lumière.
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