Présidentielle en Algérie : pour l’opposition, les propositions de Bouteflika « ne sont qu’un leurre »

Les promesses d’Abdelaziz Bouteflika, candidat à sa propre succession lors du scrutin présidentiel d’avril prochain, de mener des réformes sur tous les plans et d’organiser une conférence nationale pour ressouder le pays, ne sont pour les candidats et partis de l’opposition qu’un leurre pour faire accepter l’idée d’un cinquième mandat.

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans un bureau de vote à Alger pour les législatives du 4 mai 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Le président algérien, Abdelaziz Bouteflika, dans un bureau de vote à Alger pour les législatives du 4 mai 2017. © Sidali Djarboub/AP/SIPA

Publié le 11 février 2019 Lecture : 3 minutes.

Des manifestants contre la candidature du président Abdelaziz Bouteflika à un cinquième mandat, vendredi 1er mars à Alger. © Anis Belghoul/AP/SIPA
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Démission de Bouteflika : les six semaines qui ont ébranlé l’Algérie

Confronté à une mobilisation populaire d’une ampleur sans précédent, Abdelaziz Bouteflika a annoncé mardi 2 avril sa démission de la présidence de la République. Retour sur ces six semaines qui ont ébranlé l’Algérie et mis un terme à un régime en place depuis vingt ans.

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« Difficile de croire en des engagements qui n’ont pas été concrétisés durant quatre mandats successifs. Il a eu vingt ans pour faire aboutir des réformes et il n’a rien fait », lâche un membre du bureau politique du Front pour la justice et le développement (FJD), le parti d’Abdallah Djaballah, pour qui la candidature de l’actuel chef de l’État n’est guère une surprise.

>>> À LIRE – Présidentielle en Algérie : vers une candidature commune de l’opposition ?

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Djaballah compte donc continuer ses consultations avec les formations politiques et certains postulants indépendants à la magistrature suprême, afin de s’entendre sur une candidature unique de l’opposition, seul moyen selon lui d’éviter la dispersion des voix des opposants à un cinquième mandat. Le FJD estime que la promesse présidentielle d’organiser une « conférence nationale » qui regrouperait tous les acteurs de la scène politique et de la société civile « n’est qu’un leurre pour justifier un cinquième mandat ».

« Ces réformes, il aurait pu les mener bien avant »

C’est dans le même état d’esprit que la direction de campagne du général major à la retraite Ali Ghediri aborde les engagements du candidat Bouteflika. « Ces réformes, il aurait pu les mener au cours de ses vingt ans de règne, durant lesquelles les conditions financières du pays étaient beaucoup plus favorables qu’actuellement avec la baisse dramatique du prix du pétrole. Or, il n’a rien fait de tout ça », tacle-t-on.

Ali Ghediri se positionne catégoriquement contre la nouvelle révision de la Constitution proposée par le président de la République, rappelant qu’à deux reprises, « en 2008 ainsi qu’en 2016 », la Loi fondamentale a été amendée « en fonction des seuls intérêts » de ce dernier. Ali Ghediri reste déterminé à poursuivre son projet de postuler à la magistrature suprême – malgré les pressions de la part du pouvoir auxquelles il dit faire face.

Ali Benflis vers un boycott du scrutin ?

La candidature de Bouteflika est également un non-événement pour le Front des forces socialistes (FFS). « On est toujours dans l’alternance clanique », commente un membre de l’instance dirigeante du parti, pour qui le scrutin présidentiel ne permet pas une compétition loyale. Le FFS réitère sa proposition d’une Assemblée nationale constituante, « seule solution pour parvenir à un changement radical ».

La décision officielle de Talaie El Hourriyet de participer au scrutin sera rendue publique à la fin de ce mois, à l’issue de la réunion de son comité central

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Premier à réagir à l’annonce de la candidature de Bouteflika, Talaie El Hourriyet, le parti de l’ex-chef de gouvernement Ali Benflis pense que les Algériens « sont en présence d’un nouveau détournement de la volonté populaire et d’une violation caractérisée de la Constitution, avec un candidat dans l’incapacité d’exercer la fonction présidentielle », ajoutant que « le pouvoir a pris une décision irresponsable, susceptible d’enfoncer davantage le pays dans une crise politique, économique et sociale qui le ronge ».

La tendance dominante au sein de cette formation est favorable au boycott du scrutin, avancent nos sources. La décision officielle sera rendue publique à la fin de ce mois, à l’issue de la réunion de son comité central.

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« La fraude a déjà commencé »

Quant à Louisa Hanoune, elle rétorque que la prochaine élection est porteuse « de graves dangers car la fraude a déjà commencé ». Pour la secrétaire générale du Parti des travailleurs, « ce système doit partir pour le bien du pays. Le statu quo est impossible et mènera inéluctablement à une effusion de sang ». Elle ajoute qu’elle ne croit pas « au sauveur suprême, à quelqu’un qui joue le rôle de Bonaparte ». Le pays a besoin, conclut-elle, d’un programme clair, élaboré « au seul profit des Algériens et non dans l’intérêt d’une oligarchie qui a caporalisé le FLN, l’ensemble des institutions du pays et même la diplomatie ».

>>> À LIRE – Présidentielle en Algérie : le front du boycott s’élargit

Enfin, le bureau exécutif du parti islamiste Mouvement de la société pour la paix (MSP) soutient que les réformes politiques contenues dans la lettre de candidature du président de la République ne « sont que du réchauffé de celles déjà proposées en 2011, dans une tentative de la part du président Bouteflika de barricader l’Algérie contre le Printemps arabe ». Le parti d’Abderrazak Makri prévient contre « la fraude et l’utilisation des moyens de l’État », précisant qu’un « consensus sincère implique la participation de tous sans exclusion ».

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