Politique

RDC : Kalev Mutond, le patron de l’ANR, conteste vouloir devenir gouverneur du Lualaba

Visé par des sanctions de l’Union européenne et des États-Unis, ce proche de Joseph Kabila est toujours en poste à la tête de l’Agence nationale de renseignement (ANR) dans l’attente de la nomination de son successeur. Il conteste avoir eu pour ambition de se porter candidat au poste de gouverneur de la province de Lualaba, très riche en cobalt.

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Par - à Kinshasa
Mis à jour le 13 février 2019 à 20:45

Kalev Mutond, ex-patron de l’Agence nationale de renseignements. © john bompengo

Tout le monde le voyait déjà gouverneur du Lualaba, la richissime province issue du redécoupage du Katanga, en 2015. Lui assure que c’est faux. Les rumeurs bruissaient pourtant depuis plusieurs semaines à Kinshasa, dans les cercles proches du pouvoir et les médias : Kalev Mutond, chef de la redoutable Agence nationale de renseignement (ANR), s’installerait bien dans le bureau qu’occupe Richard Muyej, nommé gouverneur du Lualaba en 2015 avant d’y être élu en 2016.

Kalev Mutond conteste vouloir être candidat

Mais le maître espion l’affirme à Jeune Afrique : il n’a jamais eu l’intention de prendre ses quartiers à Kolwezi, la capitale mondiale du cobalt. À l’en croire, il n’a ni sollicité une mise en disponibilité ni soumis un dossier à la Commission électorale nationale indépendante (Ceni) en vue de se porter candidat au poste de gouverneur de cette province stratégique. C’est en effet dans cette région qu’est extrait l’essentiel du cobalt congolais, dont la RDC est le premier producteur au monde (60% de l’offre mondiale).


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Je suis un fonctionnaire de l’État, je ne peux pas avoir une ambition politique

« Je n’ai jamais pensé à être candidat gouverneur, assure-t-il à Jeune Afrique. Je suis un fonctionnaire de l’État, je ne peux pas avoir une ambition politique, et encore moins briguer un mandat électoral. »

Pour être candidat, Kalev Mutond doit, au préalable se dégager des obligations inhérentes à son poste d’administrateur général de l’ANR, qui est le sien depuis 2011, et qu’il occupe toujours par intérim en attendant la nomination de son successeur.

Ce qui n’empêche pas que les spéculations entourant le devenir de cet homme de l’ombre du premier cercle de Joseph Kabila, qui figure parmi les proches de l’ancien président sous le coup de sanctions de l’Union européenne et des États-Unis, aillent bon train depuis l’investiture de Félix Tshisekedi. Kalev Mutond, affirme être prêt à assurer « dans l’élégance » la passation de pouvoir avec la personne qui sera désignée à la tête de l’ANR.

Sa candidature au poste de gouverneur du Lualaba, sous la bannière du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), a été l’un des scénarios les plus insistants. Mais le principal intéressé balaie ces spéculations d’un revers de main. « Ce sont des journaux légers qui écrivent cela », répond-t-il.

Le PPRD confirme sa position

Si, officiellement, Kalev Mutond n’est membre d’aucune formation politique, certains lui prêtent  un rôle de pionnier dans la création du PPRD, le parti de Joseph Kabila. Mais du côté du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie, les cadres confirment la position du chef de l’ANR.

Le 18 janvier, le bureau politique du PPRD, qui détient la majorité parlementaire dans la province du Lualaba, a décidé d’investir le tandem sortant – Richard Muyej et Fifi Masuka – en vue de l’élection de gouverneur et de vice-gouverneur.


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Chargé par les instances dirigeantes du parti de recenser les ambitions de ses troupes, Lucain Kasongo, secrétaire permanent adjoint du PPRD, assure n’avoir pas même évoqué le nom de Kalev Mutond.

« Je ne le connais pas en tant que membre du PPRD. Et il ne s’est pas présenté », affirme ce professeur d’université,  ajoutant par ailleurs que la formation de l’ex-président n’avait aucune intention de déboulonner Richard Muyej, « qui a fait preuve de compétence ».  « Le parti se doit de choisir des candidats qui vont lui faire gagner les élections, et non les perdre », lâche même Kasongo.

Sous sanctions internationales

Accusé d’avoir été à l’œuvre dans les épisodes de répression brutale des années Kabila par les activistes des droits humains –  Paul Nsapu, président de la Ligue des électeurs en RDC et secrétaire général adjoint de la FIDH, l’accusait, juste avant le scrutin présidentiel, de diriger une « véritable police politique à la solde du régime de Kabila » -, le patron de l’ANR est aussi dans le viseur d’une partie de la communauté internationale.


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Accusé par les États-Unis de « menacer les institutions et de nuire au processus démocratique », Kalev Mutond s’est vu sanctionner par Washington, qui a gelé ses avoirs aux États-Unis en 2016.

L’Union européenne l’a également inscrit sur la liste des personnalités proches de Joseph Kabila faisant l’objet de sanctions pour des « entraves au processus électoral » et des « violations des droits de l’homme » en RDC.

Ceux qui disent que je suis sanguinaire vous ont-ils donné le nom d’une personne tuée par moi ou par nos services ?

« Je ne peux interdire à des êtres humains, aussi méchants soient-ils, de dire du mal de ma personne et de me diffamer gratuitement », glisse-t-il. « Ceux qui disent que je suis sanguinaire vous ont-ils donné le nom d’une personne tuée par moi et nos services ? »